Présidentielle 2024 : Masra- Deby, le Tchad entre rupture et continuité.
Ils ont respectivement 40 et 39 ans, et les experts s’entendent à dire qu’ils feront la course en tête, lors de la présidentielle du 6 mai prochain. L’un propose « la rupture », pour l’autre, sa filiation avec l’ancien président Idriss Deby lui colle à la peau. Qui sera le vainqueur?
C’est un scénario, auquel on s’attendait le moins. D’abord le fait de voir Succès Masra, Premier ministre de Mahamat Idriss Deby, contre qui il a été farouche opposant, dès les premières heures de la transition.
Ensuite, voir le premier ministre et le président de la République d’un même gouvernement s’affronter, cela n’arrive pas tous les jours. Ce qui pousse le politologue Tchadien Evariste Ngarlem Toldé à parler d’une « exception tchadienne ».
Pour l’ancien premier ministre de l’ex président Idriss Deby Itno, Albert Pahémi Padacké, lui aussi candidat, c’est tout simplement un match amical que les deux chefs de l’exécutif tentent de jouer, en caporalisant toutes les attentions sur eux.
C’est montrer à quel point ce match est très attendu par l’opinion tchadienne et internationale, et les premières empoignades verbales ont commencé dès les premières heures de la campagne électorale lancée le 14 avril dernier.
Les deux hommes semblaient ne pas se porter en cœur depuis avril 2021, date à laquelle l’armée a pris le pouvoir après le décès de l’ancien président Idriss Deby qui venait de passer 30 ans au pouvoir.
Le Maréchal du Tchad venait de tomber les armes à la main, face aux rebelles dans le nord du pays. La disparition d’Idriss Deby a suscité l’espoir d’un nouveau départ pour le Tchad. Mais son fils, Mahamat Deby, a pris les rênes du pouvoir, à la tête d’un Conseil Militaire de Transition.
Mahamat Deby a d’abord promis une transition démocratique d’une durée de 18 mois, avant de la prolonger de deux ans, à la suite d’un dialogue.
La « volte-face » de ce jeune général alors âgé de 38 ans, en plus d’une close dans les conclusions du dialogue national l’autorisant à porter sa candidature à la présidentielle ont provoqué des manifestations violentes, au cours desquelles plus de 50 personnes ont trouvé la mort et plus de 600 ont été arrêtées.
En février dernier, Deby a pris tout le monde de court en annonçant que les élections présidentielles auraient lieu le 6 mai, soit plusieurs mois avant la date initialement prévue.
Quelle pourrait être la force de Mahamat Idriss Deby Itno?
Sous le slogan « 12 chantiers – 100 actions», Mahamat Déby présente un programme où il fait du renforcement « de la paix, la réconciliation nationale et la sécurité pour tous les tchadiens », son premier « Chantier« .
Dans son programme, le fils d’Idriss Deby et candidat de la coalition Pour un Tchad Uni, évoque également des réformes de l’état pour « bâtir une République forte et juste». Mahamat Idriss Deby mise surtout sur sa capacité à faire face aux défis liés à la sécurité et à la stabilité.
Evariste Ngarlem Tolde, politologue et enseignant à l’Université de Ndjamena, ne croit pas que l’expérience militaire puisse «jouer en sa faveur». Mahamat Deby a quitté l’armée, en se désengageant pour se mettre en disponibilité avant de déposer sa candidature en novembre dernier.
« Là, nous sommes sur un terrain politique et les gens ne voient pas bien ces faits d’armes. C’est le bilan qui compte et non l’expérience militaire», poursuit le spécialiste.
Vu les tensions externes qui pèsent sur le Tchad, l’un des défis majeurs auxquels la prochaine équipe dirigeante devra faire face concerne aussi les relations internationales.
«Le Tchad a été une sorte de pare-feu entre le djihadisme au Sahel et au lac Tchad d’une part, et la guerre au Soudan d’autre part», explique Cameron Hudson, chercheur au Centre for Strategic and International Studies. Cette position stratégique indique l’importance du Tchad pour participer à la sécurité régionale.
Pour Ngarassal Saham Jacques, coordinateur national de l’organisation Tchadienne Anti-corruption (OTAC), l’expérience militaire de Deby est prouvée à l’international. Mais pour la gestion du pays, le bilan est autre avec les nombreuses répressions notées.
« Il y a eu beaucoup de cas de massacres perpétrés sur de paisibles citoyens» dit-il. C’est pourquoi il trouve que ces faits « posent problème sur la question de conquérir l’électorat tchadien», pour marquer sa résérve sur l’argument lié à son statut de soldat.
Pour parler des forces de Deby fils pour cette élection, le politologue Ngarlem Toldé note « qu’en Afrique ceux qui organisent les élections, les perdent rarement», avant d’expliquer qu’un autre atout de Mahamat Deby, c’est le fait qu’il soit «le candidat d’une coalition de 227 partis et de plus de mille associations». Et cette situation le met en position de « favori ».
Sur quoi mise Masra ?
Succès Mara présente son programme comme étant « un projet de société de justice et d’égalité ». L’actuel Premier ministre de la transition compte sur ces leviers comme « le sous-bassement, la fondation pour un Tchad uni, solide et admirable par ses voisins»
Jacques Ngarassal trouve que « l’atout de Succès Masra aujourd’hui est l’aspiration du peuple tchadien au changement« . Pour cet observateur, Masra est venu avec un autre discours orienté vers les besoins des jeunes qui sont la frange majoritaire de la population tchadienne.
Sur ce point, Masra estime que durant ces quelques mois à la tête du gouvernement, il s’est mis à « mobiliser des ressources financières, à signer des conventions, parmi lesquelles une qui permettra de former un million de tchadiens dans les meilleures universités, aux États-Unis», pour montrer son engagement à la cause de la jeunesse.
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