Qu’est-ce que la frigidité chez la femme et quelle en est la solution ?
En Afrique, les questions liées à la sexualité sont encore tabou dans la plupart des sociétés. Elle demeure un sujet très délicat, du fait des pesanteurs sociales, religieuses ou culturelles, quel que soit le milieu social ou le pays. C’est le cas de la frigidité qui touche une femme sur deux dans le monde.
Grace aux avis éclairés de spécialistes, nous avons voulu comprendre quelles sont les causes et les conséquences de ce trouble sexuel qui affecte de plus en plus de femmes.
Qu’est-ce que la frigidité féminine ?
La frigidité est un terme du langage courant qui désigne un trouble ou un dysfonctionnement sexuel chez la femme, causant l’absence de désir (l’anaphrodisie), l’absence de plaisir sexuel (l’anorgasmie), un manque d’intérêt pour l’activité sexuelle et de plaisir physique et émotionnel lors des relations sexuelles.
L’absence de plaisir sexuel peut se traduire par l’altération ou l’inexistence des sensations ou de l’orgasme au cours des rapports sexuels.
Même si le terme de « frigidité » est très répandu, beaucoup de spécialistes relèvent le caractère stigmatisant et péjoratif du mot qui tend à renforcer le sentiment de culpabilité de la femme et à renvoyer la faute chez la femme, qui serait donc incapable d’excitation sexuelle et de plaisir.
A la place, ils préfèrent parler de « dysfonctionnement orgasmique », une expression moins péjorative et qui suggère plus d’empathie avec les patientes.
« Le terme frigidité renvoie à un appareil électroménager très connu qui est le frigidaire. On le sait, le frigidaire produit de la fraicheur, donc quand on dit qu’une femme qu’elle est frigide, cela renvoie à la froideur, à l’indifférence, au manque de désir vis-à-vis de son partenaire », explique Jean Paul Kouame, sexologue clinicien et médiateur familial en Côte d’Ivoire.
Pour le clinicien, il faut aussi tenir compte du milieu socioculturel, de ses préoccupations, de sa santé.
Pourquoi est-ce un tabou ?
Dr Adrienne Vanessa Njewel est une Sexologue et médecin épidémiologiste originaire du Cameroun. Dans ses nombreuses consultations, elle a rencontré pas mal de patientes souffrant d’insatisfaction sexuelle, d’absence d’orgasme et de baisse de la libido.
Elle nous explique pourquoi la question de la frigidité est un tabou particulièrement dans les sociétés africaines.
« Il faut savoir que la libération sexuelle même si elle a donné aux femmes plus d’autonomie et de confiance vis-à-vis des hommes, n’a pas favorisé leur accès dans une relation de jouissance, d’égale à égal pour permettre de jouer un rôle dans l’épanouissement sexuel de la femme », rappelle la sexologue.
Selon elle, parler de frigidité revient à parler de l’intimité de la femme et de sa vie sexuelle et cela peut être mal perçu en Afrique. « Souvent ce qu’on voit en Afrique c’est que la société a tendance à faire porter à la femme toutes les responsabilités de la sexualité du couple, et donc si celle-ci s’exprime par une perte de désir chez la femme, cela peut être un souci », observe Dr Adrienne Vanessa Njewel.
« L’acte sexuel est un besoin naturel chez l’homme, comme la nourriture ou l’habillement, pourquoi on ne parviendrait pas à le pratiquer normalement, ça veut dire qu’il y a un problème quelque part. Lorsque les gens qui n’ont pas d’informations sur votre santé vont commencer à poser des questions, ça va forcément vous gêner. C’est pour cela que c’est un sujet tabou et que c’est difficile d’en parler comme ça », fait remarquer le sexologue Jean Paul Kouame.
Quelles sont les causes de la frigidité ?
Les causes de ce dysfonctionnement sexuel sont variées et peuvent être d’ordre physiologique ou psychologique.
Parmi les facteurs psychologiques, on peut citer l’ignorance ou le manque d’expérience en matière sexuelle, le manque de connaissance de son propre corps, le stress, une dépression, un trouble anxieux, des antécédents de traumatismes sexuels de nature à créer un sentiment de peur et de honte, la dépendance à l’alcool, au tabac ou aux stupéfiants, une démotivation sexuelle ou un sentiment d’échec.
« La capacité d’une personne à avoir du désir ou à atteindre l’orgasme dépend notamment de son âge, de son niveau d’éducation, de sa religion, de sa personnalité et de sa situation relationnelle. Il faut savoir qu’au début de la vie sexuelle, il est parfaitement normal de ne pas obtenir d’orgasme et d’avoir l’impression d’être frigide. Donc quand une patiente vient en consultation et me dit qu’elle découvre l’activité sexuelle, je lui fais savoir que c’est normal car le temps d’apprentissage et d’adaptation à une vie sexuelle peut être relativement long chez certaines femmes, d’où le sentiment de gêne qui s’installe chez elle », souligne Dr Njewel.
Le désir sexuel, la libido et le plaisir dépendent de plusieurs facteurs comme l’âge, la santé ou l’état psychologique ou mental de la personne.
Si l’un de ces éléments est perturbé, cela peut engendrer des conséquences sur l’activité sexuelle de la femme, notamment sur le plan physiologique.
Une femme frigide peut être sous traitements à base d’antipsychotiques et d’antidépresseurs, elle peut être sujette à des bouleversements hormonaux pendant la grossesse ou la ménopause, et même être dans un état de santé générale fragile qui ne favorise pas son épanouissement sexuel.
Comment traiter la frigidité ?
Il n’existe pas de traitement spécifique pour la frigidité. Le traitement de ce dysfonctionnement dépendra de sa cause.
Dans le cas d’une cause psychologique, l’intervention d’un psychologue ou d’un sexologue est nécessaire pour procéder à des séances de sexothérapie ou des séances de thérapie de couple.
Des médicaments comme des antidépresseurs ou des anxiolytiques peuvent être prescrits en cas de trouble anxiodépressif sous-jacent car il n’existe pas de médicaments spécifiques des troubles de la libido et de l’orgasme.
« A ce jour il n’y a pas de traitement pharmaceutique efficace, aucun traitement n’a pu régler la question de la frigidité. Ma petite connaissance en phyto thérapie et en naturopathie m’ont permis de mettre en place un médicament issu des plantes africaines qui traitent ce problème-là définitivement », explique Jean Paul Kouamé.
Une femme qui n’éprouve pas du plaisir par la pénétration peut parfaitement en éprouver si d’autres formes de relations sexuelles lui étaient proposées : masturbation, caresses, massage, préliminaires, entre autres. Il est donc important que femmes et hommes reconnaissent et valorisent les autres formes de plaisir sexuel estime Dr Adrienne Vanessa Njewel.
« Je travaille aussi avec les patientes sur comment apprendre à connaître et apprécier son corps, c’est un exercice très intéressant qui doit permettre à la femme de pouvoir essayer de trouver les points de son corps qui l’amène à ressentir du plaisir et à avoir des rapports sexuels », note la clinicienne.
La thérapie cognitive et comportementale (TCC) et la sexothérapie sont les formes de thérapie les plus employées.
« Je fais également recours à la thérapie cognitive et comportementale qui est un traitement plus psychologique que physique. En Afrique par exemple il y a encore beaucoup de tabous, de complexes. Beaucoup de femmes ont encore du mal à se dévoiler dans l’intimité du couple, ne savent pas montrer leur envie sexuelle et tout le reste, donc je les amène à prendre confiance en elles et à lâcher prise dans l’intimité. L’objectif ici est de plus approprier son corps et tenter d’atteindre l’orgasme seul avec différentes techniques et aussi un audit identifiant des zones et les gestes les plus apte à procurer du plaisir » confie Dr Vanessa Njewel.
La frigidité peut-elle avoir un impact sur la femme ou sur le couple ?
Bien souvent, la frigidité engendre un manque de confiance, une perte d’estime de soi, voire de la dépression.
Le fait, pour une femme, de ne pas éprouver du plaisir sexuel et de rester inassouvie ou frustrée, à la fois dans son corps et dans sa relation avec l’autre, entraîne une forte insatisfaction pouvant aboutir à des difficultés dans sa relation avec son partenaire.
« Socialement on n’est pas soi même lorsque chaque fois au travail, entre amis, en famille notre entourage raconte ses ébats sexuels et sa vie de couple, vous vous sentez différente, frustrée et cette frustration va se répercuter sur votre humeur, votre travail, votre conjoint et même sur vos enfants si vous en avez. On voit des femmes qui portent la main violemment sur les enfants pour rien du tout juste parce qu’elles se sentent seules, bien qu’étant mariée elle se sent néanmoins seule parce qu’elle n’arrive pas à jouir du bonheur que le mariage et une vie de couple épanouie devraient lui procurer » commente Jean Paul Kouamé.
« La frigidité peut entrainer beaucoup de problèmes dans le couple. Comment se fait-il qu’une femme mariée n’ait plus de désir envers son mari, ne ressente plus de plaisir au contact de son mari? Tout cela peut pousser l’homme à penser que sa femme veut le punir, qu’elle est entrain de bouder à cause de détails que lui-même ignore. Cela peut causer du tort au couple et cela peut même briser le foyer conjugal » note Dr Njewel.
La frigidité n’est pas une fatalité en soi, elle peut être surmontée à condition que le partenaire soit coopératif, en faisant preuve d’empathie, de patience et de compréhension.
L’attitude du partenaire sexuel est donc primordiale : ne pas reprocher à la femme sa frigidité ou se braquer contre elle, bien au contraire, il faudrait rassurer la conjointe dès que les premiers symptômes apparaissent, et essayer d’en parler avec elle afin de trouver des solutions, conseillent les médecins.
Par Ousmane Badiane
In. https://www.bbc.com/afrique/articles/c807r8y205wo
Image de la UNE : GETTY IMAGES