Dialogue politique : la rupture sans cesse repoussée, finit par s’imposer (Par Mognouma)
La sortie de Monseigneur Jacques Boston, la semaine dernière, lors du dernier round des négociations entre le pouvoir et les acteurs politiques insatisfaits de la conduite de la transition, avait pourtant suscité un brin d’espoir chez bien de Guinéens.
Pour rappel, le porte-parole des religieux, sans réserve, avait annoncé que ce qui était impossible hier, l’est aujourd’hui. Il a conclu que les lignes bougent et qu’une solution consensuelle serait trouvée à ce qui oppose ces acteurs importants de la vie politique Guinéenne aux militaires au pouvoir, oubliant, par contre, que tout oppose pourtant les deux entités engagées.
C’est un optimisme imprudent, traduit par l’innocence des propos, révélateur de la méconnaissance, par ces religieux, d’un monde politique où les acteurs ne sont guidés que par leur intérêt. C’est de la palissade !
On savait, sauf par naïveté, que les discussions n’étaient qu’un vernis que chaque camp voulait exploiter pour soigner sa réputation. Autant de mains tendues apparentes de part et d’autre, qui sont, à ne pas s’y tromper, autant de croche-pieds. Chacun restant campé sur sa position.
Les opposants ont les mêmes revendications et le pouvoir, pour sa part, ne veut céder d’un iota. Pour ces revendications, il s’agit de desserrer l’étau autour des acteurs politiques, à travers la libération et la mise sous contrôle judiciaire des amis en prison, la levée du contrôle judiciaire de ceux qui sont dehors, cependant astreints à des restrictions de liberté, ainsi que la facilitation du retour de ceux qui ont fui le pays, à cause des ennuis qu’ils ont avec la justice.
Quand, au sein du pouvoir et chez les soutiens de celui-ci, on peut penser qu’il ne doit pas y avoir un règlement extrajudiciaire des problèmes de justice en faveur des politiciens, ces derniers rétorquent en disant que leurs ennuis ne sont pas judiciaires, qu’ils sont plutôt politiques et qu’ils sont la conséquence de leur engagement politique.
En tout cas, le fonctionnement peut rassurant de la CRIEF, une juridiction spéciale considérée par une bonne partie de l’opinion comme étant le moyen de répression par excellence du pouvoir contre ses opposants, nourrit bien cette perception largement répandue.
Loin du débat qui consiste à désigner le coupable, il est impératif pour la junte, de faire des concessions qui devraient conduire le pays à une situation apaisée.
A ce stade, cela n’est plus une alternative pour l’équipe des négociateurs conduite par le Premier Ministre, qui n’a aucune excuse s’il n’y parvient pas.
Mieux, la communauté internationale, notamment la France, qui est restée indulgente vis-à-vis des militaires, devrait-elle aussi, en avoir marre du surplace qu’elle constate dans l’évolution de la transition.
C’est d’abord les Etats-Unis qui ont donné le ton, suivis de la trop discrète et complaisante France jusqu’ici, l’ancienne puissance coloniale, d’alerter sur le retard pris par les autorités dans le respect de leurs engagements, cela, à travers la secrétaire d’Etat, chargée du développement, de l’industrie et de la francophonie, qui en a parlé lors de sa récente visite en Guinée.
La sortie du ministre de l’Administration du territoire, en milieu de semaine dernière, pour communiquer sur l’évolution de l’exécution de l’agenda dynamique, convenu avec la CEDEAO, cette sortie n’a pas eu le don de rassurer les acteurs politiques et ceux de la société civile, ainsi que des diplomates qui ont prêté leur langue au chat évitant de commenter cette communication. Plutôt, ça a davantage amplifié les suspicions d’un maintien prolongé des militaires au pouvoir, tellement les montants à mobiliser en vue du respect des engagements, sont à couper le souffle, donc répulsifs.