Le gouvernement guinéen n’a pas jugé utile d’envoyer une mission de lobbying à Accra
LA GUINÉE ET SES FILS ET FILLES ÉTAIENT POURTANT ABANDONNÉS À LEUR SORT SANS DIRIGEANTS POUR DÉFENDRE LEURS INTÉRÊTS,
Avant même l’annonce de la tenue ce 04 juin 2022 de la 6ème session extraordinaire de la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO, des émissaires du Mali et du Burkina-Faso étaient au four et au moulin pour négocier avec cette organisation sous-régionale en vue d’aboutir à un compromis acceptable pour toutes les parties. Pendant ce temps, à Conakry, M. Ousmane Gaoual Diallo et le colonel Amara Camara sortaient leurs arsenaux belliqueux et va-t-en-guerre pour traiter le Président de la commission de la CEDEAO, M Jean-Claude Kassi Brou, de tous les noms d’oiseaux en remettant en cause sa légitimité pour donner son avis sur la transition guinéenne.
Mieux, y compris à la veille et le jour J de cette réunion, le Burkina Faso et le Mali ont déployé des émissaires à Accra et n’ont pas arrêté les démarches souterraines pour défendre les intérêts de leurs pays respectifs pour obtenir des décisions favorables ou à out le moins en limiter leur ampleur. Pendant ce temps, les ministres guinéens étaient engagés dans une tournée sous forme de campagne de séduction dans le pays profond sous prétexte de toucher du doigt les réalités concrètes de l’intérieur du pays.
- la sortie pleine d’amalgames du Premier ministre qui faisait comprendre aux jeunes de N’zérékoré que manifester équivalait à se faire tuer,
- l’installation méthodique et en sous-main des antennes régionales du FNDT,
- l’ouverture des maisons régionales de la presse (sous-tendu par une volonté d’achat des consciences et de réduction au silence de cette presse face aux nombreuses dérives en cours et à venir)
- et de façon inédite, une battle et une chorégraphie de mamaya entre ministres à Kankan.
Plus surprenant encore, le ministre des Affaires étrangères et des guinéens de l’étranger était également au cœur de cette propagande à l’intérieur du pays. À aucun moment, il ne s’est estimé plus utile auprès des chancelleries ouest africaines ni des différentes instances de la CEDEAO pour ouvrir la voie aux tractations afin d’aboutir à un compromis acceptable sur la transition guinéenne.
En se remémorant la préparation de cette réunion côté guinéen, un sentiment étrange nous envahit à juste titre : La Guinée tout entière et ses fils et filles apparaissaient bel et bien comme des laissés pour compte sans égards aucuns de leurs dirigeants, ni même d’un minimum de sympathie pour éviter que les guinéens n’aient à faire face à un éventuel fardeau insupportable.
Non, jamais les autorités actuelles du pays n’ont daigné se mettre à la place du peuple de Guinée pour imaginer et mesurer la difficulté que cela représenterait pour le pauvre citoyen de cumuler en l’espace de quelques jours, les conséquences d’une hausse des tarifs de carburants à la pompe et de devoir supporter les effets d’éventuelles sanctions économiques et financières additionnelles sur son dos. Cela semblait être en effet le dernier souci de Mamadi Doumbouya et ses acolytes. Heureusement pour le peuple de Guinée que la conférence des chefs d’Etat a remis les décisions concernant les trois transitions en cours dans la sous-région au 03 juillet 2022.
Cet épisode nous laisse ce sentiment amer que la junte militaire guinéenne et son gouvernement au grand complet préfèrent se concentrer sur la défense de leurs seuls intérêts et non ceux du peuple de Guinée. Cette forte mobilisation du gouvernement se fait dans le seul but de consolider le pouvoir et le règne du CNRD. Une sorte de campagne électorale qui ne dit pas son nom est à l’œuvre à ’intérieur du pays avec pour finalité de faire adhérer les guinéens à ce nouveau pouvoir militaire qui se veut de très longue durée.
Des moyens colossaux sont ainsi déployés pour assurer cette propagande et c’est le contribuable guinéen qui va trinquer à double titre. Il a déjà subi la hausse du litre de carburant pour permettre de financer cette villégiature gouvernementale dans la Guinée profonde, et ensuite il était invité à se serrer la ceinture dans le cas où la CEDEAO aurait imposé des sanctions additionnelles. Une double peine en perspective donc. Heureusement que la seconde lame n’est pas arrivée ce soir.
La Guinée et ses fils et filles sont ainsi dans une position inconfortable, abandonnés à leur sort et ses dirigeants sont dans la seule défense de leurs propres intérêts.
Cette absence de démarches auprès de la CEDEAO et de tout contact avec les instances de cette institution sous-régionale s’explique principalement par le refus du CNRD de soumettre au compromis, pourtant nécessaire, sa durée de transition « médiane consensuelle » illégale, rabotée tout aussi illégalement par le CNT.
C’est donc avec le même orgueil, le même mépris et dédain vis-à-vis de ses interlocuteurs, la même volonté de faire valoir son unilatéralisme et le même amateurisme qui ont caractérisé la transition guinéenne depuis ses débuts, que les putschistes et leurs obligés conçoivent leurs relations avec ses pairs de la sous-région. Les seuls contacts qui interviennent entre la Guinée et la CEDEAO laissent entrevoir une junte qui se croit dotée d’une science infuse et voulant imposer sa volonté à tous sans discernement. Si les précédents plaidoyers de la Guinée auprès de Nana Akufo-Addo avait conduit à l’annonce d’une mission de la CEDEAO en Guinée avant cette conférence des chefs d’Etat, au regard de l’attitude orgueilleuse de la junte guinéenne, il n’est pas impossible que la Guinée ait refusé de recevoir cette mission.
Sauf que le peuple de Guinée est malheureusement le seul perdant de cette attitude arrogante et irresponsable de ses gouvernants de circonstance.
Et pourtant, la proximité de M. Mamadi Doumbouya et de M. Assimi Goïta aurait pu nous permettre d’éviter une telle situation. Le malien a utilisé une stratégie similaire sans succès dans sa relation avec la CEDEAO et revient désormais à de meilleurs sentiments. Malgré l’échec de cette méthode forte, l’ancien légionnaire se fourvoie aveuglement dans cette même voie sans issue.
Espérons que ce mois de répit qui nous est offert sera mis à profit pour solliciter des négociations avec la CEDEAO. Et que pendant ce mois a venir, la Guinée et ses fils et filles ne seront pas de nouveau laissés sans défenseurs auprès de l’organisation sous-regionale.