Simandou : Une dépossession nationale déguisée en victoire
Le 11 novembre 2025, la junte militaire guinéenne a inauguré le mégaprojet minier de Simandou, en présence de dirigeants étrangers dont Paul Kagame et Brice Oligui Nguema. Après trente ans d’attente, ce projet est présenté par le régime de Mamadi Doumbouya comme une réussite économique et politique majeure. Pourtant, une question s’impose : ce projet profite-t-il vraiment à la Guinée ?
Le projet Simandou représente un investissement de 21,5 milliards de dollars. Il est contrôlé par un consortium international composé de Rio Tinto, Simfer, Winning Consortium Simandou et Baowu. L’État guinéen ne détient que 15 % des parts du projet minier, les 85 % restants appartiennent aux multinationales. La Guinée, propriétaire légitime de son sous-sol, se retrouve ainsi minoritaire dans l’exploitation de ses propres ressources.
Ces 15 % ne constituent pas une victoire obtenue par négociation. Le Code minier guinéen de 2011 garantit automatiquement cette participation à l’État. Le gouvernement applique simplement la loi existante. Présenter cela comme un exploit relève de la manipulation. Concernant les infrastructures, l’accord de 2022 accorde 15 % supplémentaires à la Guinée, mais le contrôle opérationnel restera entre les mains des compagnies étrangères pendant plusieurs décennies. Quand la Guinée prendra possession de ces infrastructures, elles seront vieillissantes et les réserves minières largement exploitées.
Les conventions minières, ferroviaires et portuaires ont été finalisées en 2023 et adoptées par le Conseil national de transition en février 2024. Pourtant, ces documents restent inaccessibles au public. Le Premier ministre invoque le « secret d’État », le ministre des Mines parle de « négociations en cours ». Cette opacité viole le Code minier qui impose la publication des contrats. Sans accès à ces documents, impossible de vérifier les clauses fiscales ou les obligations des entreprises.
Simandou contient entre 2,8 et 4 milliards de tonnes de minerai de fer de haute qualité, avec une production annuelle prévue de plus de 100 millions de tonnes. Malgré ces chiffres impressionnants, les bénéfices pour la Guinée restent flous. L’État devra s’endetter pour atteindre, au mieux, 35 % de participation globale. Avec cette minorité, la Guinée ne pourra pas imposer ses décisions face aux actionnaires majoritaires.
D’autres pays africains ont obtenu de meilleures conditions. Le Botswana détient 50 % de Debswana, la Namibie impose 40 % de participation nationale, le Ghana a renégocié pour obtenir 30 %. Ces exemples montrent qu’il est possible de défendre ses intérêts nationaux face aux multinationales.
Un accord équilibré aurait dû inclure une participation majoritaire de l’État, l’obligation de transformer localement une partie du minerai, un transfert de technologies vers les entreprises guinéennes, des clauses de renégociation périodique et la création d’un fonds souverain pour les générations futures.
Face à cette situation, plusieurs actions s’imposent : la publication intégrale des contrats, un audit indépendant, une renégociation pour obtenir des conditions plus favorables, et des comptes à rendre pour les responsables. Les richesses de la Guinée appartiennent au peuple guinéen, pas aux multinationales.
Simandou peut devenir un moteur de développement, mais cela exige de la transparence et une défense ferme des intérêts nationaux. Se contenter de 15 % de nos propres ressources n’est pas une victoire, c’est un renoncement qu’aucun pays souverain ne devrait accepter. La vraie souveraineté se construit par des actes concrets qui placent l’intérêt national au-dessus des pressions extérieures.
Abdoul Karim Diallo

Citoyen guinéen
