Musellement de la presse guinéenne: Jusqu’où ira la junte ?
Arrêté mani militari le week-end, à la suite d’une manifestation avortée des hommes des médias, qui protestaient jeudi dernier, contre la restriction d’accès aux médias et aux réseaux sociaux, le Secrétaire général du Syndicat de la Presse Professionnelle de Guinée (SPPG), a été auditionné ce lundi au tribunal de première instance de Dixinn. Après son audition, Sékou Jamal Pendessa Camara a été inculpé et conduit en prison.
Venu s’enquérir des réalités sur les lieux, le Ministre de la Justice et des Droits de l’homme, a tenu des propos choquants aux journalistes venus soutenir leurs confrères devant le tribunal.
S’adressant aux journalistes, Alphonse Charles Wrigth dira que personne ne peut prétendre mettre la pression sur la justice.
« Pour ceux qui ne le savent pas ou qui l’ignorent, personne n’a le monopole du désordre dans un État, quelle que soit la profession qu’il exerce. Personne ne peut prétendre mettre la pression sur la justice pour qu’elle fasse ce que vous estimez faire, ce n’est pas possible.
J’ai dit à monsieur Pendessa, je l’ai eu au téléphone pendant deux heures de temps. En tant que ministre des Droits de l’homme, je lui ai prodigué des conseils. C’est lui qui m’a appelé pour me dire que les journalistes sont séquestrés ceci et cela; je me suis même déplacé pour y aller. Je ne me mêlerai jamais du judiciaire. Les magistrats décideront ce qu’ils estiment être en conformité avec la loi. Mais ce que je lui ai dit, je vais le répéter devant vous : on peut crier; créer le scandale; monter des vidéos partout à travers le monde pour dire que la liberté d’expression est agressée en Guinée, ce n’est pas ce qui est important pour moi. Mais qu’est-ce que nous faisons pour que les choses changent? Est-ce que c’est ça la solution? Venir crier sur la justice? Aller qualifier les faits d’enlèvement, c’est ça la justice? C’est vous les juges? Pendessa a un avocat qui l’assiste. C’est normal que vous souteniez votre camarade; je le soutiens autant que vous. Aucune démarche de violence ne peut trouver la solution à un problème», a-t-il laissé entendre.
Pendant que la presse guinéenne traverse la période la plus sombre de son histoire, le Ministre de la Justice est allé jusqu’à considérer la presse comme un adversaire de l’Etat.
«Quel est le pays qui n’a pas besoin de sa presse? Quel est l’intérêt pour l’État aujourd’hui de créer un front avec la presse ? C’est ce que j’ai dit à Pendessa. Il m’a dit, on a tout fait, mais l’autre côté. Je lui ai dit l’autre côté qui? On ne peut pas faire de l’État son adversaire. La presse exerce dans un État. S’il y a des difficultés, moi je suis là; ma porte est ouverte. Ce que je vous demande, c’est la retenue».
Alors que la junte ne se souci plus du chronogramme des élections, devant permettre à un retour à l’ordre constitutionnel, fin 2024, de nombreux observateurs s’interrogent sur les vraies intentions du CNRD.
Brouillages des ondes des médias privés, restriction d’accès aux médias et aux réseaux sociaux, arrestations et séquestration des journalistes, instrumentalisation de la justice, l’on se demande jusqu’où ira la junte militaire qui avait renversé le régime d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021.
Abdoul Wahab Barry