Transition politique au Mali : Le Cadre exige de nouvelles autorités à partir du 27 mars.
Le conférencier Dr Modibo Soumaré.
Le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie a organisé, le samedi 19 mars dernier, dans la salle de conférence du Centre Djoliba, une conférence de presse pour se prononcer sur l’évolution de la situation sociopolitique de notre pays. Ladite conférence était principalement animée par le président du cadre, Dr Modibo Soumaré, en présence de plusieurs responsables de l’Organisation, notamment l’ancien ministre Amadou Koïta qui a d’ailleurs lu la déclaration liminaire.
Après les mots de bienvenue du président du cadre, Dr Modibo Soumaré, l’ancien ministre Amadou Koïta a dévoilé le contenu de la déclaration élaborée pour la circonstance. Selon lui, face à la gravité de la situation, face à l’escalade permanente quasi quotidienne adoptée par le gouvernement actuel comme mode de gestion, face à la violation des engagements pris par les autorités de la transition, le Cadre d’échange des partis politiques et regroupements de partis politiques pour une Transition Réussie, dans une démarche participative et constructive, a décidé de s’adresser à la classe politique dans son ensemble, à la société civile, aux démocrates, aux patriotes, aux leaders traditionnels et religieux et à l’ensemble des partenaires du Mali (Cédéao, Union africaine, Nations-Unies, Union européenne…).
En effet, dit-il, conformément à la Charte adoptée le 12 septembre 2020, la Transition en cours est prévue pour s’achever le 25 mars 2022. Sur cette base, il a été convenu de façon consensuelle entre les forces vives de la nation que le premier tour de l’élection présidentielle se tienne le 27 février 2022. Ce qui devrait par la suite permettre au président de la République élu de conduire l’ensemble des missions que n’auraient pu exécuter les autorités de la Transition. A ses dires, les éléments contenus dans cette Charte de la Transition ont été les bases d’engagements des autorités transitoires face au peuple et à la Cédéao. C’est ainsi que nous nous sommes engagés à soutenir la Transition et la Communauté internationale a apporté son inestimable appui à notre pays en insistant sur le respect des délais consensuels convenus.
Violation systématique des engagements
“Mais malheureusement, depuis le deuxième coup d’État du 24 mai 2021 et la mise en place de l’actuel gouvernement, il nous a été donné de constater une violation systématique des engagements pris vis à vis du peuple et de la Communauté internationale. Sous la conduite de ce gouvernement, aucune action concrète n’a été entreprise dans le sens de l’organisation des élections, pour un retour à l’ordre constitutionnel. Une raison évidente de la rupture de confiance du Peuple et des partenaires du Mali”, a-t-il déploré.
A le croire, les mises en garde répétées du Cadre d’échange, qui tenait le gouvernement du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga responsable de tout glissement éventuel sur l’agenda convenu, sont restées vaines. Pire, les autorités de la Transition ont travaillé plutôt à mettre toutes les parties prenantes devant le fait accompli d’une prolongation, sans aucune discussion préalable. Alors que dans l’éventualité d’une prolongation il aurait été bien céans d’ouvrir de franches discussions avec les forces politiques et sociales du pays, le pouvoir actuel a privilégié les menaces, les intimidations, les bras de fer, le mépris et les affrontements avec tous ceux qui ont une voix proposante ou discordante.
“C’est dans ce contexte qu’il a proposé un chronogramme inacceptable avec une prolongation de 5 ans que la Cédéao a raisonnablement rejeté avec comme conséquences de lourdes sanctions qui frappent notre pays depuis le 9 janvier 2022”, a-t-il ajouté. Pour le ministre Koïta, s’il est vrai que ces sanctions sont déplorables parce qu’elles touchent la population qui fait déjà face à de nombreuses souffrances, force est de reconnaître que les autorités de la Transition sont les seules responsables par une volonté manifeste de confiscation et de se maintenir au pouvoir en entretenant un flou artistique sur les délais assorti d’une gestion opaque et discriminatoire.
Le gouvernement dans sa gestion hasardeuse
Il ajoutera qu’en vue de trouver un accord sur un chronogramme acceptable, pour une levée graduelle des sanctions qui frappent notre pays, la Cédéao a dépêché une mission conduite par le Médiateur Goodluck Ebele Jonathan, le 24 février 2022. Cette mission était censée annoncer la fumée blanche, mais la logique de confiscation du pouvoir a pris le dessus sur la levée des sanctions qui aurait surement soulagé la souffrance du peuple.
“Aujourd’hui, le Mali vit dans le clivage à cause de l’invective permanente contre la grande majorité de la classe politique. À titre illustratif, l’organisation des Assises nationales dites de la Refondation, sans une partie importante des forces vives, qui avait pour seule vocation une proposition de prorogation de mandat de 5 ans, donc du maintien de la Transition”, a indiqué le ministre Koïta.
Selon lui, le gouvernement, dans sa gestion hasardeuse, a mis la Cédéao sur le dos en entrainant un embargo contre le Mali. Plus de deux mois après, le même gouvernement, avec l’aval du président de la Transition, persiste à maintenir les sanctions contre notre pays sans faire une proposition pour abréger la souffrance du peuple.
“Cela est en train de provoquer la faillite de nombreuses entreprises, poumons économiques de notre pays. Des milliers de camions sont massés à nos frontières sans que le Gouvernement en fasse une priorité. Des pans entiers de l’activité économique du pays sont aux arrêts faute de matières premières. Les prix ont grimpé. Surtout ceux du carburant. Cela va amplifier la détérioration des pouvoirs d’achat de nos populations”, précise-t-il.
A l’entendre, de jour en jour, cela est en train d’engendrer une crise économique qui, par conséquent, entrainera une crise sociale parce que de nombreux chefs de familles, se retrouvant au chômage, auront du mal à subvenir aux besoins de leurs familles. “Ce qui fera augmenter la délinquance, les vols, la corruption et les attaques à main armée d’honnêtes citoyens. L’administration publique est paralysée faute de moyens budgétaires suffisants pendant que les autorités s’apprêtent à augmenter le nombre des membres du CNT et de l’équipe gouvernementale”, a-t-il poursuivi.
A en croire le ministre Koïta, le Malikura tant vanté se résume à la propagande et au populisme. “Le Malikura, pour eux, c’est de nous dire qu’ils ont fait en 8 mois pour notre vaillante armée ce qui n’a été fait en 30 ans. Le Malikura, c’est la distribution des logements sociaux dans le clientélisme, le favoritisme et le népotisme. Le Malikura, c’est de faire le recrutement à la Canam dans la concussion. Le Malikura, c’est d’exposer le pays à des sanctions économiques et financières dans la seule volonté de confisquer le pouvoir. Le Malikura, c’est l’isolement diplomatique du Mali”, a-t-il martelé.
Le Gouvernement étale à la face du monde son incapacité
Sur le plan de la gouvernance, il dira que la responsabilité de l’ensemble des autorités de la Transition est engagée sur le fait que le chef de l’Etat peine à fixer le cap et à siffler la fin de l’escalade ; le CNT n’interpelle pas le Gouvernement sur la gestion catastrophique de l’isolement de notre pays et l’absence de mesures de soulagement des souffrances dus à l’embargo ; le Gouvernement étale à la face du monde son incapacité à conduire la Transition vers la réalisation des vraies missions.
Et de rappeler que 18 mois est le délai sur lequel le Mali s’est entendu avec les partenaires pour un retour à l’ordre constitutionnel normal. “Aujourd’hui, force est de reconnaitre que cet objectif majeur n’a pas été atteint et pour masquer son incompétence, le Gouvernement publie une auto-satisfecit de 87% de taux de réalisation de ses objectifs ». Ce taux, dit-il, portait sur la période de septembre-octobre-novembre soit un trimestre et non la totalité de la Transition (18 mois). Par insuffisance de résultat concret, le gouvernement a ignoré le bilan des 18 mois.
Pour toutes ces raisons évoquées, notamment de politique, gouvernance, économique et social, il a déclaré que le Cadre exige la mise en place, à compter du 25 mars 2022, d’une nouvelle Transition avec la mise en place d’un nouveau Conseil national de Transition (CNT) et d’un nouveau Gouvernement de mission conduit par un Premier ministre non partisan.
Un gouvernement dirigé par un Premier ministre neutre
Selon lui, la nouvelle Transition, à partir de cette date, doit être neutre avec un programme clair, centré sur le renforcement de la sécurité pour l’intégrité du territoire national, le retour rapide de l’ordre constitutionnel normal à travers l’organisation d’élections libres, démocratiques et transparentes, l’apaisement du climat socio-politique, le renforcement de la relation entre notre pays avec ses partenaires. Aussi, précise-t-il, le Cadre exige que cette nouvelle Transition soit conduite par un nouveau gouvernement de mission dirigé par un chef de gouvernement non partisan, consensuel, compétent, intègre et ayant une connaissance avérée des dynamiques politiques, économiques et sécuritaires du pays afin d’assurer une sortie honorable de notre pays de cette période de crise majeure, unique dans l’histoire du Mali.
Ainsi, le Cadre rejette le projet de loi non consensuelle de relecture de la loi électorale proposée au CNT et recommande l’adoption d’une loi électorale consensuelle qui avait été adoptée par la majorité de la classe politique avec le Ministère en charge de l’Administration territoriale ; la révision unilatérale de la Charte de Transition, conformément aux objectifs d’un pouvoir qui veut s’éterniser par tous les moyens.
Enfin, le Cadre constate que les violations des libertés fondamentales sont devenues la règle de la gouvernance actuelle. Les arrestations arbitraires et les règlements de comptes politiques sont devenus des armes régulièrement utilisées pour réduire au silence ceux qui osent apporter la contradiction.
Boubacar PAÏTAO
in https://www.maliweb.net/politique/transition-politique-au-mali-le-cadre-exige-de-nouvelles-autorites-a-partir-du-27-mars-2970397.html