Une junte en quête d’illusions, un État en déroute
En ordonnant la tenue du procès des massacres du 28 septembre 2009, la junte au pouvoir s’est parée du masque de la justice. Mais derrière cette façade soigneusement construite, se cache une réalité moins glorieuse : celle d’un régime avide de symboles pour camoufler ses propres dérives. Sous couvert de réconciliation nationale, cette initiative s’est révélée n’être qu’un jeu d’apparences, un théâtre tragique où les victimes jouent les figurants et où l’État esquive, une fois encore, ses responsabilités historiques.
Ce procès, censé marquer un tournant décisif, n’a été qu’un exercice d’évitement. Les condamnations, bien que spectaculaires, ne sont qu’un simulacre, car l’État, garant suprême des réparations, a choisi l’oubli pour seule réponse. Les victimes, premières concernées, restent les grandes absentes de cette justice spectacle. Leur souffrance, pourtant criante, est noyée dans le silence d’un pouvoir qui préfère détourner les regards plutôt que d’assumer ses torts.
Les magistrats : d’arbitres à profiteurs
Pendant que les victimes comptent leurs plaies et leur douleur, ceux qui auraient dû incarner l’intégrité judiciaire se sont vautrés dans un luxe indécent. Ces magistrats, logés dans des hôtels fastueux pour un coût faramineux de 13 milliards de francs guinéens, ont trahi leur serment et la solennité de leur fonction. Comment justifier, dans un pays en quête de justice, que ceux qui disent la loi soient ceux qui festoient aux frais d’un État défaillant ?
Même après la fin des audiences, certains juges auraient continué de profiter des commodités offertes par ces hôtels, comme pour mieux illustrer leur mépris des valeurs qu’ils prétendent défendre. Pendant ce temps, les victimes, elles, restent à la porte de la justice, abandonnées à leur précarité. Ces juges, loin d’être les gardiens de l’équité, se sont transformés en artisans d’un système cynique, où les opprimés servent d’alibi à une élite insatiable.
Une justice aux allures de mirage
Le système judiciaire guinéen, tel qu’il se dévoile ici, n’est qu’un décor trompeur, une scène où se joue une pièce sans substance. Les verdicts, bien qu’enrobés de mots imposants, ne sont que des incantations vides, dépourvues de mécanismes concrets pour garantir leur exécution. À quoi bon promettre des milliards aux victimes si ces sommes, dans les faits, relèvent d’une chimère ?
Les réparations, au lieu de soigner les blessures, se heurtent à l’inertie d’un État qui refuse de voir en face la portée de ses actes. Pire encore, cette justice, bâtie sur des illusions, s’enlise dans une corruption systémique où le bien commun est sacrifié sur l’autel des intérêts individuels.
Une tragédie nationale
Le procès des massacres du 28 septembre aurait pu être une lueur dans les ténèbres de l’histoire guinéenne. Mais il s’est transformé en un triste symbole d’échec. L’État, dans sa complaisance, a abandonné les victimes pour se livrer à un jeu d’ombres, tandis que les juges se sont emparés des richesses publiques, ne laissant que des miettes aux oubliés.
Ce n’est pas seulement la mémoire des martyrs de 2009 qui est trahie ; c’est celle de toute une nation, qui aspire depuis des décennies à une justice réelle, capable de réconcilier et de réparer. Tant que les puissants se contenteront de poser pour l’histoire, tandis que les humbles souffrent en silence, la Guinée restera enfermée dans un cycle de mensonges et de renoncements.
Le glas d’un espoir trahi
Il ne suffit pas de tenir des procès ; encore faut-il qu’ils soient porteurs de vérité et de réparation. La justice, quand elle devient spectacle, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Si la junte et ses juges ne se lèvent pas pour assumer pleinement leurs responsabilités, le procès des massacres du 28 septembre 2009 restera dans les annales comme un naufrage moral et institutionnel, un moment où l’État, face à son propre reflet, a choisi de détourner les yeux.
Pour une nation qui aspire à se réconcilier avec elle-même, ce procès aurait pu être un phare. Il n’aura été qu’un leurre, un mirage dans le désert aride d’une justice corrompue.