Contre La sansure

L’engagement des Etats-Unis dans les pays fragiles africains: «Ne pas faire de mal» et renforcer les institutions

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La vice-présidente des États-Unis Kamala Harris a séjourné du 26 mars au 1er avril dernier dans trois pays africains, le Ghana, la Tanzanie et la Zambie. Une visite de plus d’une personnalité de haut niveau du gouvernement américain. Décruptage avec Gilles Yabi, de «Ça fait débat avec Wathi».

Quelques semaines avant la vice-présidente, la secrétaire au Trésor Janet Yellen avait séjourné au Sénégal, en Zambie et en Afrique du Sud. Lors du sommet États-Unis Afrique de décembre dernier, le président Joe Biden avait annoncé un engagement de 55 milliards de dollars en faveur du continent au cours des trois prochaines années. La rupture est très nette avec le désintérêt et le dédain de l’administration de Donald Trump pour le continent africain. Lors de sa visite au Ghana, la vice-présidente a notamment annoncé l’octroi d’une aide de 100 millions de dollars au Bénin, au Ghana, à la Guinée, à la Côte d’Ivoire et au Togo, afin d’aider ces pays à faire face aux menaces liées à l’extrémisme violent.

Ce soutien s’inscrit dans le cadre de la stratégie des États-Unis de prévention des conflits et de promotion de la stabilité dans le monde, qui résultait d’une loi bi-partisane adoptée en 2019, le Global Fragility Act. La majorité des pays identifiés comme des zones prioritaires se trouvent en Afrique : la Libye au Nord, le Mozambique en Afrique australe, et les cinq pays côtiers ouest-africains que je viens de citer. Le 24 mars dernier, le président Biden avait transmis au Congrès le plan décennal de mise en œuvre de cette stratégie qui reconnaît explicitement qu’il faut un engagement de longue durée pour espérer obtenir des résultats.

Vous venez de publier un article sur le site du think tank américain Carnegie Endowment for International Peace auquel vous êtes aussi affilié, article dans lequel vous proposez quelques principes devant guider la mise en œuvre de cette stratégie dans les pays côtiers…

Oui, je rappelle d’abord que la concentration des efforts dans les pays côtiers dans un objectif de prévention ne devrait pas signifier un désengagement par rapport aux pays du Sahel, dont les conditions de sécurité resteront déterminantes pour toute l’Afrique de l’Ouest et une partie de l’Afrique centrale. Rappeler aussi que les évolutions sécuritaires et politiques au Nigeria seront aussi cruciales pour toute la région. Rappeler enfin que la première chose à faire pour les États-Unis, et d’ailleurs pour tous les pays qui ont des ambitions de puissance, c’est de ne pas faire de mal par des interventions militaires qui se révèlent parfois, voire souvent, catastrophiques. Je mentionne notamment l’intervention en Libye que l’ancien président Barack Obama considère comme la plus grande erreur de politique étrangère de sa présidence. Les conséquences sont graves, profondes et durables.

Vous insistez aussi sur la nécessité pour les États-Unis de contribuer au renforcement des institutions, à la diversification des économies, aux investissements dans les systèmes éducatifs dans une approche globale de la prévention

La prévention des conflits ne devrait pas concerner seulement des zones spécifiques d’un pays qui seraient vulnérables au terrorisme. Elle devrait impliquer le renforcement et la diversification des économies locales et la réduction délibérée des inégalités territoriales. La prévention nécessite également des investissements massifs dans l’éducation, la formation, la culture. Il est essentiel de mettre les ressources là où elles doivent être, dans le soutien direct aux populations déjà affectées par l’insécurité et dans le renforcement durable des institutions pour la fourniture des services publics.

Dans les pays côtiers, il est encore possible pour les gouvernants de montrer aux populations qu’ils ont compris que l’alternative à une présence de l’État utile et bienveillante, c’est l’expulsion durable des États par des groupes armés dans de vastes parties de leurs territoires. Mais il faut être très clair : les défis structurels sont à relever d’abord par les décideurs africains et par les citoyens qui doivent exiger des changements profonds dans la gouvernance. Les États-Unis, comme tous les autres partenaires extérieurs qui multiplient les sommets et les promesses d’engagement en Afrique, peuvent apporter un soutien mais il ne faut pas se faire d’illusion sur la hiérarchie de leurs priorités et sur le fonctionnement réel du monde, fait de luttes féroces pour la défense des intérêts jugés stratégiques de chaque nation et de ceux, fluctuants, complexes et opportunistes des élites dirigeantes.

In. https://www.rfi.fr/fr/podcasts/ça-fait-debat-avec-wathi/20230415-l-engagement-des-etats-unis-dans-les-pays-fragiles-africains-ne-pas-faire-de-mal-et-renforcer-les-institutions

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