La dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en Tunisie porte gravement atteinte à l’État de droit dans ce pays, a regretté mardi la Cheffe des droits de l’homme de l’ONU.
« Sa dissolution porterait gravement atteinte à l’État de droit, à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance du pouvoir judiciaire dans le pays », a déclaré dans un communiqué la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, exhortant le Président tunisien Kais Saied à rétablir le CSM.
« La dissolution du Conseil supérieur de la magistrature constitue une violation manifeste des obligations de la Tunisie en vertu du droit international des droits de l’homme », a-t-elle ajouté.
Pour les services de Mme Bachelet, il reste beaucoup à faire pour mettre la législation, les procédures et les pratiques du secteur de la justice en conformité avec les normes internationales applicables. « Mais cela a été un grand pas dans la mauvaise direction », a affirmé l’ancienne Présidente chilienne.
Le Président tunisien Kais Saied, qui s’est arrogé depuis juillet les pleins pouvoirs, a décidé de dissoudre le CSM, un organisme indépendant chargé de nommer les juges, de veiller au bon fonctionnement de la justice et à l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le Chef de l’Etat tunisien accuse le CSM d’être partial et au service de « certains intérêts ».
Une mesure qui intervient après la suspension du Parlement
Cette instance indépendante créée en 2016 pour nommer les juges, est composé de 45 magistrats, pour les deux tiers élus par le Parlement et qui désignent eux-mêmes le tiers restant. Pour l’ONU, sa création constituait « une avancée majeure dans la consolidation de l’État de droit, de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice en Tunisie ».
Par ailleurs, les bâtiments du CSM ont été bouclés par les forces de sécurité intérieure. Ses membres et le personnel ont été empêchés d’entrer dans les locaux. De plus, « des campagnes de haine et des menaces ont également été lancées en ligne contre les membres du Conseil », a affirmé Mme Bachelet, invitant Tunis à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des membres et du personnel du Conseil.
En juillet dernier, le Président a soudainement suspendu le Parlement, limogé le Premier ministre et déclaré qu’il pouvait gouverner par décret. Il a depuis annoncé son intention de réécrire la constitution démocratique de 2014 avant de la soumettre à référendum.
Il s’agit du « dernier développement d’une trajectoire inquiétante en Tunisie », a conclu Mme Bachelet, rappelant « la multiplication des tentatives d’étouffer la dissidence, notamment par le harcèlement des acteurs de la société civile ».