Le pouvoir ou le pouvoir, il va tenter le diable
Le discours est sans ambages : hier, comme demain, que les élections se tiennent ou non, il est déterminé à conserver le pouvoir, même en marchant sur les cadavres.
Dès lors, les Guinéens et les partenaires internationaux devraient commencer à anticiper les événements. Il s’agit de réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre face aux désastres qui devraient découler de son obstination à conserver le pouvoir en dépit de l’aspiration des Guinéens au changement.
Il paraît qu’il a confié à des proches que « les élections coûtent cher » et que les budgets consacrés à ces rendez-vous démocratiques devraient être affectés à d’autres priorités. Si cela s’avère vrai, la Guinée va basculer dans un vide institutionnel, et le maintien du Colonel à la tête du pays reposera sur sa capacité à produire de la violence répressive.
Nous sommes tous d’accord que le recours aux coups d’État s’avèrent nécessaire, impératif et surtout d’une certaine utilité dans la mesure où les dirigeants qui se maintiennent indéfiniment au pouvoir en se (re-) confectionnant des Constitutions sur mesure et en invoquant la démocratie de façade, sont très souvent habités par des comportements aux antipodes de la culture démocratique qu’ils défendent dans leurs discours théoriques. Nous pouvons citer des exemples des coups d’État démocratique comme Jerry Rawlings au Ghana en 1981 ou Amadou Toumani Touré au Mali en 1991, qui ont permis à leurs pays de retrouver une « normalité » constitutionnelle.
Mais il est bien aussi de rappeler que l’impact négatif des gouvernances militocratiques à vie assurées par les présidents Biya, Sassou Nguesso, Blaise Compaoré, Mugabe, Museveni, Kagame… Peut-être le colonel Mamadi en 2025 ? Ses gouvernances ont toujours imbibé leurs populations dans une déception totale.
Très souvent, la joie des populations qui applaudissent les coups d’Etat dans l’espoir de voir se rétablir la normalité démocratique et constitutionnelle est éphémère. Elles finissent par découvrir que derrière ces belles intentions se cachent souvent des addictions obsessionnelles au pouvoir et à ses honneurs, à l’enrichissement personnel illicite et au mimétisme du pouvoir chassé par les armes.
Le colonel doit éviter que la Guinée soit sous l’emprise d’un pouvoir foncièrement hostile à l’idée qu’un peuple peut choisir librement ses dirigeants et mener de façon épanouie une vie démocratique. Cet état d’esprit n’est toutefois pas sans conséquences. Lorsque les dirigeants algériens et nigérians avaient décidé d’interrompre leurs processus électoraux, afin de conserver le pouvoir, ils étaient loin de se douter qu’ils plongeassent leurs pays dans des cauchemars.
Les coups d’État n’ont pas tardé suivis d’interminables guerres civiles. Des organisations extrémistes, surfant sur les frustrations des masses populaires, vont ensanglanter des régions entières sous les regards impuissants des autorités, dépassées par la tournure des événements.
Le tissu social va être profondément détérioré par des haines incurables entre compatriotes, au pays-même et à l’étranger. Des années plus tard, les deux pays peinent toujours à s’en remettre et se demandent si tout cela valait vraiment la peine… Ces expériences sont à revisiter pour ceux qui, en Guinée, envisagent de tenter le diable.
Pourquoi les régimes dont l’avènement a été nourri par une contestation populaire en faveur de plus de démocratie et d’État de droit finissent-ils souvent par décevoir le peuple ?
Fabien BANGOURA