Contre La sansure

Le peuple est toujours là, il subit les coups, enterre ses morts, panse ses blessures…

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En mai dernier, cette publication avait été saluée par de nombreux lecteurs. Nous avons jugé utile de la remettre sur notre fil.

Parmi les pays de la sous-région ouest africaine, la Guinée est l’un des plus riches en ressources du sol et du sous-sol mais son peuple est parmi les plus misérables, paradoxalement.

L’Etat, puisque c’est par ce nom qu’il faut l’appeler, constitue le fléau le plus mortel auquel le peuple fait face. Oui, l’Etat à lui seul a arraché aux guinéens plus que le paludisme, COVID et Ebola réunis ! Tout a été fait, toutes sortes d’armes ont été utilisées, toutes les formes de violences ont été exercées sur lui, toutes les formes d’intimidation, d’humiliation et de privation ont été utilisés contre ce brave peuple mais il ne lâche point.

De 2006 à maintenant, c’est une guerre sans merci que les clans mafieux, ethniques et tribalistes ont livré contre les braves populations, déterminées coute que coute à finir avec les fléaux qui lui sont imposés à travers une élite corrompue, une soldatesque mal formée, mal payée et mal encadrée.

Malgré le manque de routes, d’hôpitaux dignes de nom, d’écoles, d’eau potable et d’électricité, bref des besoins fondamentaux pour la survie, les Guinéens se battent, construisent, entreprennent, éduquent leurs enfants, réussissent tout de même, malgré la déliquescence de l’Etat déterminé à l’agenouiller et à l’abrutir.

En 2007, c’est le peuple tout entier qui s’est levé comme un seul homme pour réclamer justice à Lansana Conté et Cie dans un climat de pauvreté généralisée et de corruption endémique, l’armée ouvrira le feu sur des populations non armées tuant ainsi des centaines et violentant toute personne qui tombait dans leur piège. Ces manifestations furent réprimées avec une brutalité sans précédente. Le peuple s’est contenté de la nomination d’un premier Ministre avec la suite que nous connaissons, mais il n’a pas lâché.

En 2009, à la suite d’une manifestation organisée par l’opposition d’alors au stade du 28 Septembre, les guinéens seront encore pris pour cibles par ce même Etat avec la même armée : c’est encore plus de 150 citoyens qui furent abattus en plein jour dans un stade encerclé par d’autres guinéens, des femmes violentées et violées en plein jour, les victimes n’ont toujours pas eu droit à la justice mais n’ont pas abandonné.

En 2010, ce sont des citoyens guinéens qui seront attaqués chez eux, pillés, traumatisés et humiliés avant d’être chassés avec la complicité de cette même armée afin de leur imposer l’homme providentiel Alpha Condé qui sera investi à la fin de l’année après que le peuple ait subi les traumatismes les plus inhumains, les plus dégradants. Les plus sceptiques ont cru que c’était la fin du calvaire. Malheureusement le temps d’accalmie n’a pas duré.

En 2013, à l’occasion de l’organisation des élections législatives, c’était encore le même peuple qui sera soumis à la violence étatique, pour une fois encore imposer des députés qui n’ont pas été élus par lui, mais qu’il devait accepter. Il fut certes traumatisé de nouveau mais il survécut et continua la lutte.

En 2014, en pleine crise d’Ebola, ce sont les populations du sud du pays qui seront prises pour cibles et abattues comme lors d’une battue, certains surpris de nuit dans leur sommeil se sont réveillés à l’au-delà, sans jamais savoir de quoi ils étaient reprochés, Womé, Zaoro et Galapaye portent les stigmates de ces violences inouïes mais tiennent toujours.

Les élections de 2015 n’en étaient pas les moins violentes. Les guinéens ont toujours subi leur armée pour leur imposer le dictat d’un groupe de personnes qui sur eux a droit de vie et de mort.

Les élections locales de 2018 font toujours parler d’elles puisque jusqu’à maintenant les maires élus attendent toujours de prêter serment, les tueries, les arrestations arbitraires, les séquestrations et autres humiliations n’ont toujours pas fini de nous livrer leurs secrets.

A chaque fois que ce peuple est humilié et sauvagement brutalisé, il s’est relevé encore plus déterminé, plus fort qu’il n’était hier. Il n’a eu peur ni de la violence, ni de la faim, ni de la soif encore moins de l’obscurité. Il a toujours tenu bon.

2020, des guinéens qui croyaient dur comme fer que Alpha Condé devait continuer ses ‘’grands chantiers de développement’’ ont cru nécessaire d’imposer à ce peuple un troisième mandat, malgré les mises en gardes, les menaces, les tentatives de dissuasion tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Guinée.

Du référendum à la présidentielle en passant par les législatives, on aura tout vu, tout entendu et tout vécu de la part de ceux pour qui, aucun Guinéen n’était éligible pour remplacer ‘’l’inamovible’’ Alpha Condé. L’opposition réunie au sein du FNDC résistera et marquera les esprits de manière indélébile à travers les grandioses manifestations organisées en Guinée et à travers le monde, suivies des formes de répression les plus violentes. Les Guinéens tiendront encore jusqu’au bout !

L’Etat sous Alpha Condé usera de tous les moyens à sa disposition pour mater toute opposition et imposer son dictat ; le peuple tint bon malgré les grandes campagnes de violence, d’humiliation, d’arrestation, d’emprisonnement et d’exil et corolaires. Le peuple de Guinée aura tenu jusqu’au bout mais sera vaincu, du moins temporairement et le troisième mandat lui fut imposé.

 

Pendant quelques heures, le temps s’est arrêté à Conakry, Condé est réapparu dans les rues de la ville, cette fois-ci pas en tant que Président mais prisonnier.

 

Pendant que les Guinéens se remettaient de ces traumatismes successifs, le Colonel Doumbouya et ses hommes firent irruption au palais un dimanche 5 Septembre au petit matin et mirent Condé et son troisième mandat hors d’état de nuire. Pendant quelques heures le temps s’est arrêté à Conakry, Condé est réapparu dans les rues de la ville, cette fois-ci pas en tant que Président mais prisonnier.

Le peuple est toujours là, il subit les coups, enterre ses morts, panse ses blessures et attend encore avec foi et détermination le prochain bourreau. Le Colonel Doumbouya dérogera-t-il à cette règle ? L’espoir est certes permis, mais le temps des illusions est révolu.

Les Guinéens n’attendront pas la totale guérison pour servir d’exemple à d’autres, ils sortiront de l’enfer où leurs propres fils les ont précipités avec les récipients d’eaux qui serviront à éteindre les flammes et sauver les pays et peuples frères d’Afrique et d’ailleurs.

En tout cas le peuple lui, est habitué, désormais rien ne le surprendra et il n’a pas l’air de capituler, quoiqu’il arrive, jusqu’à la victoire finale. C’est sa seule manière à lui de rendre hommage à ses valeureux filles et fils, ces soldats de la liberté qui, de leur sang, ont arrosé la terre de Guinée pour que règnent justice, paix et fraternité.

 

Par Boubacar DIENG

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