Sénégal : l’opposant Sonko condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse »
Un tribunal de Dakar a condamné, jeudi, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle de 2024, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». Il a été en revanche acquitté des faits présumés de viols. Cette décision de justice hypothèque néanmoins sa candidature à la fonction suprême.
La sentence est tombée pour Ousmane Sonko, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal, et l’un des plus farouches opposants au président Macky Sall. Il a été condamné, jeudi 1er juin, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » par un tribunal militaire de Dakar. Ce délit consiste à débaucher ou à favoriser la débauche d’un jeune de moins de 21 ans.
Statuant en l’absence du prévenu, la chambre criminelle l’a en revanche acquitté des accusations de viols et menaces de mort.
Cette même chambre a par ailleurs condamné à deux ans de prison ferme la co-accusée d’Ousmane Sonko, madame Ndèye Khady Ndiaye, patronne du salon de beauté où ce dernier était accusé d’avoir abusé d’une employée à plusieurs reprises. La plaignante, Adji Sarr, avait moins de 21 ans au moment des faits qu’elle dénonce.
La décision paraît, au vu du code électoral, maintenir la menace sur son éligibilité et sur sa faculté à concourir à la présidentielle de 2024. Les implications immédiates de cette décision et une éventuelle arrestation d’Ousmane Sonko sont incertaines. Le tribunal ne s’est pas prononcé sur une éventuelle détention.
« La décision de l’arrêter ou pas dépend du ministère public », a dit un des avocats d’Ousmane Sonko, Me Djiby Diagne. Mais « la candidature d’ Ousmane Sonko est hypothéquée », a-t-il déclaré.
Craintes de nouvelles violences
Au moment de la décision de justice, Ousmane Sonko, président du parti Pastef -les Patriotes et troisième de la présidentielle de 2019, était présumé se trouver chez lui à Dakar, bloqué depuis dimanche par un important dispositif policier, « séquestré » selon ses mots.
Les forces de sécurité ont repoussé, y compris par la force, toute tentative de l’approcher de la part de ses avocats ou de ses sympathisants. Les forces de sécurité ont tenu les journalistes à une distance considérable de sa maison. Elles ont lancé des grenades lacrymogènes sans sommation vers un groupe de journalistes, dont une de l’AFP, pour les éloigner.
Le verdict, point d’orgue d’un feuilleton qui tient le Sénégal en haleine depuis plus de deux ans, fait craindre de nouvelles violences.
Ousmane Sonko n’a cessé de protester de son innocence et de crier à un complot ourdi par le président, qui s’en défend. Il encourait jusqu’à 20 ans de réclusion pour viols.
L’enjeu est autant criminel que politique. L’égibilité d’Ousmane Sonko, 48 ans, est déjà compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre.
Macky Sall entretient le suspense sur une éventuelle candidature
Depuis que l’affaire de viols présumés défraie la chronique, Ousmane Sonko est engagé dans un bras de fer forcené avec le pouvoir pour sa survie judiciaire et politique.
Une vingtaine de civils ont été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à sa situation. Le pouvoir et le camp d’Ousmane Sonko s’en rejettent la faute.
Le Sénégal, rare pôle de stabilité dans une région troublée sans être pour autant étranger au tumulte politique, a connu de nouveaux affrontements entre supporteurs d’Ousmane Sonko et forces de sécurité autour de son procès puis de son retour du sud du pays vers Dakar vendredi.
Ousmane Sonko a été interpellé dimanche et ramené de force chez lui. Il a appelé les Sénégalais à manifester « massivement ».
Des jeunes ont attaqué les maisons de membres du camp présidentiel et se sont livrés à des saccages. Des représailles ont été conduites contre les biens de membres de l’opposition et du parti d’Ousmane Sonko.
Les dégâts sont restés très éloignés de ce qu’ils avaient été en 2021 peu après qu’eut éclaté le scandale, quand Ousmane Sonko avait été interpellé sur le chemin du tribunal où il se rendait en cortège à la convocation du juge.
Le discours souverainiste et panafricaniste d’Ousmane Sonko, ses diatribes contre « la mafia d’État », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée, selon lui, par l’ancienne puissance coloniale française lui valent une forte adhésion chez les moins de 20 ans, qui représentent la moitié de la population et ont faim de travail et de perspectives.
Le camp présidentiel accuse Ousmane Sonko de se servir de la rue pour une affaire privée, et de nourrir un projet insurrectionnel.
En dehors du sort de l’opposant, un autre facteur de division est le flou entretenu par Macky Sall sur sa candidature ou non à un troisième mandat.
Par France24, avec AFP
In. https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20230601-senegal-l-opposant-sonko-condamne-a-deux-ans-de-prison-ferme-pour-corruption-de-la-jeunesse