Quand les opportunistes s’invitent dans la course : un danger silencieux pour la gouvernance à venir (Par Abdourahmane Condé)
À chaque moment décisif de la vie politique guinéenne, un phénomène bien connu réapparaît : celui des alliances de dernière minute et des soutiens improvisés. La candidature du Général Mamadi Doumbouya ne fait pas exception.
Depuis l’annonce, on voit surgir, comme par enchantement, des activistes politiques, des franges opportunistes de la société civile, des micro-mouvements sans ancrage réel, tous soudainement convertis en partisans fervents du pouvoir.
Leur discours est toujours le même : « nous accompagnons le Général », « nous représentons la voix du peuple », « nous voulons la stabilité ».
Cependant, leur engagement arrive trop vite, trop tard, et souvent pour les mauvaises raisons.
Quel type de gouvernance peut naître d’un pouvoir entouré d’opportunistes ?
L’histoire politique guinéenne (et africaine) montre que ce ne sont jamais les adversaires qui détruisent un régime de l’intérieur, mais les alliés sans conviction, ceux qui changent de camp au gré du vent, ceux qui applaudissent aujourd’hui et accusent demain.
Ces ralliements de dernière minute posent des questions fondamentales :
-. Quelle légitimité ont-ils à parler au nom du peuple ?
-. Quel est leur véritable objectif : la nation ou leur propre ascension sociale ?
-. Et surtout : un pouvoir peut-il bâtir une gouvernance solide sur une base fragile, mouvante, intéressée ?
Une réalité bien connue
Dans Le Prince, Machiavél avertissait déjà : « Celui qui s’entoure de ceux qui accourent facilement vers lui, s’expose à voir ces mêmes hommes le quitter avec la même facilité. »
En Guinée, notre histoire récente le confirme : les mêmes figures qui applaudissaient Conté ont acclamé Dadis ; celles qui juraient fidélité à Konaté ont célébré Alpha ; Et beaucoup de celles qui critiquaient le CNDD hier se découvrent aujourd’hui une vocation à le soutenir.
Ces ralliements massifs sont dangereux pour l’avenir
1.- Ils créent une illusion de popularité : un pouvoir entouré de courtisans entend rarement la vérité. Il croit que tout va bien, alors que la base réelle dit le contraire.
2.- Ils étouffent les critiques constructives : les opportunistes se nourrissent du silence. Ils ne conseillent pas : ils flattent.
3. Ils préparent les crises de demain : dès que la situation se complique, ils disparaissent. L’histoire guinéenne a montré que ce sont eux qui allument les braises quand le vent tourne.
Conseils stratégiques au candidat Mamadi Doumbouya
1.- S’entourer de personnes qui ont une légitimité réelle : des leaders sociaux authentiques, des technocrates compétents, des acteurs politiques constants même critiques. Un pays ne se construit pas avec des silhouettes sans conviction.
2.- Ne pas confondre mobilisation et foule intéressée : un activiste qui change de discours selon la conjoncture n’est pas une force politique : c’est une variable instable.
3.- Bâtir une coalition solide, pas bruyante : Il vaut mieux 10 soutiens cohérents que 100 ralliements improvisés.
4.- S’appuyer sur un discours de vérité : Le peuple ne demande pas qu’on lui dise ce qu’il veut entendre. Il demande qu’on lui dise ce qu’il doit savoir.
5.- Se méfier des « mouvements » nés la veille de l’élection : L’expérience prouve que ce sont eux qui trahissent les premiers.
Le pays a besoin de constance, pas de comédie politique
Les opportunistes viennent dans chaque élection une opportunité individuelle. La nation, elle, attend une vision durable. Si les tournures politiques n’étaient qu’une manière de préparer la candidature, alors cette candidature doit désormais s’entourer non de ceux qui applaudissent le plus fort, mais de ceux qui comprennent réellement la Guinée, ses fractures, ses urgences et ses ambitions.