Partenaires complices, peuples trahis : le nouvel ordre de la complaisance internationale
Les coups d’État militaires et constitutionnels destinés à confisquer le pouvoir, ainsi que les dérives liberticides qui les accompagnent, se multiplient à travers l’Afrique. Ce phénomène, autrefois circonscrit à quelques régimes fragiles, tend désormais à se banaliser sur l’ensemble du continent.
Face à cette situation, l’Union africaine, la CEDEAO, mais aussi l’Union européenne, les États-Unis et plusieurs partenaires internationaux semblent avoir renoncé à faire de la démocratie, de la liberté et de l’État de droit les piliers de leur coopération avec les États africains. Le réalisme économique, les contrats miniers, énergétiques et sécuritaires ont pris le pas sur la défense des valeurs universelles qu’ils prétendaient autrefois promouvoir.
Dans de nombreux pays africains, des dirigeants arrivés au pouvoir par effraction ou décidés à s’y maintenir par tous les moyens usent de la violence d’État, de la manipulation constitutionnelle et de la terreur judiciaire pour faire taire toute opposition. Pendant ce temps, les chancelleries occidentales et les organisations régionales détournent le regard, se contentant de condamnations de façade tout en signant de nouveaux accords économiques ou sécuritaires. Cette attitude encourage une gouvernance prédatrice : les ressources naturelles deviennent l’enjeu d’un marchandage cynique entre régimes illégitimes et partenaires étrangers davantage intéressés par leurs intérêts géostratégiques que par la souffrance des peuples.
L’Union africaine, censée incarner la souveraineté collective du continent, peine à s’affirmer comme gardienne des principes de démocratie, d’alternance et de justice. Quant à la CEDEAO, elle semble aujourd’hui impuissante à faire respecter ses propres textes, notamment le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui prohibe explicitement toute prise de pouvoir par des moyens non constitutionnels ou toute manipulation des constitutions à des fins de maintien au pouvoir.
Les dérives autoritaires se multiplient : répressions sanglantes, emprisonnements arbitraires, justice instrumentalisée, confiscation des libertés, pillage des ressources publiques et exclusion politique. De la Guinée au Togo, du Mali au Burkina Faso, du Niger au Cameroun, jusqu’à la Côte d’Ivoire et Madagascar, les mêmes pratiques se répètent : le pouvoir s’impose par la force et se protège par la peur.
Dans ce contexte, le silence ou l’inaction des partenaires internationaux équivaut à une forme de complicité. En privilégiant la stabilité apparente et les opportunités économiques au détriment de la justice et de la démocratie, ces acteurs étrangers renforcent l’impunité des régimes autoritaires et sapent durablement la confiance des peuples africains dans les institutions nationales et internationales.
Les conséquences de cette complaisance sont dramatiques : désespoir, pauvreté, absence de perspectives et fuite massive des jeunes Africains vers l’Europe. Cette immigration clandestine devenue incontrôlable est le fruit direct de la mal gouvernance et du cynisme des élites locales soutenues par leurs alliés étrangers. En retour, cette pression migratoire alimente la montée en puissance de l’extrême droite dans plusieurs pays occidentaux, qui exploitent la peur et la détresse des migrants pour justifier des politiques xénophobes et des replis identitaires dangereux pour la paix mondiale.
En Guinée, le CNRD incarne cette dérive autoritaire : promesses non tenues, répression systématique, exclusion des forces politiques majeures, instrumentalisation de la justice et violations massives des libertés publiques. Malgré la validation d’un plan de transition en dix points, la junte n’a fait aucun progrès tangible dans sa mise en œuvre. Le seul agenda visible demeure celui de la répression, de l’opacité et de la confiscation du pouvoir. Pendant ce temps, ni la CEDEAO ni l’Union africaine ne s’inquiètent sérieusement du retard accumulé, tandis que les chancelleries occidentales, promptes à signer de nouveaux partenariats économiques, restent muettes face à la dérive dictatoriale en cours.
Il est urgent de rompre avec cette hypocrisie. Les partenaires du continent doivent comprendre qu’aucune stabilité durable ne peut être construite sur l’injustice, l’exclusion et la peur. La démocratie, la transparence, l’État de droit et l’alternance ne sont pas des luxes africains, mais les conditions indispensables du développement et de la paix durable.
L’Union africaine, la CEDEAO et leurs partenaires occidentaux doivent faire preuve de cohérence entre leurs discours et leurs actes, conditionner leur coopération à des engagements vérifiables en matière de gouvernance, de liberté et d’inclusion politique, et soutenir véritablement les forces démocratiques qui, souvent au prix de leur liberté, se battent pour que les peuples africains soient maîtres de leur destin.
Tant que les grandes puissances continueront à fermer les yeux sur la confiscation du pouvoir au nom de leurs intérêts économiques, et tant que les organisations régionales africaines resteront prisonnières des chefs d’État qu’elles devraient contrôler, l’Afrique demeurera otage de ses dictateurs et de leurs complices étrangers. L’histoire retiendra non seulement la responsabilité de ceux qui oppriment, mais aussi celle de ceux qui se taisent.
