Contre La sansure

Habib Yembering Diallo: Guinée : ces lois utopiques et caduques

0

A observer de près la société guinéenne, on se demande s’il faut pleurer ou plutôt en rire. Non. On ne peut pas rire devant l’immobilisme et le laxisme de nos autorités ainsi que le manque de civisme de nos concitoyens. Pour réaliser son rêve, Alpha Condé, opposant irréductible aux différents régimes qui se sont succédé en Guinée de 1958 à 2009, avait battu campagne sur un sujet qui préoccupait ses compatriotes : le changement. Le vieil homme, connaissant parfaitement le mal dont souffrait la Guinée, savait que ce slogan tomberait dans des oreilles très réceptives.

Malheureusement, c’était moins une volonté de tourner la page qu’un opportunisme politique. Sa décennie de règne n’a rien changé. Bien au contraire. A la chute de l’homme, le fameux changement se faisait toujours attendre. D’où le nouvel espoir suscité par l’avènement des militaires au pouvoir. Parce que, dans la conscience collective, les hommes en uniforme sont censés être capables de prendre des décisions plus audacieuses voire plus contraignantes. Une nouvelle fois la montagne a accouché d’une souris. Le seul changement notable intervenu est l’arrêt des manifestations politiques. Du moins celles qui sont hostiles au pouvoir. Mais revenons à notre sujet.

Relations entre civils et FDS

Pour le citoyen lambda, rien n’a changé. Le militaire et le citoyen continuent à entretenir les relations comme celles du chat et de la souris. Lorsque les deux se rencontrent, le premier bondit sur la seconde et la dévore sans autre forme de procès. A voir comment des policiers, habillés et payés par le contribuable guinéen, traitent les motocyclistes dans la rue, on se rend compte que toutes les formations organisées ces dernières années sur la conduite à tenir vis-à-vis des citoyens n’ont été qu’un coup d’épée dans l’océan.

A la prise du pouvoir par le CNRD, les nouvelles autorités avaient martelé haut et fort qu’aucun abus, racket ou corruption dont se rendraient coupables les agents des forces de défense et de sécurité, ne serait désormais toléré. Dans la foulée, le nouveau pouvoir avait même invité les citoyens à dénoncer tout comportement indélicat. Un peu moins de quatre après, les faits perlent d’eux-mêmes.

La démission de l’Etat

Les autorités actuelles, comme les anciennes, ont annoncé, avec tambours et trompettes, des opérations de libération des emprises de la route. Malgré tout, la situation n’a pas changé d’un iota. Un exemple illustratif, le mois dernier, la police avait dégagé les emprises autour du pont Paul Kagamé de Kagbelen. Une opération saluée par les usagers. Lesquels avaient la possibilité de garer leurs voitures en sécurité. C’était trop beau pour durer longtemps. Après leur déguerpissement, les femmes ont remué ciel et terre pour revenir sur les lieux. Toutes les autorités locales sont restées imperméables. Selon les riverains, c’est un militaire qui est venu sommer les policiers de quitter les lieux avant de demander aux femmes de se réinstaller sur les caniveaux et autres abords de la route.

S’agissant de la circulation routière, dans un communiqué conjointement signé des ministres des Infrastructures et des Transports et de la Sécurité et de la Protection civile, rendu public le 9 novembre 2021, interdiction avait été faite aux gros porteurs de circuler les matins, de 5h à 10h, du lundi au vendredi et les soirs de 16h à 20h.

Par dérogation à ces dispositions, le même communiqué précisait que les véhicules de transport d’hydrocarbures étaient autorisés à circuler de 8h à 19h, sous réserve de la présentation d’une copie d’un bon de chargement liquidé.

Cette mesure était contraignante pour les transporteurs. Mais elle soulageait beaucoup les usagers. Réduisant considérablement les embouteillages dans une ville où les camions occuperaient près de 30% de la circulation. Comble du ridicule, certains chauffeurs, pour pouvoir circuler librement, louaient un policier pour un temps donné. Le montant variant selon le temps et la distance. Lorsque des agents, voulant arraisonner un camion récalcitrant, constataient la présence d’un des leurs dans la cabine, ils fermaient les yeux. Ce qui avait indigné des citoyens qui réclamaient la mise en place d’une police de la police. Aujourd’hui encore ces camions constituent la principale cause des embouteillages. Ils posent aussi un sérieux problème de sécurité avec des adolescents qui ignorent le B A=BA du code de la route.

Autres lois foulées au pied

Une autre loi votée et non appliquée, c’est celle relative à l’interdiction des sachets plastiques. Dans un décret rendu public le 21 septembre 2024, le président de la transition avait procédé à l’interdiction de la fabrication, de l’importation, de la détention en vue de la commercialisation ainsi que de l’utilisation des emballages et objets en plastique à usage unique. Après ce décret, certains guinéens se sont empressés de comparer la Guinée et le Rwanda dont les deux présidents partageraient la même vision. Avec le recul, on se rend compte que la capitale guinéenne, appelée autrefois la perle de l’Afrique, n’est pas prête à emboîter le pas à Kigali en termes de propreté. Même si récemment le Gouvernorat de Conakry a pris une initiative inédite : sachets plastiques contre quelques kilogrammes de riz. Cette initiative n’a pas encore produit les effets escomptés. Ce qui fait dire à certains qu’il faut plutôt appliquer la politique dite pollueur payeur en impliquant les producteurs et les importateurs de ces sachets à la propreté de la capitale.

L’autre loi votée et dont l’application fait sourire, est celle relative à l’interdiction de fumer sur les lieux publics. Le Conseil national de la transition, (CNT version 2010), qui jouait le rôle de parlement en Guinée, avait adopté, le 16 novembre 2012, une loi portant sur la commercialisation, la consommation, la publicité et le parrainage du tabac et de ses produits dérivés. Cette loi visait à prévenir et combattre les dangers liés à la consommation du tabac et à protéger la santé de la population. Allez-y savoir si toutes ces lois populistes et utopiques sont connues et respectées par l’homme de la rue. Une loi ne valant que ce que vaut son application.

Habib Yembering Diallo 

In. https://guineematin.com/2025/06/07/guinee-ces-lois-utopiques-et-caduques/#google_vignette

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

× Comment puis-je vous aider ?