Législatives au Sénégal : « Une victoire éclatante pour le camp au pouvoir, qui l’engage »
Au Sénégal, le Pastef a remporté son pari. Huit mois après l’élection triomphale de Bassirou Diomaye Faye, son candidat à la présidentielle, le parti d’Ousmane Sonko est en passe d’obtenir une large majorité absolue au Parlement, selon les premières estimations publiées au lendemain des élections législatives du 17 novembre.
Avant même l’annonce des premiers résultats officiels, attendus au plus tard mardi soir, les têtes de liste de l’opposition ont concédé leur défaite, à l’image de l’ancien président Macky Sall, qui a adressé ses félicitations au Pastef.
Le 12 septembre dernier, Bassirou Diomaye Faye avait dissous l’Assemblée, majoritairement acquise à l’ancienne majorité présidentielle, et convoqué un nouveau scrutin, espérant ainsi obtenir le la majorité nécessaire à la mise en place de son programme de « rupture », basé sur la « souveraineté économique » du pays.
Rapport de force favorable
Dans cette campagne, le Pastef était considéré comme le grand favori, huit mois après la victoire de son candidat Bassirou Diomaye Faye, élu dès le premier tour de la présidentielle avec 54,28 % des voix, loin devant le candidat du pouvoir, l’ancien Premier ministre Amadou Ba (35,79 %).
Les législatives étaient perçues comme le match retour de la présidentielle, avec une difficulté supplémentaire pour l’ancienne majorité, désormais divisée en deux blocs avec d’un côté la coalition Takku Wallu, dirigée par Macky Sall – regroupant son parti, l’APR (Alliance pour la République), et le PDS (Parti démocratique sénégalais) de l’ancien président Abdoulaye Wade – et de l’autre la coalition Jamm ak Njarin, dirigée par le candidat malheureux à la présidentielle Amadou Ba.
Une scission qui traduit les tensions, déjà visibles lors de la présidentielle, entre Macky Sall, qui ambitionnait initialement de concourir à un troisième mandat, et son Premier ministre, choisi comme candidat par le parti, dont il avait soutenu la candidature du bout des lèvres.
« Amadou Ba n’était pas le choix de Macky Sall, mais il avait été choisi car il apparaissait alors comme celui qui avait le plus de chances de gagner. Le président sortant a donné le sentiment de le lâcher en cours de campagne, ce qui explique cette rupture« , analyse Saliou Ngom, docteur en sociologie politique à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
« En partant en ordre dispersé, l’opposition s’est tiré une balle dans le pied, car le mode de scrutin aux législatives [un système mixte combinant le scrutin majoritaire et la représentation proportionnelle, NDLR] favorise les grands partis ou coalitions politiques. Enfin la victoire du Pastef aux législatives était prévisible, car ces élections sont systématiquement remportées par le parti au pouvoir« , souligne le chercheur.
Victoire sans coalition
Si tous les feux semblaient au vert pour le Pastef, la stratégie adoptée par le parti d’Ousmane Sonko n’était pas sans risques, puisqu’il a lui aussi fait le choix de concourir seul. En septembre, le Premier ministre avait annoncé l’investiture d’une liste unique, celle du Pastef. Une décision qui avait fait grincer des dents au sein de la coalition « Diomaye Président » qui avait porté ce dernier au pouvoir.
« Le Pastef s’est senti peu soutenu par la classe politique sénégalaise durant les trois années de conflit politico-judiciaire entre Ousmane Sonko et Macky Sall« , souligne Saliou Ngom. « Le choix d’aller aux législatives seul était certes plus risqué, mais il offrait également la possibilité de gagner seul et d’installer une majorité constituée de militants fidèles et acquis à sa cause à l’Assemblée. »
Outre les coalitions menées par Macky Sall et Amadou Ba, le Pastef faisait également face à l’un de ses anciens alliés lors de ce scrutin : le maire de Dakar, Barthélémy Dias, avec qui les échanges ont été particulièrement violents.
Le 12 novembre Ousmane Sonko avait accusé ses soutiens d’avoir attaqué des militants du Pastef et avait appelé à la vengeance, avant d’adoucir le ton. Une polémique qui ne lui a pas porté préjudice, si l’on en croit les résultats du vote.
« En tant que tête de liste du Pastef, Ousmane Sonko cherchait à asseoir sa légitimité lors de ce scrutin », explique Alioune Tin, président du centre de réfection Afrikajom. « Le choix de faire cavalier seul était un risque calculé. Car le Pastef est non seulement le parti le mieux structuré à l’échelle nationale – seul capable d’investir la quasi-totalité des départements –, mais il bénéficie également des moyens logistiques de l’appareil d’État. Enfin, il jouit d’un fort soutien au sein de la population, en particulier parmi la jeunesse qui croit en son programme de changement. »
Cette victoire éclatante permet au gouvernement sénégalais d’avoir les coudés franches pour mettre en œuvre son ambitieux programme, axé sur l’emploi, la réforme des institutions, la souveraineté alimentaire ou bien encore la lutte anti-corruption.
« À travers cette élection, le peuple sénégalais a confirmé la confiance placée dans le projet du Pastef. C’est une victoire éclatante pour le camp au pouvoir, qui l’engage. Car avec la majorité au Parlement, il ne peut désormais plus y avoir d’excuses en cas de promesses non tenues« , estime Saliou Ngom.