Contre La sansure

La parole trahie, la République prise en otage.

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Il est des époques où l’hypocrisie politique revêt des habits neufs, où l’usurpation se pare des langages de la vertu, et où l’État se réinvente en théâtre d’ombres. Nous y sommes. La Guinée est aujourd’hui suspendue dans un interrègne sans fondement, dominée par un pouvoir qui a tourné le dos à l’engagement, à l’éthique et à l’Histoire.

Le 5 septembre 2021, sous les acclamations de la haine communautaire sur l’axe le prince entretenu par un politicien immature, une junte militaire s’emparait du pouvoir. Elle le fit en invoquant des idéaux élevés : restaurer l’État, réconcilier la nation, rétablir la justice. Elle promit, avec l’autorité d’un uniforme, un retour à l’ordre constitutionnel, au terme d’une transition brève, exemplaire et inclusive.

Or, trois années plus tard, cette parole est morte. Morte, piétinée, méprisée.

Le CNRD n’a pas trahi le peuple par erreur : il a choisi de trahir. Il a troqué la parole du soldat contre la langue double du politicien prédateur. Il a cadenassé l’espace public, étouffé la contradiction, substitué la concertation par le diktat, et repoussé sans cesse l’échéance d’un retour à la légitimité.

Un soldat sans parole est un homme sans honneur. Un régime sans calendrier est un pouvoir sans fin.

L’acclimatation prolongée de ce régime depuis le 5 septembre n’est pas le fruit du hasard : elle a été facilitée par l’exploitation cynique de l’ethnostratégie et par l’immaturité politique de certaines classes, incapables de s’extraire de la logique de positionnement clanique ou de calcul opportuniste.

Ce pouvoir, incapable de gouverner, s’applique à régner. Faute de légitimité, il s’entoure de stratégies de diversion : propagande de façade, répression diffuse, et mouvements de soutien fabriqués dans les officines de l’illusion. Ces derniers, dans une inconscience presque théâtrale, se plaisent à répéter eux-mêmes sans mesurer le cynisme de leurs propos :
« Puisqu’ils font semblant de gouverner, nous ferons semblant de les soutenir. »

Cette déclaration, loin d’être une critique, se veut pour eux un aveu d’allégeance tactique, un pacte de duplicité entre simulacres : le pouvoir fait mine de diriger, ses soutiens font mine d’y croire.

Le plus affligeant peut-être est cette capitulation silencieuse d’une partie de la classe politique. Certaines formations, orphelines de militants, vidées de toute colonne vertébrale morale, en sont réduites à entériner le parjure. Faute d’ancrage populaire, elles se contentent de ramasser les miettes du pouvoir, au prix d’un silence complice.

Et que dire de ces groupes, autoproclamés « mouvements de soutien », qui appellent sans pudeur à une éventuelle candidature issue de la transition ? Ce zèle, d’une légèreté institutionnelle confondante, frôle la provocation à l’égard de la République. Dans un État de droit véritable, de telles initiatives aussi contraires à l’esprit de la Charte que dangereuses pour l’unité nationale  devraient relever non du débat politique, mais du droit pénal.

Il faut dire la vérité. Sans fard. Sans détour.

La Guinée ne veut pas d’un régime militaire perpétuel. Elle ne veut pas d’une transition sans fin. Elle ne veut pas d’un pouvoir fondé sur le mépris du peuple. Ce pays mérite mieux qu’un capitaine transformé en chef d’État de fait, sans mandat, sans légitimité, et sans cap.

Il est temps d’en finir avec les faux-semblants.

Le retour à l’ordre constitutionnel n’est pas une faveur que l’on quémande : c’est une obligation que l’on exige.

La République ne se quémande pas. Elle se revendique.

Guinéennes, Guinéens,

L’Histoire nous regarde. Le monde nous observe. Et la République, elle, appelle ses enfants à se lever, non dans la violence, mais dans la vigilance ; non dans le silence, mais dans la vérité.

Disons-le haut et fort : nous ne serons pas les témoins passifs d’un naufrage annoncé.

Car un régime peut acheter le temps, mais jamais la conscience d’un peuple.

Konaté Lanciné

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