Contre La sansure

Sommet de la francophonie : l’Afrique plus préoccupée par la santé de la langue française que de ses propres langues

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Le vendredi 4 octobre 2024, à Villers-Cotterêts au sein de la Cité internationale de la langue française, s’est ouvert le sommet de la Francophonie autour du thème : « Créer, innover, entreprendre en français ». Un sommet qui se poursuit ce samedi 5 octobre 2024, à Paris au Grand Palais. Un nombre considérable de Chefs d’Etat et de gouvernements africains étaient à ce rendez-vous pour rendre fièrement hommage à la langue française, donc à la langue d’autrui ou de l’ancien colon.

Rendre hommage à la langue de Molière n’est pas du tout une mauvaise idée, si les dirigeants et gouvernements africains déployaient les mêmes efforts en faveur des langues et écritures nationales africaines. Mais, très malheureusement, peu d’efforts sont déployés par eux pour permettre aux populations du berceau de l’humanité de créer, d’innover, d’entreprendre dans les langues du territoire ou les langues nationales. Rien n’est fait par exemple pour savoir comment véritablement les langues africaines se portent actuellement ?

Lugubrement et manifestement, l’Afrique qui constitue 85% de la francophonie, donc le cœur battant même de cette organisation de promotion et de valorisation des valeurs françaises, semble plus préoccupée par la santé de la langue de l’ancien colon que de ses propres langues. Pourtant, s’interroger sur la santé des langues nationales africaines aujourd’hui, est une question existentielle, car le vrai outil de développement du continent, ce sont ces langues nationales.

En effet, les dirigeants africains devraient mettre les bouchées doubles pour faire des langues africaines des langues d’influence, d’affaires et de création. En d’autres termes, la valorisation et l’enseignement des langues nationales ou locales sont un passage obligé pour toute nation aspirant éduquer son peuple et promouvoir le développement.

Considérées comme premier élément de la tradition et propres aux peuples ou pays, les langues nationales constituent la synthèse des valeurs sociétales des communautés africaines que les autorités devraient promouvoir dans le but d’atteindre le niveau de développement escompté. Elles sont, en d’autres termes, la réverbération de notre Civilisation. Mais, en quoi les langues nationales peuvent-elles être un outil de développement en Afrique ?

Tout peuple qui ne maitrise pas sa langue nationale ne pourrait conserver l’intégrité de son histoire. Apprendre et faire tout dans les langues coloniales ou étrangères, est l’un des véritables handicaps au développement du continent. Au lieu de la traduction, on en fait des transpositions des langues qu’on ne maitrise pas à la source de part et d’autre. C’est l’origine même des confusions, des désinformations des noms et symboles traditionnels en Afrique conduisant à la disparition littéraire de certains lieux historiques. Alors qu’ils existent physiquement. Comme l’a tambouriné le célèbre écrivain malien Amadou Hampaté Bâ, traditionnaliste et défenseur radical des cultures orales, l’homme peut perdre tous les éléments de sa culture, sans cesser d’être ce qu’il est, mais quand il perd sa langue, il perd tout.

Dans le cadre de l’apprentissage, des études ont toujours prouvé que l’homme apprend vite et mieux dans sa langue maternelle que dans une langue étrangère.

Mieux, pour couper complètement le cordon ombilical avec l’occident et faire de notre indépendance une réalité, l’introduction et la valorisation des langues nationales dans le système éducatif est plus qu’une nécessité. C’est un impératif, car en plus de faciliter la compréhension et la transmission des savoirs, cela pourrait largement contribuer à l’expansion de nos langues, par ricochet nos cultures, en dehors de leurs foyers originels. La langue définit l’homme; c’est son essence même.

En un mot ou en mille, toujours est-il que faire la promotion des langues et écritures nationales africaines, ce n’est aucunement du chauvinisme, mais plutôt un acte de promotion et de valorisation des valeurs sociétales africaines. Un Maninka, un Peul, un Soussou, un Kissi, un Guerzé, un Baga par exemple se sent mieux dans sa langue, transmet mieux sa culture, sa civilisation dans sa langue maternelle que dans n’importe quelle autre langue.

Sayon MARA

Juriste

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