Contre La sansure

Pourquoi le peuple guinéen doit légitimement rejeter le projet de Constitution

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Le projet de nouvelle Constitution proposé en Guinée soulève de sérieuses préoccupations. Loin de rassembler la nation ou de garantir les principes démocratiques, il semble conçu pour consolider le pouvoir du président de la transition, Mamadi Doumbouya, et de son régime. Plusieurs raisons fondamentales justifient son rejet catégorique par le peuple guinéen.
I. Une Constitution qui divise et contredit les promesses initiales
Le colonel Mamadi Doumbouya avait promis une Constitution qui « ressemble et rassemble » les Guinéens. Or, le document proposé fait tout le contraire :
Exclusion et division : Sa rédaction a été menée dans l’exclusion totale d’une grande partie de la population, notamment les partis politiques les plus représentatifs du pays. Cette approche nuit à l’unité nationale et ne peut aboutir qu’à un texte contesté et non représentatif.
Mépris des droits humains : Le préambule de la Constitution proclame un attachement aux droits humains et aux libertés fondamentales. Pourtant, la réalité est en totale contradiction avec ces principes. Le régime du CNRD est accusé d’emprisonner des leaders politiques, de faire disparaître des activistes et des journalistes, et de se livrer à des actes de torture, d’enlèvement et de séquestration d’opposants, y compris des avocats.
Non-respect des engagements antérieurs : Ces principes de droits humains étaient déjà inscrits dans la Charte de la transition, pourtant rédigée et imposée unilatéralement par le CNRD. Si le régime n’a pas respecté cette charte, il est illusoire de croire qu’il respecterait une nouvelle Constitution.
II. La violation du serment de non-candidature
Un point crucial qui discrédite ce projet est la violation flagrante du serment initial de Mamadi Doumbouya :
•Un engagement clair : Le colonel Doumbouya avait solennellement juré de ne pas se porter candidat à une élection organisée durant la transition. Ce serment est clairement stipulé dans les articles 46, 55 et 65 de la Charte de la transition.
•Une Constitution « sur mesure » : Le projet de Constitution actuel rend non seulement possible, mais légitime, sa candidature à l’élection présidentielle. Comment peut-on faire confiance à une Constitution proposée par celui qui n’a pas respecté un engagement aussi fondamental et public ?
III. Des manipulations et des changements furtifs
Le processus de rédaction du projet de Constitution a été marqué par des manœuvres douteuses :
•Modification du mandat présidentiel : L’avant-projet de Constitution prévoyait un mandat présidentiel de cinq ans. Cependant, la version « finale » a été modifiée, faisant passer ce mandat de « cinq à sept ans », sans aucun débat public ni justification. Ce changement arbitraire ne peut s’interpréter que comme une tentative de permettre à Mamadi Doumbouya de s’éterniser au pouvoir, démontrant une claire intention de manipulation.
IV. L’ouverture de la présidence à la double nationalité : une insulte à l’histoire
Le projet de Constitution introduit une disposition particulièrement controversée :
•La nationalité guinéenne par acquisition : Le texte prévoit qu’un ressortissant étranger ayant acquis la nationalité guinéenne peut désormais être candidat à l’élection présidentielle. Cela signifie qu’une personne ayant une autre nationalité, par exemple française, pourrait diriger la Guinée.
•Un affront au 28 septembre 1958 : Cette mesure est perçue comme une insulte à la mémoire du 28 septembre 1958, date à laquelle le peuple guinéen a massivement dit « non » à la France pour affirmer sa souveraineté. À l’heure où plusieurs pays africains cherchent à réduire l’influence étrangère, la Guinée s’apprêterait à la réintroduire par la grande porte, trahissant ainsi les sacrifices de ses ancêtres.

V. *La suppression des débats télévisés entre candidats*

Un pilier de la transparence démocratique est inexplicablement retiré :
Manque de transparence et de vision : Le projet de Constitution supprime les débats télévisés entre candidats. Cette suppression est interprétée comme un aveu d’impuissance de Mamadi Doumbouya, qui n’aurait ni programme clair, ni vision politique à défendre devant le peuple.
Fuite devant la confrontation : Empêcher ces débats, c’est priver les citoyens d’une opportunité essentielle d’évaluer les candidats et leurs programmes, et cela traduit une volonté d’éviter toute confrontation et tout jugement public.

VI. L’absence de publication de la déclaration de biens du président

La transparence financière du président est compromise :
•Impunités et enrichissement illicite : Les membres du CNRD et du gouvernement de transition sont arrivés au pouvoir sans fortune apparente, mais ont refusé de déclarer leurs biens dès le début. Aujourd’hui, ils sont accusés de s’enrichir illicitement.
•Protection de la corruption : Le projet de Constitution entérine cette opacité en supprimant l’obligation de publication de la déclaration de biens du président. Cela ouvre la voie à l’enrichissement en toute impunité, sans aucun contrôle citoyen, et protège les pratiques de corruption.

VII. De graves contradictions internes au texte

Le projet de Constitution présente des incohérences flagrantes :
Incohérence sur l’âge du président : Le texte fixe à 40 ans l’âge minimum pour être président, mais à 21 ans pour être parlementaire. Cela crée une contradiction majeure : en cas de vacance du pouvoir, un jeune de 21 ans, président de l’Assemblée nationale, pourrait devenir chef de l’État, violant ainsi l’exigence des 40 ans pour la présidence.
Exclusion déguisée par la limite d’âge : La limite d’âge de 80 ans pour la présidence est perçue comme une tentative déguisée d’exclure certains candidats gênants. De plus, elle sous-entend une remise en question des capacités des médecins guinéens à attester de l’aptitude physique d’un candidat, ce qui est un manque de respect envers la profession médicale.

En résumé.

Ce projet de Constitution est une imposture manifeste. Son objectif principal semble être de permettre à Mamadi Doumbouya de confisquer le pouvoir et de s’y maintenir indéfiniment, au détriment de la démocratie et de la volonté du peuple guinéen.
Face à un tel texte, le peuple de Guinée ne doit pas tergiverser. Ce projet ne mérite ni vote, ni débat. Il est impératif de le rejeter avec force et de le renvoyer à la poubelle de l’histoire.
Seule une Constitution élaborée de manière inclusive, respectueuse des droits et des aspirations de tous les Guinéens, pourra véritablement asseoir les bases d’un État de droit stable et prospère.

Cellou Kansala DIALLO

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