Contre La sansure

L’injustice, père et mère de nos maux !

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Quel plus terrible fléau que l’injustice qui a les armes à la main ! S’exclamait Aristote (Stagire 384-Chalcis 322 avant J.-C.). Ce mot si pénible, si douloureux et si inacceptable est à l’origine de toutes nos misères, nos souffrances, nos frustrations, nos révoltes et tous leurs corolaires.

Dans son discours sur le colonialisme, Aimé Césaire, encore lui, disait ceci : ‘’Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.’’ Fin de citation.

Or, nous avons choisi, librement, volontairement mais si cyniquement de ruser avec tout : notre constitution, nos lois, nos principes, notre tradition, notre civilisation, notre religion et même notre humanité !

En dépit des engagements pris, des discours tenus, des serments et des jurons, nous avons choisi de fermer nos yeux à la réalité patente. Nous avons fermé nos oreilles aux appels les plus retentissants des esprits éclairés. Nous avons royalement ignoré les gémissements de notre conscience qui ne cesse de nous rappeler à nos responsabilités.

Nous avons clamé haut et fort que nous voulons la justice, nous voulons la paix, nous voulons l’égalité mais nous avons préféré des mots pour taire nos maux. Qu’allons-nous léguer à notre descendance ? Cette société décadente ? Une justice déliquescente ? Une nation où on se regarde en chiens de faïence ?

Nous suivons ébahis les rocambolesques révélations sur un massacre de nos concitoyens, nos frères et nos sœurs abattus à bout portant par des éléments issus de nos forces de défense et de sécurité. On nous parle de disparition de corps en haute mer, d’écrasement, de fosses communes et ce n’est pas tout !

Au même moment, des sources concordantes nous remontent que nous avons le plus grand nombre de réfugiés en quête de terre d’asile en occident, que nos frères et sœurs sont les plus nombreux parmi les migrants clandestins qui meurent dans le désert et se noient dans la méditerranée.

 

 

Les victimes innocentes et coupables des années 60 n’ont toujours pas eu droit à des procès équitables. Les familles de victimes des années 80 et 90 attendent désespérément de retrouver les restes des leurs proches enfouis. Devons-nous nous étonner que nous ne parvenions toujours pas à bénéficier des retombées de nos fabuleuses ressources ?

Des victimes, des familles et proches de victimes se retrouvent partout dans notre pays et personne n’est en mesure de faire la moindre justice, ne serait-ce que présenter des excuses publiques au nom de l’Etat. Cette institution au nom de laquelle toutes ces atrocités, toutes ces injustices ont été commises. Les victimes et leurs proches attendent toujours et beaucoup parmi elles ont attendu jusqu’à la mort, sans rien trouver, sans aucun changement notable dans les approches, dans les pratiques, bref, sans aucun espoir.

Le peuple est piégé dans un engrenage ethnico-tribaliste qui sape toutes les tentatives de réforme, tous les projets, tous les rêves et toutes les ambitions.

Pendant que de grandes nations du monde ouvrent leurs portes à l’humanité, recrutent des talents de toutes les origines, reçoivent des refugiés et cherchent ainsi à renforcer, enrichir et diversifier leur capital humain, notre pays se vide systématiquement de sa substance la plus précieuse. Il se vide de sa jeunesse et de ses talents.

Nous n’avons ni recensements sérieux, ni consultations sérieuses, encore moins d’élections libres, justes, transparentes et démocratiques. Le piège est si puissant, si ingénieusement ficelé, si profondément enraciné que toutes les tentatives de changement positif sont vouées à l’échec.

Pendant que nos jeunes sont intégrés par d’autres communautés, d’autres nations qu’ils enrichissent de leurs forces, leurs talents, leurs cultures et leurs civilisations, nous les rejetons et les stigmatisons, le tout dans un déni qui ne dit pas son nom.

Les grandes nations s’ouvrent au monde et trouvent l’ennemi ailleurs alors que nous nous trouvons des autochtones et des étrangers parmi ceux qui naissent et grandissent chez nous. Nous trouvons des étrangers qui n’ont pas les mêmes droits que leurs compatriotes avec qui ils vivent sur le même territoire depuis si longtemps. Comme le disait l’intellectuel Guinéen Saidou Nour Bokoum, lorsque nous Guinéens, nous retrouvons dans un puits, au lieu de trouver les moyens d’en sortir, nous creusons davantage. Nous continuons à creuser notre puits, notre tombeau commun en cautionnant ensemble l’injustice, père et mère de tous nos maux.

Boubacar DIENG

 

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