Prétendu droit de réponse de l’AVCB (réplique en réalité) à ma dernière sortie, quand le cœur parle plus que la raison !
Dans un style rédactionnel qui reste à désirer tant dans sa forme que le contenu, l’AVCB a réagi à ma tribune intitulée « Quel sens donné au recours administratif de l’AVCB contre le décret de rebaptisation de l’aéroport international Conakry-Gbessia ? »
Cette prétendue réplique de l’AVCB en date du 12 juin 2024 est une stupéfaction qui a choqué beaucoup de grands intellectuels guinéens. Et croire que c’est l’AVCB qui endosse un tel écrit, est encore plus écœurant et cela parce que ceux qui prétendent être les victimes des geôles du camp Boiro ont pour la plupart été de la crème de l’intelligentsia ou plutôt font partie de la première génération de l’élite guinéenne. De toute vraisemblance, des survivants existent encore et qui militent au sein de cette association. Ceux-ci ne doivent cautionner moralement que le sigle d’une association à laquelle ils se reconnaissent signe un tel papier.
Oui, Maréga, sous couvert de l’association des victimes du Camp Boiro (AVCB), a, suite à ma sortie concernant leur recours administratif estropié contre le décret de rebaptisation de l’aéroport international Conakry-Gbessia, désespérément tenté de démonter les arguments juridiques avancés par moi pour souligner qu’il n’existe, à date, aucune règle à connaitre pour rebaptiser une voie ou un lieu public du nom d’une personne en Guinée et qu’aucun texte législatif ou réglementaire en Guinée ne fait obligation au Président de la Transition d’une consultation ou d’une demande d’autorisation à une éventuelle association ou d’une quelconque personnalité pour dénommer un lieu public. Plus de cœur que de raison dans son écrit.
L’analyse d’un intellectuel devrait transcender les émotions et passions pour dire les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on voudrait qu’elles soient. Malheureusement, plutôt que de me répondre dans le langage juridique dans lequel je leur ai parlé afin d’enrichir la jurisprudence d’ordre prétorien que le justiciable guinéen en use très peu ou de susciter davantage de débat autour de la question mémorielle en Guinée, l’AVCB, en réalité Maréga, a désespérément essayé de noyer le débat en le plaçant sous un autre angle plutôt que juridique. Quoi de plus normal quand on est à court d’arguments ! Je comprends parfaitement cette posture qu’a prise cet homme, sous couvert de l’AVCB, pour essayer de déplacer le débat.
En effet, dans son soi-disant droit de réponse, Maréga affirme, parlant de moi bien évidemment : « Notre jeune juriste ainsi qu’un grand nombre de jeunes guinéens, ignorent l’histoire de ce pays qu’on veut leur cacher à travers une série de mensonges d’Etat qui n’ont pu résister cependant à l’ouverture des innombrables camps de torture en avril 1984 et à la découverte de l’ampleur des destructions causées par un système de gouvernement conçu, encadré et dirigé par un homme : le premier Président de la République de Guinée. »
Premièrement, Maréga doit savoir que moi je n’appartiens pas à cette jeunesse dont il parle ici, qui ignore l’histoire de la Guinée. Moi, ma soif de vérité et mon désir insatiable d’apprendre de plus, m’ont poussé à dévorer un important nombre de documents en tout genre notamment sur le passé de notre patrimoine commun. Cela m’a permis d’asseoir solidement ma conviction concernant la question mémorielle en Guinée. Évidemment, des livres sur l’histoire de la Guinée, j’en ai dévoré des tonnes dont entre autres : les témoignages de Maurice Robert, chef du secteur Afrique au service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) de 1958 à 1968.
Dans ses témoignages, ce tristement célèbre élément des services de renseignements français de l’époque affirme : « Nous devions déstabiliser Sékou Touré, le rendre vulnérable, impopulaire et faciliter la prise du pouvoir par l’opposition. Une opération de cette envergure comporte plusieurs phases : le recueil et l’analyse des renseignements, l’élaboration d’un plan d’action à partir de ces renseignements, l’étude et la mise en place des moyens logistiques, l’adoption de mesures pour la réalisation du plan(…). Avec l’aide d’exilés guinéens réfugiés au Sénégal, nous avons aussi organisé des maquis d’opposition…
L’encadrement était assuré par des experts français en opérations clandestines. Nous avons armé et entrainé ces opposants guinéens pour qu’ils développent un climat d’insécurité en Guinée et, si possible, qu’ils renversent Sékou Touré. (…) Parmi ces actions de déstabilisation, je peux citer l’opération « Persil », par exemple, qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie. »
Également, le prince des ténèbres, l’homme d’affaires et homme politique français, Jacques Foccart, a reconnu officiellement 58 coups d’Etat palpables manqués contre le premier régime guinéen. Qui peut être mieux placé que ces deux pour parler de la véracité ou non des complots contre le premier régime guinéen ?
Deuxièmement, je suis loin de ce jeune qui se laisse emporter facilement par l’émotion sieur Maréga, contrairement à certains membres de l’AVCB qui confondent souvent leur haine personnelle contre le Président Sékou Touré à la réalité historique, comme l’a si bien souligné l’ancien Premier Ministre M. Jean Marie Doré.
Plus loin, Maréga affirme « Dans un Etat de droit, les actes du Président de la République sont susceptibles d’être contestés devant les tribunaux : c’est la loi M. Mara, devrait le savoir… » Ce passage, en plus d’être évasif, ne tient à rien du tout. Certes, les actes du Président de la République sont susceptibles d’être contestés devant les tribunaux, cependant, est-il besoin de rappeler ici qu’il faudrait arrondir son angle conformément à la législation en vigueur ? Maréga aurait mieux fait de brandir l’arsenal juridique qui permet à son association d’aller contre cette décision de rébaptisation de l’aéroport international Conakry-Gbessia, plutôt que de soutenir sèchement que « les actes du Président de la République sont susceptibles d’être contestés devant les tribunaux : c’est la loi… » C’est trop facile de dire « nous sommes en droit de le faire », mais il faudra prouver juridiquement la faisabilité au risque de se faire ridiculiser.
Ensuite, Maréga affirme : «….Faut-il rappeler que l’actuel Président de la Transition a conquis le pouvoir par la force des armes, et non des urnes…. » Pourtant, nombre parmi les membres de l’AVCB s’étaient réjouis de la construction d’une stèle, par le même Président de la Transition qualifié par lui aujourd’hui d’illégitime pour prendre une telle décision, aux pieds du mont Kakoulima (Dubréka) à la mémoire de Kaman Diaby et autres. Quelle incohérence !
Il continue en disant « dans d’autres pays, des régimes autoritaires, des régimes de partis uniques de l’époque ont éliminé leurs opposants, leurs adversaires politiques mais en Guinée, le premier Président a purement et simplement éliminé les cadres, les enseignants, les médecins et autres intellectuels, les riches entrepreneurs (voir comment il a détruit la Ville de Kankan)… » Pourquoi évoquer spécifiquement Kankan ? Maréga est toujours dans des spéculations subjectives. Je me limite là pour le moment, parce qu’il y a trop d’incongruité dans cette prétendue réplique de Maréga. Si je continue à décortiquer tout son papier, je n’en finirai jamais.
Je persiste et signe : il n’existe pas d’interdiction d’usage du nom de feu Président Ahmed Sékou Touré en Guinée. En plus, l’homme du NON à De Gaulle n’a fait l’objet d’aucune peine infâmante pour qu’un édifice ne porte pas son nom. Également, son nom n’est pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs pour qu’on intente une action en annulation. Il ne porte ni atteinte à l’image de la Guinée ni ne heurte la sensibilité des personnes. Il n’est ni de nature à provoquer un trouble à l’ordre public et l’autorité n’a besoin de l’autorisation d’aucune association pour donner un nom à une voie ou un lieu public en Guinée. C’est un acte unilatéral, à la seule discrétion d’un chef de l’Etat, comme l’a toujours été dans notre tradition républicaine guinéenne.
Enfin, comme je l’ai souligné dans ma précédente sortie, la rebaptisation d’une voie ou d’un édifice public fait partie du pouvoir souverain du Chef de l’Etat ou des ministères autorisés par lui. Les membres de l’association des victimes du Camp Boiro feraient mieux de se ressaisir et de se reconcentrer sur leurs traditionnelles revendications relatives aux dépouilles et à la réhabilitation de leurs parents (pour ceux qui ne sont pas auteurs des infractions à eux leur reprocher).