Transition guinéenne: l’interview-vérité de Fodé Mohamed Soumah, leader de GeCi
De la composition du gouvernement Bah Oury aux manifestations contre le délestage du courant électrique en passant par les annonces du locataire du palais de la Colombe sur la durée de la transition et du président du CNT à propos de la mouture de la nouvelle Constitution, Fodé Mohamed Soumah se prononce sur les questions de l’heure en Guinée.
Le leader du parti Génération Citoyenne ne fait pas de cadeau à la junte militaire guinéenne dont il dénonce les actes. L’ancien senior à la salle des marchés de la bourse de Paris fait aussi des propositions pour dissiper la crise en vue d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Fodé Mohamed Soumah répond aux questions de Mohamed Bangoura.
Mosaiqueguinee.com : Le gouvernement Bah Oury vient d’être mis en place, les ministres ont été installés dans leurs fonctions. Etes-vous déçu ? Que vous inspire sa composition ?
Fodé Mohamed Soumah : Après la dissolution avec fracas, tambours et trompettes du gouvernement Goumou, je ne m’attendais pas à un simple remaniement qui, du reste, aura pris des semaines en lieu et place de 48 heures pour les nominations et les passations. Selon une formule usitée, on prend les mêmes et on recommence, avec le rêve éveillé d’obtenir des résultats différents. J’ai toujours déclaré que nos États n’ont pas besoin de plus de 15 ministres, à la tête de structures regroupées. L’exécutif devrait être la 1ère poche de gestion vertueuse, afin de renforcer les secteurs « chapeaux » de l’éducation nationale, de la santé publique, des Finances, de la Coopération internationale, de la Défense intérieure et aux frontières, de l’autosuffisance/sécurité alimentaire qui engloberait l’agriculture, la pêche, l’élevage, etc. En tant que gestionnaire et politique, le train de vie de l’État me préoccupe au 1er chef.
Quelle doit être sa mission principale ?
Je n’arrête pas de marteler depuis le départ, que la mission d’un gouvernement transitoire est d’évacuer les affaires courantes et non pas de lancer des programmes de développement, car l’État est une continuité. A date, nous aurions dû achever cette transition depuis l’année dernière.
Le premier ministre Bah Oury a annoncé que les élections ne se tiendraient qu’en 2025 contrairement à l’accord conclu avec la CEDEAO. Est-ce réaliste ?
Le PM n’a fait que reprendre ce qui avait été déjà annoncé. L’opacité qui entoure le chronogramme assujetti aux 10 points du CNRD, était un indicateur palpable que le terme des 2 ans ne serait pas tenu. Des religieux aux personnalités morales, en passant par la société civile, tout le monde est taiseux. Alors que des conflits politiques peuvent surgir, tout comme des sanctions/restrictions éventuelles pour des populations qui n’en peuvent plus.
Les délestages du courant électrique ont repris dans la capitale Conakry, suivis de manifestations dans plusieurs quartiers. On annonce le retour du bateau turc pour combler le gap. Est-ce la solution ?
C’est l’éternel recommencement et on utilise des voies de contournement, l’improvisation et les boucs émissaires. Alors que la capacité de production qui avait fait oublier les délestages pourrait satisfaire les besoins de l’activité économique exsangue en journée. La solution provisoire du bateau ne fait que déplacer les problèmes, comme si la période de soudure n’existait pas dans les pays limitrophes et sahéliens qui ont le courant en continu !
Le président du conseil national de la transition a annoncé Dr Dansa Kourouma a annoncé à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis que la Guinée aura une nouvelle Constitution au mois de mars 2024.A une semaine de la fin de cette échéance, faut-il toujours y croire ?
J’ai toujours dit que le maillon faible de la transition est le CNT. Au lieu de s’appuyer sur l’existant, il est resté focus sur une nouvelle constitution et le referendum dont rien n’a filtré. Je leur rappelle que la constitution est le Coran et la Bible d’un Etat, car il regroupe les règles de fonctionnement des institutions. Donc, c’est vouloir prendre les Guinéens pour des demeurés, que de présenter une mouture déjà bouclée par qui et ficelée où ? Par ailleurs, il serait temps de remettre en question la poursuite de leurs émoluments, face à l’absence de résultats probants depuis 2 ans.
Comment sortir de la transition qui semble désormais s’éterniser en Guinée ? Quelles solutions préconisez-vous ?
Dans notre cas, la transition n’aurait pas dû dépasser une année. Six à neuf mois auraient suffi, entre le toilettage de la constitution de 2010 et l’élection présidentielle, en passant par la révision des listes électorales, le referendum et le couplage des Locales et des Législatives. Pis, la décrispation réelle du climat sociopolitique se fait attendre autour de véritables négociations avec les syndicats et la classe politique. Liberté provisoire et résidence surveillée pour de nombreux détenus. Dégel des comptes bloqués, ou à tout le moins, l’accès à une partie du capital pour les besoins vitaux. Permettre la libre circulation des personnes qui ne peuvent pas rentrer ni sortir du pays. Aider concrètement les sinistrés de Kaloum à l’approche de la saison hivernale. Opérer une véritable séparation/équilibre des pouvoirs, etc. L’atmosphère délétère et le sentiment d’injustice n’augurent rien de bon. Gouverner, c’est prévoir. Mais on semble naviguer à vue et parer au plus pressé.
Interview réalisée par Mohamed Bangoura, Directeur de Publication de Mosaiqueguinee.com