Contre La sansure

La Guinée à la croisée des vérités et des libertés illusoires

0

En Guinée, comme ailleurs, le pouvoir porte en lui un paradoxe aussi ancien que la politique elle-même : celui de la vérité qui dérange face au mensonge qui rassure. Les récents bouleversements socio-politiques, marqués par une transition tumultueuse et des promesses de renouveau, rappellent cruellement cette évidence. Les chefs d’État, qu’ils soient en uniforme ou en costume, naviguent trop souvent dans un océan de complaisance, où les vagues de la flatterie submergent les rares voix capables de dire : « Roi, tu es nu. » 

L’histoire récente de la Guinée regorge d’exemples où des dirigeants, enivrés par le chant des courtisans, ont cru incarner l’infaillibilité. Alpha Condé, porté par l’illusion d’un troisième mandat transformé en piège autoritaire, ou le CNRD du Général Mamadi Doumbouya, promettant une « refondation » tout en reproduisant les réflexes d’un pouvoir vertical, illustrent ce mécanisme pervers. Autour d’eux, des conseillers ont préféré caresser l’ego du prince plutôt que d’éclairer ses angles morts. Résultat ? Des décisions en décalage avec les attentes d’un peuple las des lendemains qui déchantent.

Pourtant, la lucidité politique n’est pas une utopie. Elle exige simplement le courage de remplacer les yes-men par des garde-fous. Un véritable allié, en politique, n’est pas celui qui applaudit lorsque le leader s’enfonce dans la défiance envers les institutions, ou qui justifie la répression des voix discordantes au nom d’une « stabilité » factice. Non. Le vrai allié est celui qui rappelle, obstinément, que la légitimité se gagne dans le respect des engagements, pas dans les camps militaires ou les discours enflammés. Qu’un gouvernement de transition ne peut se transformer en parenthèse autoritaire sans trahir ses propres serments. 

Cette question de la vérité est indissociable d’une autre illusion, celle de la liberté confisquée. En Guinée, où des décennies de régimes autoritaires ont laissé des cicatrices profondes, certains semblent encore croire que le pouvoir se consolide en verrouillant les libertés. Arrestations arbitraires, pressions sur la presse, instrumentalisation de la justice… Autant de chaînes qui, en apparence, musellent la société. Mais celui qui croit contrôler la liberté des autres ignore qu’il forge sa propre prison.

Prenez le cas des manifestations étouffées, des leaders civils réduits au silence, ou de cette jeunesse surveillée comme une menace plutôt qu’encourager comme une force. Le geôlier guinéen — qu’il soit en treillis ou en costume — vit dans la crainte permanente de l’étincelle qui embrasera la rue. Son obsession du contrôle le cloue à un rôle de gardien, toujours tendu, toujours méfiant, incapable de goûter à la sérénité que procure la confiance citoyenne. En privant autrui de liberté, il se condamne à une vigilance épuisante, prisonnière de sa propre défiance.

La Guinée d’aujourd’hui a pourtant besoin d’autre chose que de geôliers ou de flatteurs. Elle a besoin de dirigeants assez forts pour écouter les vérités qui dérangent, et assez sages pour comprendre que la liberté n’est pas un gâteau à partager, mais un horizon à élargir pour tous. Les défis sont immenses : corruption endémique, système de santé exsangue, jeunesse en quête d’avenir… Ces combats ne se gagneront pas avec des conseillers complaisants ou des méthodes autoritaires héritées du siècle dernier. 

À ceux qui dirigent aujourd’hui la Guinée, rappelons ceci : l’Histoire jugera moins vos discours que votre capacité à tolérer les voix dissonantes. Elle se souviendra moins de vos promesses que de votre courage à affronter les réalités, même amères. La transition que vous incarnez ne sera légitime que si elle permet à chaque Guinéen de se sentir libre, non pas en dépit du pouvoir, mais grâce à lui.

En conclusion, la Guinée n’a que faire des illusions. Elle a besoin de vérités, même rugueuses, et de libertés, même bruyante. Car un pays ne se relève pas avec des mensonges dorés ni avec des chaînes, aussi discrètes soient-elles. Il se construit lorsque ses dirigeants comprennent que la vraie force est dans l’écoute, et que la vraie liberté est celle qui respire pour tous, sans exception. À défaut, le prix à payer sera lourd — et l’Histoire, impitoyable.

Kaba 1er

Natif de kankan

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

× Comment puis-je vous aider ?