PROCÈS DES MASSACRES DU 28 SEPTEMBRE : Le dernier acte d’une parodie de justice
Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance le 2 octobre 1958, l’État guinéen s’est particulièrement illustré par des actes de kidnapping, de violences, de tortures, de traitements inhumains et dégradants, d’assassinats ciblés, de délation, d’humiliation, de justice expéditive tout en garantissant l’impunité aux acteurs, aux complices et aux commanditaires des crimes les plus crapuleux.
Le même cycle de violences se perpétue inlassablement car l’impunité d’hier est la garantie de la répétition des crimes d’aujourd’hui.
Cruelle ironie du sort: le verdict de ce procès visant à obtenir justice sur les pires exactions de l’histoire de notre pays et de réconcilier la Guinée avec elle-même, tombe pile poil dans un contexte où cette même Guinée, tourmentée, lacérée, et exsangue, traverse l’un des pires terrorismes d’Etat et apparaît plus divisée que jamais. Poursuivie par ses vieux démons, le cycle de la malédiction peine à être brisé.
Et pourtant, le procès des massacres du 28 septembre 2009 était une belle occasion pour redonner de l’espoir aux nombreuses victimes des régîmes successifs en Guinée et apaiser tant soit peu les cœurs et les esprits en permettant à certaines familles de débuter véritablement leur deuil.
Mais hélas, comme toujours, notre appareil judiciaire a raté cet autre rendez-vous important de notre histoire.
Plusieurs faits viennent en soutien à cette analyse.
Primo: certains acteurs de la transition de 2009, et non des moindres, ont manqué à l’appel, notamment le Général Sekouba Konaté, ministre de La Défense au moment des faits. En plus, le verdict apparaît comme disproportionné à bien des égards, ce qui laisse croire que le CNRD ne cherchait qu’à séduire la communauté internationale au détriment de l’intérêt des nombreuses familles victimes de cette tragédie.
Secundo, la justice sous le CNRD n’est pas différente de la justice sous le CNDD de Moussa Dadis Camara. Actuellement, nous dénombrons plus de 57 jeunes guinéens froidement et lâchement assassinés. Des jeunes gens pour lesquels il n’y a ni compassion, ni justice de la part des autorités actuelles alors que les preuves sont encore fraîches et accessibles.
Sans mentionner les arrestations et détentions extrajudiciaires en dehors de tout cadre légal.
Je pense naturellement aux figures emblématiques de la lutte pour la liberté que sont Fonikè Mènguè et Billo dont nul ne sait ce qu’il est advenu.
Tertio, personne n’est dupe, ce jugement est une preuve éloquente de la mise en œuvre du stratagème politico-ethnique du CNRD. En condamnant sévèrement Dadis Camara, cela met l’ancien homme fort dans une position de faiblesse.
Étant populaire dans la région forestière dont il est originaire et face aux velléités de confiscation du pouvoir par le Général Doumbouya, le premier devient un fond de commerce électoral. C’est pourquoi nous ne serons pas surpris les prochains jours que des dispositions soient prises pour gracier le Président Dadis parmi tant d’autres.
Cette parodie de justice est une honte et elle n’honore pas la Guinée. Dans peu de temps, les plus naïfs découvriront la face cachée de l’iceberg, cet autre rendez-vous manqué de justice et ce procès téléguidé à des fins électoralistes.
Pour le CNRD, il n’y a pas de hasard de calendrier comme de hasard tout court: la présentation du projet de l’avant-constitution, la décision loufoque de réintégration de Gaoual au sein de l’UFDG, le verdict du procès des massacres du 28 septembre en l’espace de quelques jours, tout ceci concourt à détourner notre attention du sinistre sort qu’ils entendent réserver à nos frères Foniké et Billo.
Puissions-nous être à la hauteur de leur combat pour ce pays en faisant de leur sort la seule priorité du moment?
Souleymane Souza KONATÉ
Président de la Commission Communication de l’ANAD et Conseiller Chargé de Communication du Président de l’UFDG.
Image de la UNE : Les 10 prévenus présents face aux magistrats durant la lecture du résumé du verdict au procès des massacres du 28 septembre 2009, le 31 juillet 2024 à Dixinn. © Matthias Raynal/RFI