Contre La sansure

Boubacar Ba: « la bataille de Kidal bouleverse la guerre au Mali »

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La prise de Kidal, le 14 novembre dernier par l’armée malienne et ses alliés russes, a redistribué le jeu malien et régional, même si beaucoup d’incertitudes persistent, en particulier sur l’avenir réservé par Bamako aux régions du nord. Le chercheur malien Boubacar Ba, du Centre d’analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel, a tenté de réfléchir, pour Mondafrique, sur les conséquences de cet événement pour les populations du nord et, plus généralement, pour les belligérants du Sahel. 

Rappel : Survenue dans un contexte de profondes divergences entre les autorités maliennes et les groupes armés du nord sur la mise en oeuvre de l’accord de paix de 2015, la bataille de Kidal a été amorcée par le retrait de la MINUSMA qui a déstabilisé le statu quo prévalant sur les positions militaires du Septentrion. C’est à Ber, dans la région de Tombouctou, que la guerre a repris mi-août, ouvrant trois mois d’affrontements entre l’armée malienne d’une part et les deux coalitions séparatiste et ralliée à Al Qaida d’autre part, qui semblent s’être partagé les cibles. Malgré des pertes en hommes et en matériel, les forces armées maliennes ont repris toutes leurs emprises. Le 1er octobre, une colonne de soldats maliens et de paramilitaires russes a quitté Gao pour livrer l’ultime bataille qui s’est soldée par la chute du bastion séparatiste touareg après des frappes de drones et d’hélicoptères.

Mondafrique: Que sont devenus les combattants séparatistes après la chute de leur bastion?

Boubacar Ba : Les groupes insurrectionnels de la Coalition des Mouvements de l’Azawad (CMA) et alliés ont été repoussés avec leur arsenal et une partie des populations à la frontière algérienne, vers Tinzaouatene. Dans les trois zones géographiques qui constituent la région de Kidal – le Tilemsi, autour d’Anefis, l’Adrar et le Tamesna – on a constaté des mouvements de population. La bataille de Kidal a réintégré dans la guerre ceux que beaucoup appellent irrédentistes touareg et alliés, dans une posture défensive. Le vecteur aérien et l’appui de la Russie ont fait la différence au profit des forces armées maliennes.

Mondafrique : La CMA et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans  (GSIM) ont-il fait cause commune?

B.B. : Lorsque l’armée malienne a déclenché l’avancée vers Anefis, la CMA aurait demandé l’appui duGSIM et de la katiba Macina, sa filiale de la région du delta central.  Des émissaires de la CMA auraient rencontré des responsables du GNIM et de la katiba Macina pour leur proposer une alliance stratégique de riposte contre les FAMA. Des rencontres se sont tenues secrètement, dans la Boucle du Niger pour la katiba Macina et dans l’Adrar des Ifoghas pour le GSIM. Selon mes sources,  les combattants du GSIM étaient réservés et n’ont soutenu cette alliance que du bout des lèvres. Du côté de la katiba Macina, on a observé deux tendances : ceux qui ne voulaient pas mener ce combat, qu’ils estiment être un combat politique pour l’autonomie de l’Azawad mais pas un combat du djihad et ceux qui ont accepté de s’engager sous condition. (En 2022, dans les combats contre l’Etat islamique, la Coalition  des Mouvements de l’Azawad avait, à l’inverse, bénéficié d’un appui important de la katiba Macina et du GSIM. )

En revanche, dans la région de Tombouctou, la CMA et le GSIM ont organisé une coordination ciblée. Des combattants d’Al Qaida venus de la zone frontalière avec la Mauritanie se sont impliqués dans les attaques contre les camps des FAMA  à Léré, Bourem et Bamba. Il s’agit des hommes commandés par Talha al Libi, le coordonnateur du GSIM dans la région de Tombouctou, qui relève de la katiba Macina. Ils ont mené des actions spectaculaires et sporadiques de destruction de bases mais n’ont pas pu les contrôler et l’armée les a toutes reprises,  contrairement à 2012. Les chefs militaires du GSIM espéraient dissuader par la peur les forces armées maliennes de progresser vers le nord.

Le général Ag Gamou faisant son entrée dans la ville de Kidal

 

Mondafrique : La CMA a-t-elle bénéficié de renforts extérieurs ?

B.B.: A l’exception du Nigérien Rhissa Ag Boula, un chef touareg basé en France proche du président Bazoum,  la CMA n’a pas bénéficié d’un soutien effectif de ses frères touareg des pays voisins. En revanche, l’Alliance des pays du Sahel a discrètement soutenu l’armée malienne.

 

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