Bauxite de Guinée, quand la transformation se fait attendre
En avril 2022, les autorités guinéennes lançaient un ultimatum aux entreprises minières du secteur de la bauxite : elles étaient sommées de construire des raffineries d’alumine. Le pays dispose des plus importantes réserves mondiales avec une estimation de 7,4 milliards de tonnes, mais une infime partie est aujourd’hui traitée sur place. Où en est-on aujourd’hui ?
Un an après ce coup de menton du gouvernement, voici le constat : une seule usine produit de l’alumine dans le pays. C’est celle de Fria, à 160 km au nord-est de Conakry, sa construction date des années 1960.
« Ça avance très bien en termes de suivi. Un an après la réunion entre le chef de l’État, le colonel Mamadi Doumbouya et les sociétés minières. Elles ont été convoquées ici au ministère des Mines. Je les ai reçus. On a fait un chronogramme et un point sur la situation », explique Ibrahima Khalil Keïta, directeur général du service national de coordination des projets miniers au ministère des Mines. Il se veut rassurant : « Aujourd’hui, le projet le plus avancé est le projet Alteo UMS-SMB et la pose de la première pierre de cette raffinerie est prévue pour début novembre. »
Spécialisée dans la production d’alumine, l’entreprise française Alteo a été rachetée en janvier 2021 par United Mining Supply, UMS, un actionnaire de la SMB, la Société Minière de Boké qui exploite la bauxite guinéenne.
« Et pour les autres sociétés minières, la pression continue, le suivi continue. On n’a pas baissé les bras, et un comité qui travaille dessus 24 heures sur 24 », précise Ibrahima Khalil Keïta.
Des stratégies sont déjà envisagées pour « que l’État en sorte gagnant », assure le directeur général des projets miniers. Il n’en dira pas plus. L’objectif des autorités aujourd’hui est de disposer le plus rapidement possible d’une, deux ou trois raffineries.
La mise en œuvre de ces raffineries risque de prendre du temps : « Les entreprises sont en train de réaliser des études de faisabilité des différents projets. À ce niveau, il y a bien sûr un engagement des entreprises. Mais cet engagement ne va pas se réaliser de sitôt réalisés, car il y beaucoup de défis à prendre en compte », affirme Amadou Bah, le directeur exécutif de l’ONG Action Mines Guinée.
Celui de l’énergie notamment, selon Amadou Bah, alors que la Guinée peine à faire face à la demande des ménages. Elle va devoir produire beaucoup plus, sans émettre trop de gaz à effet de serre pour respecter ses engagements internationaux, explique Amadou Bah.
Et puis changer d’activité demande une réorganisation de ces entreprises qui vont devoir, par exemple, former du personnel. Se pose également la question du financement. Lever des fonds pour un projet en Guinée, pays en transition, risque d’être compliqué. Le troisième exportateur de bauxite au monde est encore loin de pouvoir transformer la matière première.
Mattias RAYNAL correspondant RFI a Conakry
(*) https://www.rfi.fr/fr/podcasts/afrique-economie/20230720-bauxite-de-guinee-quand-la-transformation-se-fait-attendre
Image de la UNE : L’usine de traitement de la bauxite de la CBG (Compagnie des bauxites de Guinée) à Kamsar à 250 kilomètres au nord de Conakry. ©RFI/Olivier Rogez