« Nous avons tous intérêt à exercer loyalement notre profession, qu’importe le prix à payer. »
À l’assemblée générale ordinaire de l’Association des Magistrats de Guinée (AMG), son président, Mohamed Diawara, jusqu’à tout récemment suspendu par son confrère Alphonse Charles Wright, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, a prononcé un discours qui fait la UNE des commentaires.
Lisez
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de la Magistrature ; Mesdames et Messieurs les présidents des cours et tribunaux ;
Mesdames et Messieurs les procureurs près les cours et tribunaux ;
Mesdames et Messieurs les présidents, conseillers et juges des cours et tribunaux, honorables Magistrats de Guinée, en vos titres, qualités, rangs et grades respectifs.
Mesdames et Messieurs ;
Je vous souhaite la bienvenue à cette Assemblée Générale Ordinaire de l’Association des Magistrats de Guinée (AMG) et vous remercie pour avoir répondu massivement à cet appel.
Mes remerciements vont également à l’endroit des membres qui se sont toujours montrés fidèles à ce grand rendez-vous et qui n’ont pas pu effectuer le déplacement.
Je trouve opportun de rendre un vibrant hommage à mon prédécesseur, Monsieur Mohamed Ali THIAM, président de l’Association des Magistrats de Guinée de 2015 à 2021, pour son apport précieux toujours visible, acquis aux objectifs de l’association. Qu’il en soit vivement remercié.
C’est pourquoi, le Conseil d’Administration de l’Association des Magistrats de Guinée lui confère solennellement la qualité de MEMBRE D’HONNEUR.
Ce moment crucial nous donne encore l’opportunité d’exprimer ensemble notre immense gratitude et de formuler nos prières à l’endroit de nos ainés et collègues décédés, plus particulièrement à l’endroit de feu Kèlèfa SALL, ancien Président de l’Association des Magistrats de Guinée, d’avoir participé activement et loyalement au rayonnement de l’Institution judiciaire de notre chère Guinée.
C’est pourquoi, je demande respectueusement à toutes et à tous, d’observer une minute de silence à leurs mémoires.
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi, comme d’habitude, un grand honneur de vous retrouver, et c’est très chaleureusement que j’accueille ici chacun d’entre vous au nom de notre association.
Cette journée est un de ces moments d’échange autour des valeurs communes qui nous régissent tous.
Ce moment nous donne l’opportunité de rappeler les fondements du travail que le Conseil d’Administration de l’AMG mène.
Faisons donc, tous ensemble, le diagnostic de notre univers, un monde complexe qui, à date, nécessite assez de débats constructifs.
Ces débats se fondent sur des valeurs, l’éthique et la déontologie, contenues dans les textes qui régissent notre profession, notamment la Loi 046 du 18 janvier 2013, portant organisation, attributions et fonctionnement de la Cour des comptes et le régime disciplinaire de ses membres; et les Lois 054 et 055, toutes en date du 17 mai 2013, portant respectivement statut des Magistrats et sur le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM).
Ces débats se fondent également sur les activités de l’association, ses statuts et son règlement intérieur.
Mesdames et messieurs les Magistrats de Guinée
Nous exerçons une mission fondamentale au sein de la société, nous appliquons et faisons appliquer la loi, pour permettre aux citoyens de vivre en harmonie. La Magistrature est une profession d’excellence, humaine, qui requiert rigueur, courage, éthique et une grande capacité d’écoute et d’analyse.
C’est pourquoi, j’ose dire, que réussir son concours et obtenir son brevet de Magistrat ne sont pas suffisants pour être Magistrat. Etre Magistrat, c’est être courageux. Être Magistrat, c’est être audacieux, professionnel et engagé en termes de promotion, de protection et de sauvegarde des valeurs et textes, qui régissent la profession de « Juge » et des lois de la République. Être Magistrat, chers collègues, c’est de miser sur des facteurs objectifs pour construire sa carrière, en particulier sur la compétence, les qualifications professionnelles, l’intégrité et l’expérience.
Mesdames et Messieurs
Avec ces qualificatifs, que chacun s’interroge en âme et conscience, combien de Magistrats avons nous en Guinée ?
Chers collègues, ne savez-vous pas que l’acte juridique suprême qui permet aux politiques de décider de notre sort en termes de nomination, c’est ce même acte qui nous confère le devoir d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de nos fonctions respectives ?
A cet égard, en exerçant nos fonctions, nous devons faire fi, en toute circonstance, de notre vécu, de nos rapports personnels, de nos préférences politiques et idéologiques, et résister à toute forme de tentation.
En tant que garants de la justice, on ne peut se permettre d’agir avec passion.
En termes de protection des valeurs de notre profession, chacun de nous se doit prudence, sérénité et rigueur pour ne pas omettre le moindre détail.
Nous devons également être unis et solidaires pour défendre les règles et les principes qui régissent notre corporation.
Nous devons enfin être déterminés face à toute personne qui tiendrait des propos irrationnels et désobligeants, manquerait du respect envers la corporation, en vue de ternir son image.
Chers collègues, honorables Magistrats de Guinée, nous avons accepté librement d’être Magistrats ; donc assumons notre indépendance en imposant le respect qui nous est dévolu par les lois de la République.
Je l’ai toujours rappelé et je le réitère solennellement devant vous, si nous ne faisons pas attention, nous disparaitrons non pas en tant que Magistrats mais en tant que Pouvoir Judiciaire.
Vous conviendrez également avec moi, comme je l’ai toujours mentionné, on ne peut pas réussir la réforme du secteur de la justice avec la peur au ventre.
Nous avons tous intérêt à exercer loyalement notre profession, qu’importe le prix à payer. Je ne trouve pas en quoi un Magistrat refuserait d’agir en toute indépendance dès lors qu’il tire cette indépendance des lois de la République, au même titre que les acteurs des pouvoirs exécutifs et législatifs.
La meilleure façon de consolider notre profession dans une dynamique de cohésion et de respect mutuel, qu’elle soit respectée davantage dans une République comme la nôtre, est de se débarrasser de tout complexe à l’égard du justiciable, quel que soit son influence et aussi à l’égard du pouvoir politique.
Etre déterminé pour la promotion, la protection et la sauvegarde de l’indépendance du Pouvoir judiciaire laisse présager des lendemains promoteurs et meilleurs pour notre patrie.
Dans notre parcours professionnel, nous avons tous le devoir d’inculquer à nos collègues la sauvegarde des valeurs, la loyauté, le courage, la culture d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité et, ce, en vue de lutter sans cesse pour la construction d’une justice plus indépendante, impartiale, professionnelle et plus respectueuse des droits de l’homme.
J’avoue qu’en exerçant convenablement le devoir qui leur incombe, les Magistrats débarrasseront la Guinée de la plupart des maux dont elle souffre, notamment le détournement de deniers publics, la corruption et les infractions assimilées, le blanchiment de capitaux, j’en passe ….
Chers collègues, vous conviendrez avec moi, qu’il est décevant pour tout cadre loyal, engagé pour de véritables valeurs de sa profession, de constater un comportement indélicat de son collègue.
Notre attachement à la recherche de la vérité, au respect de l’éthique et de la déontologie de notre profession, à l’indépendance du Pouvoir judiciaire doit se manifester tant dans nos comportements que dans nos actes et ce, même au prix de notre fonction, pourvu qu’on perpétue cette valeur aux Magistrats guinéens pour l’intérêt du justiciable, de la bonne gouvernance et du Service public de la Justice.
Chers collègues Magistrats de Guinée, je suis convaincu de votre disponibilité et persuadé de votre adhésion au combat que nous menons à partir du moment où vous vous êtes massivement mobilisés pour répondre à l’appel du Conseil d’Administration de l’association.
Cependant, je reste optimiste que cette mobilisation n’est pas un vain acte. Être mobilisé, c’est s’engager pour le respect de l’éthique et de la déontologie de notre profession. Etre mobilisé, c’est oser en toute objectivité dénoncer les Magistrats indélicats qui contribuent aux disfonctionnements des cours et tribunaux, dénigrant ainsi notre image. Etre mobilisé, c’est converger tous ensemble vers les valeurs qui nous sont communes et nous unissent.
Chers collègues Magistrats de Guinée, notre serment marque la résolution ferme et personnelle devant l’Institution judiciaire et le peuple de Guinée.
Il constitue un engagement solennel de remplir au mieux notre mission, C’est le socle symbolique et éthique de la déontologie de notre profession.
Nous avons tous intérêt à soutenir les bonnes actions en faveur de notre secteur et se dresser comme un seul homme contre les mauvaises pratiques qui gangrènent notre univers.
Qu’on se demande à présent, que deviendrait notre Justice sans le concours précieux de chaque Magistrat, en termes de loyauté, de probité, de courage, de professionnalisme et d’objectivité ?
Sans la volonté de chaque Magistrat, l’Association des Magistrats de Guinée pourra-t-elle prendre part à la construction d’une Justice moderne, une justice aux valeurs transnationales, basée sur la rigueur, la performance, l’efficacité, l’efficience, la pertinence, la cohérence, la rentabilité et la durabilité ?
Je profite d’ailleurs de cet instant solennel pour saluer l’investissement de nos aînés qui ont su se mobiliser et apporter des fonds pour assurer la survie de notre association.
Je suis convaincu que chaque Magistrat demeurera objectif et ferme en termes de promotion, de protection et de sauvegarde des valeurs et principes qui régissent notre Profession. Cela y va de l’intérêt du peuple de Guinée et de la République.
Mesdames et Messieurs, par ces mots, je déclare ouverte l’Assemblée générale ordinaire de l’association des magistrats de Guinée et souhaite, encore une fois, la bienvenue à tous les Magistrats engagés pour le rayonnement d’une Justice vertueuse, indépendante et impartiale en République de Guinée.