Enlèvement de Foniké Mengué et Billo Bah : Un co-détenu démonte le mensonge d’Etat, la junte sous pression…
Depuis leurs arrestations manu militari le 09 juillet 2024, les guinéens sont toujours sans nouvelles d’Oumar Sylla connu sous le sobriquet’’ Foniké Mengué’’ et Billo Bah deux activistes de la Société civile.
La récente sortie du Procureur de la République, qui, dans une déclaration lue à la télévision nationale, parle d’enlèvement par des inconnus a suscité des vives réaction au sein de l’opinion publique.
Fallou Doumbouya dit informer l’opinion nationale et internationale, qu’ « en ma qualité de Procureur général qu’aucun organe d’enquête n’a procédé à aucune interpellation ou arrestation de qui que ce soit ; mieux aucun établissement pénitentiaire du pays ne détient ces personnes faisant objet d’enlèvement. »
Une déclaration qui a été démentie par un co-détenu, arrêté et torturé au même titre que Foniké Mengué et Billo Bah, mais qui a été finalement libéré.
Dans cette vidéo qui a fait le tour des réseaux, Mohamed Cissé, membre du FNDC, qui a été arrêté avec Foniké Mengué et Billo Bah témoigne sur comment ils ont été arrêtés par les hommes en tenue et en civil.
Selon lui, ils ont été arrêtés par des éléments du groupement des forces spéciales et de la gendarmerie nationale qui sont venus à bord des pick-ups et des blindés. “Ils ont utilisé les gendarmes pour nous faire sortir du domicile mais l’opération était dirigée par les forces spéciales”, a témoigné Mohamed Cissé tout en précisant qu’ils ont été conduits à l’escadron mobile de Hamdallaye.
De l’escadron de Hamdallaye, poursuit Mohamed Cissé, ‘’ils nous ont conduits à bord des blindés au Palais Mohamed V qui abrite la présidence de la Transition, puis à l’île Kassa, où nous avons subi des “tortures”.
“Ce sont trois gendarmes lourdement armés, accompagnés d’un civil, qui nous ont arrêtés chez notre coordinateur national. Plus tard, d’autres gendarmes sont venus renforcer leur nombre à 10. Un des gendarmes m’a donné un coup violent aux pieds, un autre a giflé la femme du jeune frère de notre coordinateur. Ils ont traîné Foniké Mengué par terre jusqu’au portail où étaient postés deux pick-up de la Gendarmerie et quatre blindés des forces spéciales. De là, nous avons été conduits à la Gendarmerie de Hamdallaye. Au rond-point de Hamdallaye, trois autres blindés étaient postés avec des militaires. Les gendarmes nous ont sortis du domicile de notre coordinateur, mais l’opération était dirigée par les forces spéciales”, témoigne Cissé, qui a été libéré quelques jours plus tard, parce qu’il a déclaré mordicus être venu chez Foniké Mengué pour suivre le match France-Espagne (demi-finale de l’Euro).
Ce lundi 22 juillet, le collectif des avocats de Foniké Mengué et Billo Bah, dans une déclaration, a demandé au procureur de la République près la Cour d’appel de Conakry de se servir de cette vidéo pour les retrouver.
“S’il y a une réelle volonté de faire la lumière sur cet enlèvement suivi de séquestration d’activistes de la société civile. Le collectif estime que le parquet général dispose désormais d’une piste à travers laquelle, le parquet d’instance compétent peut bien agir pour le triomphe de la vérité et de l’État de droit”, lit-on dans la déclaration.
Suite au témoignage de Mohamed Cissé sur les tortures qu’il a subies avec Foniké Menguè et Billo Bah de la part des ‘’éléments des Forces spéciales’’, les épouses des deux leaders du Front national pour la défense de la Constitution, qui sont sans nouvelles de leurs maris depuis le 9 juillet, ont porté plainte le 22 juillet, devant la procureure de la République près le tribunal de Paris contre les autorités de la Transition, le général Mamadi Doumbouya, le ministre de la Défense Aboubacar Sidiki Camara et le Haut Commandant de la Gendarmerie nationale, le Général Balla Samoura.
A travers leurs avocats français, Hawadian Doukouré et Assiatou Bah les accusent de « disparitions forcées » de leurs époux.
Ces trois pontes du régime de transition sont accusées d’avoir soustrait Foniké Menguè et Billo Bah « à la protection de la loi et en faisant le choix du déni de la reconnaissance de la privation de la liberté », lit-on dans la plainte.
Devant la pression de la communauté internationale, notamment le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Thameen Al-Kheetan qui exhorte les autorités de transition en Guinée à libérer immédiatement et sans condition les deux militants, le porte-parole du gouvernement, a réagit.
Ousmane Gaoual Diallo qui reconnait le droit des proches de Foniké et Billo, de porter plainte, parle de ‘’manipulation’’ par des acteurs politiques guinéens.
« Que des membres de leurs familles estiment qu’il est temps qu’ils portent plainte sur la disparition présumée de leurs époux, c’est tout à fait normal ; il faut saisir une juridiction. Ils auraient pu saisir une juridiction guinéenne, s’ils ont décidé de saisir une juridiction française, c’est une bonne chose. Ce qui est dommage et regrettable, c’est que des acteurs de la société civile perdus, des acteurs politiques perdus essaient de greffer à cette inquiétude légitime, leurs préoccupations. Pourquoi indexer le Président de la transition, pourquoi indexer le ministre de la défense contre lesquels il n’y a aucune preuve. C’est là la manipulation, c’est là la propagande. Les parents et proches de ces personnes seraient mieux avisés que de dissocier leurs actions judiciaires légitimes à l’action politique et de propagande que certains essaient de greffer sur leurs propres émotions », a déclaré le ministre des Transports, porte-parole du gouvernement.
A rappeler que cette disparition des deux leaders du FNDC, intervient quelques semaines seulement après la mort du Général Sadiba Koulibaly, ex-numéro 2 de la junte, arrêté, puis condamné et décédé dans des circonstances obscures en juin.
En attendant la suite de ce feuilleton, la pression s’accentue sur la junte guinéenne qui continue à faire taire toutes les voix dissonante pour confisquer le pouvoir contre la volonté populaire.
Abdoul Wahab Barry