Contre La sansure

Une réforme électorale ou un enterrement de première classe ?

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Réponse à Joachim Baba Millimouno (*), contorsionniste politique en quête de poste

Il faut parfois user du sécateur quand la langue publique s’enroule dans des ronces d’hypocrisie. À la lecture de la tribune de Joachim Baba Millimouno défendant la création d’une Délégation Générale aux Élections (DGE) pour remplacer la CENI, on hésite entre la pitié pour le sophisme, et l’ironie face à tant de mauvaise foi.

Ce monsieur, que l’on a vu jadis dans les périphéries du militantisme citoyen, semble aujourd’hui s’être converti à une religion bien connue chez nous : la chasse au poste. Et comme souvent dans ces cas-là, l’intellectuel se mue en illusionniste, trafiquant la logique pour caresser le régime dans le sens du sabre.

Si la présence des partis n’a pas suffi, leur absence fera-t-elle mieux ?
C’est là le nœud de son raisonnement. Joachim nous sert un syllogisme absurde :
– La CENI avec les partis a échoué.
– Donc, retirons les partis.
– Et tout ira mieux.

C’est comme dire qu’un tribunal qui juge mal en présence d’avocats, jugera mieux sans avocats. Quelle contorsion ! Quelle paresse intellectuelle ! Quelle capitulation civique !

Une réforme ? Non. Un enterrement de la transparence.

La Guinée n’a pas besoin d’un lifting institutionnel pour satisfaire les lubies du général-président. Elle a besoin de garanties démocratiques. Et la première, c’est la présence – dans l’organe électoral – des représentants de ceux qui concourent aux élections.

La vérité est brutale : retirer les partis de la DGE, c’est organiser les élections entre soi, pour soi, et par soi. C’est une tricherie préméditée, emballée dans du vocabulaire technocratique.

Un détour par l’histoire : quand l’exclusion des partis prépare le chaos

Guinée, 2010

Première transition, premières illusions. La CENI de l’époque – bien que partiellement pluraliste – n’a pas pu empêcher les manipulations entre le premier et le second tour. Il a fallu des médiations extérieures pour limiter la casse.

▶ Et pourtant, les partis étaient encore là. Imagine leur absence.

Tchad sous Idriss Déby

Une commission électorale « neutre », entièrement noyautée par les proches du régime. À chaque scrutin, la mascarade était servie : 80% pour le pouvoir, des opposants en exil, des bulletins qui brûlent avant le dépouillement.

▶ Le modèle parfait pour les apprentis dictateurs.

Russie de Poutine

La fameuse Commission électorale centrale n’a jamais été contestée… parce qu’elle est totalement verrouillée. On y joue aux élections comme on joue au théâtre : même script, même vainqueur.

▶ C’est ce que Joachim nous vend : une démocratie décorative.

Ailleurs, on fait mieux. Partout où ça marche, les partis siègent.

Sénégal

La commission électorale autonome permet l’alternance, car les partis y siègent, le pouvoir ne décide pas seul. C’est ainsi que l’opposition peut devenir majorité, et vice-versa.

Afrique du Sud

La Commission électorale indépendante est sous contrôle parlementaire pluriel, avec audits, débats publics et presse vigilante. Aucune réforme sérieuse ne supprime les partis du processus.

▶ La transparence électorale n’est jamais née de l’exclusion. Elle est le fruit du pluralisme.

Dans quel pays du monde une junte militaire dissout les partis, réprime les opposants, suspend les libertés, et demande ensuite à ce qu’on lui confie seule l’organisation des élections ?

Réponse : dans un pays en route vers la dictature.

Et quand des intellectuels comme Joachim Baba Millimouno deviennent les griots de cette dérive, on comprend pourquoi la Guinée patine : ce ne sont pas les militaires qui manquent, ce sont les courageux qui fuient.

Conclusion :

Joachim, tu ne proposes pas une réforme. Tu proposes une mise en bière.
Tu ne veux pas garantir la transparence. Tu veux garantir à tes maîtres une victoire sans témoin.

Ce que tu appelles « DGE », c’est une CENI sans conscience, sans contradiction, sans colonne vertébrale.
Un guichet électoral pour autocrates en mal de légitimité.

Mais nous serons là.
Pour observer.
Pour dénoncer.
Pour témoigner.
Et surtout, pour nommer ceux qui, comme toi, veulent faire taire la voix du peuple.

Alpha Issagha Diallo
Militant, témoin du réel

(*) https://guinafnews.org/joachim-baba-millimono-sur-la-creation-de-la-dge-une-reforme-electorale-necessaire-face-aux-limites-du-modele-ceni/

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