Contre La sansure

Afrique AES : attention à ne pas s’auto-isoler !

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Entre le Mali et l’Algérie, difficile aujourd’hui de dire qui dit vrai dans cette nouvelle crise diplomatique née autour d’un supposé survol de drone. L’affaire, banale en apparence, aurait pu se régler par les canaux traditionnels du dialogue entre États voisins. Mais elle a plutôt pris l’allure d’une escalade verbale, révélatrice d’une méfiance ancienne et persistante. Cette défiance mutuelle, en réalité, ne date pas d’hier : elle s’enracine dans l’histoire, parfois jusqu’aux années sombres de la décennie noire algérienne, lorsque le pouvoir en place à Alger combattait des groupes islamistes hostiles. Dans ce contexte, la volonté de Bamako de contenir ce qu’elle perçoit comme une interférence persistante de l’Algérie dans ses affaires internes peut sembler compréhensible. Elle peut même se défendre au nom de la souveraineté. Mais la méthode utilisée, elle, interroge : fallait-il rompre brusquement avec Alger, au risque de briser un pont essentiel dans la diplomatie régionale ? Et surtout, les réactions en chaîne du Burkina Faso et du Niger, qui se sont alignés sans nuances sur la position malienne, étaient-elles vraiment judicieuses ?

Après la France, l’Union européenne, la MINUSMA et la CEDEAO, c’est donc désormais l’Algérie qui rejoint la liste des partenaires mis à l’index. Le tout, dans un climat régional de plus en plus tendu, où les griefs se multiplient et où la diplomatie semble céder le pas à la rhétorique martiale. Le Burkina Faso, de son côté, entretient des relations conflictuelles avec la Côte d’Ivoire et le Bénin, accusés à demi-mot par Ouagadougou de se livrer à un jeu trouble contre le régime d’Ibrahim Traoré. Quant au Niger, non content d’avoir exigé le départ des troupes américaines, il reste en froid avec le Nigéria et garde une hostilité tenace envers Cotonou. La liste des différends s’allonge, et avec elle, le spectre d’un isolement progressif.

Certes, les pays de l’AES ont le droit et peut-être même le devoir de remettre en cause certaines alliances déséquilibrées et de revendiquer un nouveau paradigme plus conforme à leurs intérêts. Mais il ne s’agit pas de rompre tous les ponts sous prétexte d’affirmation souveraine. Toute stratégie de rupture exige, pour être viable, des alternatives solides. Or, à force de multiplier les inimitiés et de se fâcher à tout le monde, ces États risquent de transformer une volonté d’émancipation en une dangereuse spirale d’auto-isolement. L’unité affichée entre Bamako, Ouagadougou et Niamey peut rassurer les opinions nationales, galvanisées par un discours de résistance. Mais la solidarité ne devrait pas être synonyme d’alignement aveugle. Dans le cas de la crise algéro-malienne, l’implication immédiate et unilatérale du Burkina Faso et du Niger n’était ni nécessaire ni stratégique. Elle a contribué à internationaliser inutilement un contentieux qui aurait pu rester bilatéral. Plus grave encore, cette posture prive l’AES de toute capacité de médiation dans la région. En s’érigeant systématiquement en bloc contre le reste du monde, elle se ferme les portes de la diplomatie préventive, pourtant si cruciale dans une région aussi instable. Le Niger, par exemple, qui entretient des relations économiques et sécuritaires importantes avec l’Algérie, aurait pu jouer un rôle d’intermédiaire, favoriser le retour au calme et incarner une forme de sagesse diplomatique. Il a préféré choisir le camp de la tension.

Cette logique de repli, si elle se poursuit, pourrait bien affaiblir les fondations même de l’AES. Car une alliance ne peut se construire uniquement sur des ressentiments partagés ou des ennemis communs. Elle doit aussi s’appuyer sur une vision constructive, des intérêts convergents, et une capacité à dialoguer avec le reste du monde, même lorsqu’il est critique ou sceptique. L’AES ne devrait pas avoir vocation à devenir un club fermé, retranché dans une posture défensive.

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