Contre La sansure

Affaire Air Guinée: une instruction sous pression?

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L’affaire dite de la privatisation d’Air Guinée continue de susciter de vifs débats, tant sur le plan juridique que politique. Le dossier, qui remonte à 2002, est aujourd’hui au cœur d’une procédure judiciaire portée par la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières). Pourtant, plusieurs zones d’ombre persistent quant à la responsabilité de Cellou Dalein Diallo, ancien ministre des Transports, mis en cause dans cette affaire.

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Sur les faits 

A interroger les faits, nous sommes face à une évidence: il s’agit d’une privatisation sous contrôle du ministère des Finances et non de Cellou Dalein Diallo. La preuve? La décision de privatiser Air Guinée avait été prise en Conseil des ministres le 8 mars 2002, sous la pression des institutions financières internationales.

Faute d’investisseurs intéressés, l’État a finalement acté la dissolution de la compagnie et la vente de ses actifs à Elhadj Mamadou Sylla PDG du groupe Futurelec, sur décret du président général Lansana Conté.

L’ensemble de l’opération a été piloté par le ministère de l’Économie et des Finances, comme le prévoyait la loi sur la réforme des entreprises publiques. L’Unité de privatisation, placée sous la tutelle de ce ministère, s’est occupée des négociations, de l’évaluation des actifs et du recouvrement des paiements. Les services du ministère des Transports, quant à eux, n’ont joué aucun rôle ni dans la liquidation ni dans la fixation du prix de cession.

Que cache cette accusation sans preuves tangibles ? Répondre à cette question, rappelons que l’élément central de l’accusation repose sur un rapport d’audit réalisé en 2009 mais rendu public seulement en 2021.

Ce document, qui a servi de base à l’ouverture d’une information judiciaire, pointe du doigt Cellou Dalein Diallo sans que ce dernier ait été interrogé ni pendant ni après l’audit.

L’un des points les plus contestés concerne la somme de cinq millions de dollars, censée représenter la valeur des actifs cédés. Selon l’accusation, cette somme aurait été détournée, alors qu’aucun élément concret ne prouve qu’elle ait été perçue par l’ex-ministre des Transports qu’il est. Aucune trace de virement, de chèque ou de paiement en espèces ne figure dans les pièces du dossier.

Une procédure biaisée, un patrimoine qui interroge

Un autre point de friction réside dans la question de la prescription des faits. Selon le Code de procédure pénale guinéen, une infraction économique est prescrite après vingt ans.

Or, l’ordonnance de décembre 2021, qui supprime la prescription pour ces délits, ne devrait pas s’appliquer rétroactivement aux faits déjà prescrits.

Cette réouverture tardive du dossier soulève ainsi des interrogations. S’agit-il d’un acharnement judiciaire motivé par des considérations politiques ? Certains observateurs n’hésitent pas à voir dans cette affaire une volonté de disqualifier un adversaire politique en vue des prochaines échéances électorales.

L’accusation évoque un train de vie en inadéquation avec les revenus déclarés de Cellou Dalein Diallo. Pourtant, les biens mis en cause – notamment sa résidence – ont été acquis grâce à des prêts bancaires, avec des preuves de remboursement à l’appui.

Si des manœuvres frauduleuses ont eu lieu dans le cadre de la privatisation d’Air Guinée, la question demeure : pourquoi la responsabilité se focalise-t-elle uniquement sur un acteur dont le rôle dans la transaction reste secondaire ?

Imbattable par les urnes, Cellou Dalein Diallo sera-t-il éliminé par la force administrative qui oriente le pouvoir judiciaire?

 

Cette affaire est avant tout politique ? Évidemment, oui. L’affaire Air Guinée semble aujourd’hui s’inscrire dans une dynamique plus large où la justice devient un outil de sélection des candidats à la présidentielle. Des déclarations publiques récentes laissent entendre que l’objectif serait d’empêcher Cellou Dalein Diallo de se présenter aux futures élections.

Si la lutte contre la corruption est un impératif pour la gouvernance en Guinée, elle ne saurait être instrumentalisée pour des règlements de comptes politiques. L’opinion publique reste donc en attente de preuves tangibles et d’un procès équitable qui fasse la lumière sur cette affaire vieille de plus de vingt ans.

Par Laye Traoré & Mamadou Alpha BAH 

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