Au Mali, les ex-rebelles du Nord déclarent être « en temps de guerre » avec la junte
Au Mali, la Coordination des mouvements de l’Azawad, alliance de groupes à dominante touarègue, a affirmé lundi être « en temps de guerre » avec la junte au pouvoir à Bamako. Elle appelle « tous les habitants de l’Azawad à se rendre sur le terrain pour contribuer à l’effort de guerre« .
Regain de tension dans le nord du Mali. Les ex-rebelles de la région se disent, lundi 12 septembre, « en temps de guerre » avec la junte au pouvoir à Bamako, dans un communiqué reçu par l’AFP et diffusé sur les réseaux sociaux.
Dans ce texte intitulé « Communication en temps de guerre » et authentifié par un porte-parole, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), alliance de groupes à dominante touarègue qui a combattu l’État central avant de signer un accord de paix avec lui en 2015, appelle « tous les habitants de l’Azawad à se rendre sur le terrain pour contribuer à l’effort de guerre dans le but de défendre et protéger la patrie, et ainsi de reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire national azawadien ».
Azawad est un nom d’origine touarègue pour le nord du Mali, objet d’anciennes revendications indépendantistes.
Multiplication des accrochages
Les tensions n’ont cessé de croître depuis des mois entre la CMA et la junte, faisant redouter la fin de l’accord de paix dit d’Alger et la reprise des hostilités engagées en 2012. Des insurrections indépendantistes et salafistes avaient alors plongé ce pays pauvre et enclavé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire dont il n’est toujours pas sorti.
Si les groupes à dominante touarègue ont accepté un cessez-le-feu en 2014, les jihadistes ont poursuivi le combat contre l’État central et toute présence étrangère sous la bannière d’Al-Qaïda et de l’organisation État islamique. La propagation jihadiste a gagné le centre du pays, le Burkina Faso et le Niger voisins.
Dans les vastes étendues désertiques ou semi-désertiques du Nord, ainsi que les régions de Tombouctou et Gao, les rivalités se sont intensifiées ces dernières semaines entre la multitude d’acteurs armés se disputant le contrôle du territoire : groupes jihadistes contre armée malienne, groupes jihadistes entre eux, groupes armés touaregs contre jihadistes, et groupes touaregs face à l’armée malienne. Elles ont donné lieu à une succession d’attaques, d’incidents sécuritaires et d’accrochages entre l’armée et la CMA.
Dans son communiqué qui se veut le premier communiqué de l' »Armée nationale azawadienne », la CMA se garde de parler de déclaration de guerre, mais évoque une « riposte en légitime défense » à ce qu’elle appelle « l’agression » de l’armée malienne et du groupe paramilitaire russe Wagner.
Les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 au Mali sont très largement considérés s’être assuré les services de Wagner, malgré leurs démentis.
Reconfiguration sécuritaire
La CMA accuse l’armée d’avoir bombardé ses positions mais aussi des civils, et les soldats maliens et les mercenaires de Wagner de s’être livrés à des exactions contre les populations. Elle les accuse de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité ». Elle appelle les civils à rester à distance des positions des « terroristes » de l’armée malienne et de Wagner.
Cette escalade coïncide avec une reconfiguration sécuritaire dans le Nord après le départ de la force antijihadiste française en 2022 et celui, en cours, de la mission de l’ONU (Minusma), toutes deux poussées vers la sortie par la junte.
La CMA n’entend pas que la Minusma rétrocède ses camps aux autorités maliennes, comme elle l’a fait en août à Ber, près de Tombouctou. Elle estime qu’en vertu des arrangements de 2014 et 2015, ces zones devraient revenir sous son contrôle.
La junte a fait du rétablissement de la souveraineté un de ses mantras, un objectif qui se heurte aux différents groupes armés, qui contrôlent de vastes étendues de territoire.
La CMA a affirmé samedi soir avoir abattu un avion de l’armée après un bombardement sur ses positions dans la région de Gao. Il s’agirait d’un acte inédit depuis des années. L’état-major a assuré pour sa part que l’appareil s’était écrasé à cause de problèmes techniques, mais que son équipage avait réussi à s’éjecter.
Les jihadistes exercent eux aussi une forte pression. Une double attaque qui leur est imputée, dont l’une contre un bateau de passagers sur le fleuve Niger, a tué au moins 64 personnes, dont des dizaines de civils jeudi entre Tombouctou et Gao, selon un bilan gouvernemental.
Tombouctou est soumise depuis août à un blocus du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), alliance affiliée à Al-Qaïda. Des obus sont tombés lundi sur l’aéroport de Tombouctou. La compagnie Sky Mali a annoncé suspendre ses vols de et vers Tombouctou et Gao cette semaine, aggravant l’isolement des grandes villes du Nord.
Après le gouvernorat de Gao ce week-end, celui de Tombouctou a décrété un couvre-feu nocturne reconductible de 30 jours jusqu’au 10 octobre de 20 h à 6 h (locales et GMT).
Avec AFP
(*) https://www.france24.com/fr/afrique/20230912-au-mali-les-ex-rebelles-du-nord-declarent-etre-en-temps-de-guerre-avec-la-junte
Image de la UNE : Des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) patrouillent en ville à Kidal, dans le nord du Mali, le 28 août 2022. © Souleymane Ag Anara, AFP