AVIS TECHNIQUE PRELIMINAIRE SUR LE GLISSEMENT DE TERRAIN DE COYAH-MANEAH
𝐀𝐮𝐭𝐞𝐮𝐫: Aboubacar Fofana, ing., MSc., Ingénieur en structure
𝐃𝐚𝐭𝐞 : Août 2025
𝟏. 𝐍𝐨𝐭𝐞 𝐩𝐫𝐞́𝐥𝐢𝐦𝐢𝐧𝐚𝐢𝐫𝐞
Le présent avis est établi à partir de sources secondaires (articles de presse, témoignages publics, données scientifiques sur les sols tropicaux).
Aucune visite de site ni investigation géotechnique directe n’a été réalisée.
Les constats et recommandations présentés reposent sur les principes établis en géotechnique et en ingénierie civile. Ils doivent être considérés comme une analyse technique préliminaire, et non comme une expertise judiciaire ou réglementaire.
𝟐. 𝐂𝐨𝐧𝐬𝐭𝐚𝐭 𝐭𝐞𝐜𝐡𝐧𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐞𝐭 𝐛𝐢𝐥𝐚𝐧 𝐩𝐫𝐞́𝐥𝐢𝐦𝐢𝐧𝐚𝐢𝐫𝐞
Le 19 août 2025, un glissement de terrain majeur s’est produit à Manéah (préfecture de Coyah), entraînant la mort d’au moins quinze personnes et la destruction de dix-sept habitations.
Les témoins rapportent des coulées de boue latéritique ayant enseveli des bâtiments de plusieurs étages.
Bien que qualifié de « catastrophe naturelle » par certains acteurs institutionnels, cet événement relève en réalité d’une défaillance technique et réglementaire évitable, imputable à des choix d’aménagement contraires aux principes élémentaires de l’ingénierie géotechnique et de la construction.
𝟑. 𝐀𝐧𝐚𝐥𝐲𝐬𝐞 𝐠𝐞́𝐨𝐭𝐞𝐜𝐡𝐧𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐞𝐭 𝐟𝐚𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐞́𝐭𝐞𝐫𝐦𝐢𝐧𝐚𝐧𝐭𝐬
𝟑.𝟏 𝐍𝐚𝐭𝐮𝐫𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐥𝐬 𝐞𝐧 𝐩𝐫𝐞́𝐬𝐞𝐧𝐜𝐞
– La zone de Coyah–Manéah est caractérisée par des sols latéritiques fortement sensibles à l’eau.
– La littérature scientifique (Gidigasu, 1976 ; Gomes & Almeida, 2019) établit que les latérites, une fois saturées, perdent une grande partie de leur cohésion et de leur portance.
– En conditions de pluies intenses, l’angle de frottement interne diminue, ce qui accroît considérablement le risque de rupture de pente.
𝟑.𝟐 𝐅𝐚𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐚𝐠𝐠𝐫𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐥𝐢𝐞́𝐬 𝐚𝐮 𝐜𝐡𝐚𝐧𝐭𝐢𝐞𝐫 𝐫𝐨𝐮𝐭𝐢𝐞𝐫
– Des talus abrupts ont été réalisés lors du projet routier Kagbelen–Kouriah, sans soutènement ni dispositifs de drainage adaptés.
– Selon l’Eurocode 7 (EN 1997-1) et le Manuel canadien d’ingénierie des fondations (5e édition, 2023), tout talus en sol instable doit être dimensionné avec un facteur de sécurité ≥ 1,5 pour les états limites ultimes.
– Dans le cas présent, les excavations raides, situées à proximité immédiate de zones habitées, ont constitué une situation de risque avéré, et non hypothétique.
𝟑.𝟑 𝐀𝐛𝐬𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐝𝐢𝐬𝐩𝐨𝐬𝐢𝐭𝐢𝐟𝐬 𝐝𝐞 𝐝𝐫𝐚𝐢𝐧𝐚𝐠𝐞 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐭𝐞𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧
– Les écoulements d’eau de surface n’ont pas été maîtrisés. L’US Army Corps of Engineers (2003) souligne que la saturation hydrique est le principal déclencheur de glissements en zone tropicale.
– L’absence de fossés de collecte, de tranchées drainantes et de murs de soutènement conformes aux règles de l’art constitue une non-conformité technique majeure.
𝟒. 𝐑𝐞𝐬𝐩𝐨𝐧𝐬𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́𝐬 𝐭𝐞𝐜𝐡𝐧𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐢𝐭𝐮𝐭𝐢𝐨𝐧𝐧𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬
𝟒.𝟏 𝐑𝐞𝐬𝐩𝐨𝐧𝐬𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞𝐬 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞𝐩𝐫𝐢𝐬𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐞́𝐜𝐮𝐭𝐚𝐧𝐭𝐞𝐬 (𝐆𝐮𝐢𝐜𝐨𝐩𝐫𝐞𝐬𝐬, 𝐆𝐮𝐢𝐭𝐞𝐫, 𝐁𝐞𝐠𝐞𝐜) :
– Réalisation d’excavations instables à proximité de zones habitées.
– Absence d’analyse de stabilité documentée.
– Défaut de mise en place de mesures préventives.
𝟒.𝟐 𝐑𝐞𝐬𝐩𝐨𝐧𝐬𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞 𝐥’𝐄́𝐭𝐚𝐭 :
– Absence de validation publique des études géotechniques.
– Carence du suivi de chantier par les ingénieurs d’État.
– Défaut de mise en œuvre des mécanismes de prévention des risques (Code guinéen de la construction et de l’habitat, art. 41-45).
Qualifier ce drame de « catastrophe naturelle » est scientifiquement infondé. Les travaux de Schuster & Highland (2001, USGS) démontrent que plus de 80 % des glissements meurtriers sont liés à des interventions humaines (excavations, déforestation, absence de drainage).
𝟓. 𝐑𝐞𝐜𝐨𝐦𝐦𝐚𝐧𝐝𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐭𝐞𝐜𝐡𝐧𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐢𝐦𝐦𝐞́𝐝𝐢𝐚𝐭𝐞𝐬
𝟓.𝟏 𝐄́𝐭𝐮𝐝𝐞𝐬 𝐩𝐫𝐞́𝐚𝐥𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬 𝐨𝐛𝐥𝐢𝐠𝐚𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞𝐬
– Réalisation d’études géotechniques détaillées avant tout chantier routier ou urbain en zone instable (forages, essais triaxiaux, analyses de stabilité).
– Publication et archivage obligatoire de ces études dans un registre public.
𝟓.𝟐 𝐌𝐞𝐬𝐮𝐫𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐜𝐞𝐩𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧
– Application stricte des critères de stabilité des talus (facteur de sécurité ≥ 1,5).
– Installation de drains longitudinaux et de systèmes de collecte des eaux pluviales.
– Protection des pentes par revêtements anti-érosion (géotextiles, enrochements, végétalisation).
𝟓.𝟑 𝐒𝐮𝐫𝐯𝐞𝐢𝐥𝐥𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐞𝐭 𝐫𝐞́𝐠𝐮𝐥𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧
– Création d’une inspection indépendante des grands chantiers (sur le modèle de l’Inspection des ouvrages d’art en France – CEREMA, 2019).
– Responsabilisation civile et pénale des maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage en cas de négligence.
𝟓.𝟒 𝐉𝐮𝐬𝐭𝐢𝐜𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐯𝐢𝐜𝐭𝐢𝐦𝐞𝐬
– Indemnisation immédiate et transparente des familles sinistrées.
– Poursuites judiciaires en cas de manquement avéré aux règles de l’art et aux normes en vigueur.
𝟔. 𝐂𝐨𝐧𝐜𝐥𝐮𝐬𝐢𝐨𝐧

Le glissement de terrain de Coyah–Manéah n’est pas un acte de la nature, mais le résultat direct d’une imprudence technique et d’une impunité institutionnelle.
Les faits observés correspondent à un scénario déjà largement documenté dans la littérature scientifique :
– Saturation d’un sol latéritique instable.
– Excavation raide non soutenue.
– Absence de drainage.
– Défaillance des contrôles publics.
Tant que la Guinée ne fondera pas ses projets d’infrastructures sur les principes scientifiques de la géotechnique et de la sécurité publique, d’autres drames similaires sont à prévoir.
𝟕. 𝐁𝐢𝐛𝐥𝐢𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐢𝐞
𝐆𝐢𝐝𝐢𝐠𝐚𝐬𝐮, 𝐌. 𝐃. (𝟏𝟗𝟕𝟔). 𝐋𝐚𝐭𝐞𝐫𝐢𝐭𝐞 𝐒𝐨𝐢𝐥 Engineering: Pedogenesis and Engineering Principles. Elsevier.
𝐁𝐨𝐰𝐥𝐞𝐬, 𝐉. 𝐄. Foundation Analysis and Design.
𝐒𝐜𝐡𝐮𝐬𝐭𝐞𝐫, 𝐑. 𝐋., & 𝐇𝐢𝐠𝐡𝐥𝐚𝐧𝐝, 𝐋. 𝐌. (𝟐𝟎𝟎𝟏). Socioeconomic and Environmental Impacts of Landslides. USGS.
𝐆𝐨𝐦𝐞𝐬, 𝐂., & 𝐀𝐥𝐦𝐞𝐢𝐝𝐚, 𝐌. 𝐒. 𝐒. (𝟐𝟎𝟏𝟗). “Behavior of lateritic soils under wetting-drying cycles.” Engineering Geology, 253.
𝐄𝐍 𝟏𝟗𝟗𝟕-𝟏: 𝐄𝐮𝐫𝐨𝐜𝐨𝐝𝐞 𝟕 – Geotechnical Design.
𝐂𝐅𝐄𝐌 – Canadian Foundation Engineering Manual, 5e éd. (2023)
𝐔𝐒 𝐀𝐫𝐦𝐲 𝐂𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐨𝐟 𝐄𝐧𝐠𝐢𝐧𝐞𝐞𝐫𝐬 (𝟐𝟎𝟎𝟑). Stability of Slopes.
𝐂𝐚𝐧𝐚𝐝𝐢𝐚𝐧 𝐆𝐞𝐨𝐭𝐞𝐜𝐡𝐧𝐢𝐜𝐚𝐥 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐚𝐥 (articles récents, 2024–2025).
𝐂𝐨𝐝𝐞 𝐠𝐮𝐢𝐧𝐞́𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥’𝐡𝐚𝐛𝐢𝐭𝐚𝐭 (2017), articles 41–45.
