Contre La sansure

Faire du bruit pour réclamer le changement des pratiques politiques qui tirent l’Afrique vers le bas

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Dans une tribune publiée par Jeune Afrique, vous estimez que « les pratiques politiques perverses restent l’obstacle primordial au progrès sur le continent ».

Oui, il me semblait important de rappeler au début de cette année 2024 que la question de la manière dont les pays africains sont gouvernés reste la plus déterminante pour les perspectives de vie meilleure pour les populations. J’avais hésité entre proposer un texte sur l’impératif des réformes des systèmes éducatifs, ou proposer une tribune sur les changements politiques et institutionnels en Afrique.

Mais même si l’éducation est pour nous une priorité parmi les priorités, il n’y a aucune chance de voir des réformes audacieuses dans les politiques éducatives en l’absence de changements profonds dans la gouvernance politique ou plutôt dans les pratiques politiques réelles. La sobriété du mot « gouvernance » est parfois une manière trop délicate de ne pas nommer les choses, de ne pas décrire la réalité de pratiques politiques, économiques et sociales qui ont des conséquences graves et permanentes sur le bien-être de dizaines de millions de personnes, exposées à l’insécurité, privées de systèmes de santé et d’éducation fonctionnels, maintenues dans l’ignorance et la pauvreté.

Même au sein des catégories sociales qui ne sont pas les plus défavorisées et dans des pays qui ne sont pas en crise sécuritaire ou économique aigüe, beaucoup de jeunes partent ou rêvent de partir, dépités qu’ils sont par le spectacle offert par des responsables politiques qui ne se préoccupent manifestement que de la conservation de leurs privilèges et de la redistribution des rentes au sein de leurs cercles familiaux et de leurs clientèles politiques.

Dans cette tribune, vous partez des images que vous qualifiez de pathétiques, celle du président Ali Bongo juste après son renversement appelant à l’aide avec un « Make noise » célèbre, celle aussi de son fils filmé devant des malles remplies de liasses de billets de banque…

Oui, ce que cette triste fin de règne au Gabon illustre au-delà de l’incapacité à quitter le pouvoir même lorsqu’on n’est plus en mesure de l’exercer, c’est l’extraordinaire facilité avec laquelle l’appartenance au clan du chef de l’État ouvre la porte à des années de privilèges indus et excessifs. Si dans les pays richement dotés en ressources pétrolières et minières d’Afrique centrale, les excès dans les abus de fonctions publiques à des fins privées sont parfaitement connus depuis des décennies, la nature du problème de fond est la même dans les autres régions du continent.

La facilité avec laquelle le pouvoir politique donne accès à des privilèges excessifs, à une accumulation matérielle rapide et en parfait décalage avec les indicateurs des économies nationales, attire dans le champ politique les personnes les moins motivées par la recherche du bien-être collectif, et éloigne des fonctions politiques et publiques les personnes les plus intègres et les plus désireuses de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de leurs concitoyens. Il suffit de discuter en privé avec des personnalités qui ont exercé des fonctions politiques ou publiques importantes pour avoir la confirmation de l’immensité du gâchis provoqué par la soumission de choix cruciaux pour l’avenir des pays aux considérations de la politique partisane et des gains privés à court terme.

Vous rappelez certaines propositions de Wathi sur le changement des pratiques politiques…

Plutôt que de ruptures politiques spectaculaires qui viendraient comme l’espèrent certains, d’autocrates patriotes miraculeusement « éclairés » issus de coups d’État, il nous semble plus raisonnable de pousser à des changements institutionnels qui augmenteraient les chances d’avoir de bons gouvernants et de réduire le risque que de mauvais gouvernants, même issus d’élections régulières, fassent des dégâts considérables dans leurs pays. C’est la logique qui guide nos pistes d’action.

On peut travailler à changer le rapport entre les gouvernants et les gouvernés par la fixation de limites claires aux pouvoirs discrétionnaires des chefs d’État, par le renforcement de toutes les institutions de contre-pouvoir, par le renforcement des institutions dédiées au contrôle de l’utilisation des ressources publiques, par la dépolitisation des administrations, par l’introduction dans les constitutions d’institutions indépendantes dédiées à l’éducation civique et à l’animation de débats publics annuels citoyens et structurés sur les grands domaines de l’action publique.

Lire la suite … https://www.rfi.fr/fr/podcasts/%C3%A7a-fait-d%C3%A9bat-avec-wathi/20240106-faire-du-bruit-pour-r%C3%A9clamer-le-changement-des-pratiques-politiques-qui-tirent-l-afrique-vers-le-bas

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