Putsch au Burkina Faso : incidents près de l’ambassade de France, situation confuse à Ouagadougou
Au Burkina Faso, des manifestants ont tenté samedi d’incendier l’ambassade de France à Ouagadougou, l’Institut français à Bobo-Dioulasso a été pris pour cible et Paris a condamné » fermement les violences ». La situation restait confuse samedi soir dans le pays, au lendemain d’un putsch au Burkina Faso qui a renversé le chef de la junte Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Au lendemain du putsch militaire qui a chassé du pouvoir le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, la confusion régnait à Ouagadougou, samedi 1er octobre, dans la soirée.
Dans sa première réaction depuis vendredi soir, l’État-major général des Armées a reconnu traverser « une crise interne », mais indiqué que les « concertations » se poursuivaient.
Quelques unités ont pris le contrôle de certaines artères de la ville de Ouagadougou, demandant une déclaration de départ du lieutenant-colonel Damiba », ajoute le communiqué qui précise que cette tension « ne représente pas la position de l’institution« .
Le chef de la junte au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, que des militaires ont annoncé vendredi avoir démis de ses fonctions dans un coup d’État, a appelé les putschistes à « revenir à la raison« , dans un communiqué publié samedi soir.
Dans ce texte publié sur la page Facebook officielle de la présidence, il a appelé les putschistes « à revenir à la raison pour éviter une guerre fratricide dont le Burkina Faso n’a pas besoin dans ce contexte« .
De leur côté, les putschistes ont affirmé samedi après-midi dans une allocution télévisée que Paul-Henri Sandaogo Damiba préparait une « contre-offensive » depuis « la base française de Kamboinsin« , un camp militaire proche de Ouagadougou où des forces spéciales françaises forment leurs homologues burkinabè.
Le ministère des Affaires étrangères français a « démenti formellement toute implication dans les évènements en cours depuis hier au Burkina ».
« Le camp où se trouvent nos forces françaises n’a jamais accueilli Paul-Henri Sandaogo Damiba, pas davantage que notre ambassade« , a poursuivi Paris.
Pour l’heure, le sort et la localisation de Paul-Henri Sandaogo Damiba restent inconnus.
En fin d’après-midi, deux institutions françaises ont été prises pour cible par des manifestants : un incendie s’est déclaré devant l’ambassade de France à Ouagadougou ont constaté des journalistes de l’AFP et de Reuters. Dans la soirée, un journaliste de Reuters a entendu des coups de feu à proximité du bâtiment.
Un incendie a aussi été déclenché devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso, selon des témoins dans cette ville de l’ouest du pays. Des manifestants favorables à Ibrahim Traoré se sont réunis et ont jeté des pierres sur le centre culturel français, d’après Reuters.
« La France n’a aucune implication » dans le putsch, selon le Quai d’Orsay
À Paris, le Quai d’Orsay a immédiatement réagi, « condamnant les violences contre notre ambassade avec la plus grande fermeté » et ajoutant que « la sécurité de (ses) compatriotes » était sa « priorité ».
Ces attaques « sont le fait de manifestants hostiles, manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre« , a déclaré sur France 24, la porte-parole du Quai d’Orsay, Anne-Claire Legendre, en « appelant les parties prenantes à assurer la sécurité » des bâtiments diplomatiques.
Dans leur déclaration de samedi après-midi, signée du capitaine Ibrahim Traoré, autoproclamé nouveau chef de la junte vendredi soir, les putschistes mentionnent leur « ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme« .
Vendredi, quelques heures avant le coup d’État, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté dans la capitale pour réclamer le départ de Paul-Henri Sandaogo Damiba, mais aussi la fin de la présence militaire française au Sahel et une coopération militaire avec la Russie.
L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années et il n’est pas rare de voir des drapeaux russes dans de telles manifestations.
Crainte d’affrontements après des tirs dans les rues
Après une nuit et une matinée calmes, la situation s’est de nouveau tendue dans Ouagadougou à la mi-journée, à la suite de tirs et des déploiements de militaires dans les rues laissant craindre des affrontements entre les partisans de Paul-Henri Sandaogo Damiba et les nouveaux putschistes.
Les principaux axes de la ville étaient bloqués, notamment le quartier de Ouaga 2000 qui abrite la présidence. Et des hélicoptères survolaient à faible altitude le centre-ville, selon un journaliste de l’AFP.
Vendredi soir, après une journée émaillée de tirs dans le quartier de la présidence à Ouagadougou, des soldats étaient intervenus à la télévision nationale pour annoncer qu’ils démettaient de ses fonctions Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Ils ont annoncé la fermeture des frontières, la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition. Un couvre-feu a également été mis en place de 21 h à 5 h (heure locale et GMT).
Le nouveau chef autoproclamé de la junte, le capitaine Traoré, était jusqu’à présent le chef de corps du Régiment d’artillerie de Kaya, dans le nord du pays, particulièrement touché par les attaques jihadistes.
La communauté internationale condamne le coup de force
Samedi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a « fermement » condamné dans un communiqué « toute tentative de prise de pouvoir par la force des armes ».
L’Union africaine (UA) a, elle, dénoncé un « changement anticonstitutionnel de gouvernement » et l’Union européenne (UE) estimé que le coup de force mettait « en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois » pour la transition.
De leur côté, les États-Unis sont « profondément préoccupés » par la situation au Burkina Faso, a affirmé le porte-parole de la diplomatie américaine dans un communiqué.
« Nous exhortons les responsables à désamorcer la situation, à prévenir tout préjudice aux citoyens et aux soldats, et à revenir à l’ordre constitutionnel« , a déclaré le porte-parole du département d’État, Ned Price, précisant que les États-Unis « suivaient la situation de près« .
Dès vendredi soir, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait « condamné avec la plus grande fermeté » un coup de force jugé « inopportun au moment où des progrès ont été réalisés pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024« .
Pour l’heure, les nouveaux putschistes n’ont pas indiqué s’ils comptaient respecter ce calendrier de transition.
Paul-Henri Sandaogo Damiba était arrivé au pouvoir en janvier par un coup d’État qui avait renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, discrédité par la hausse des violences jihadistes.