Contre La sansure

Mali: La junte joue à quitte ou double?

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Assimi Goïta veut continuer à ruser avec la classe politique malienne, vent debout contre lui, malgré la chape de plomb qui l’empêche de se faire entendre et d’inverser la tendance à elle défavorable.

Le putschiste, intriguant et ambivalent, reprend toujours d’une main ce qu’il donne de l’autre , se complaît dans le plaisir de concéder des droits acquis et de céder sur des libertés reconnues, dans l’obscur dessein d’occulter la question tabou d’un retour à l’ordre constitutionnel. Il fait tout pour rendre impossible la relève démocratique à son pouvoir militaire tyrannique. Jusqu’à quand va durer le faux suspense ? Qui pour mettre fin au jeu de cache- cache ?

De qui se moque la junte au pouvoir au Mali qui a fait la preuve de sa mauvaise foi dans sa relation avec les acteurs politiques et leaders d’opinion ? Elle ne fait rien de ce qu’elle promet ni ne se sent liée par ses propres engagements. C’est la fuite en avant permanente, la sempiternelle posture de louvoiements, à n’en pas finir, c’est le choix délibéré des manœuvres de diversion. Tout cela, pour retarder et reléguer aux calendes grecques les échéances électorales, ce faisant, confisquer le pouvoir d’Etat ainsi que la souveraineté populaire.

Les partis politiques et organisations de la société civile les plus représentatifs de la société malienne qui ont compris que les militaires espèrent avoir tout le monde à l’usure, font bloc pour leur tenir tête et obtenir d’eux qu’ils rétablissent l’Etat de Droit et la démocratie, ouvertement, bafoués. A ce propos, la levée de la suspension des activités des forces démocratiques est vide de sens, parce qu’un droit constitutionnel restauré, est sans portée réelle, car il ne peut y avoir de combats sans combattants. 11 personnalités du microcosme malien sont embastillés sous le chef d’accusation d’une opposition à l’exercice d’une autorité légitime. A-t-on décrété la pensée unique ? Peut-on invoquer une quelconque légitimité lorsqu’on a pris et exerce le pouvoir par la force, s’est emparé d’un pays, par les armes ?

Assimi Goïta

Assimi Goïta demande à ses opposants de monter sur le ring en leur attachant les mains derrière le dos pour qu’ils ne soient pas capables de donner des coups ni de se défendre et protéger, si non comment comprendre que, d’un côté , on donne un feu vert aux mouvements de dérouler leurs activités et, de l’autre, s’employer à exiler, emprisonner, tuer parfois, séquestrer, harceler, les personnes qui en sont membres et responsables à tous les niveaux. De même, on réactive le dialogue alors qu’il y a eu, il n’y a pas très longtemps, des assises unilatérales et téléguidées, qui ont été organisées par la classe dirigeante afin d’entériner l’ambition de se maintenir au pouvoir, de dévoyer la transition, en revenant sur les premiers engagements et la finalité du processus, à savoir, organiser des élections et remettre le pouvoir au candidat civil élu, démocratiquement. De quoi, peut-on parler encore, avec quels interlocuteurs, les maîtres du pays , s’étant disqualifiés d’eux-mêmes, jour après jour et pour arriver à quoi, tout étant écrit et joué d’avance afin de garantir le statu quo ?

Un philosophe pour aider à conjurer l’angoisse de la mort, toujours traumatique, à des fins d’anaraxie, déclare : la mort n’existe donc ni pour les vivants ni pour les morts, puisque pour les uns, elle n’est pas et que les autres ne sont plus.” Pour le pouvoir malien, les partis politiques ne sont autorisés que s’il n’y a personne pour les animer ou pour parler haut et fort, les leaders ne peuvent être libres que s’il ne leur est pas permis de se réunir, de s’opposer au régime ou s’ils décident de quitter le pays pour aller se réfugier ailleurs.

On ne doit parler de démocratie que si l’on accepte qu’elle soit une fausse promesse, un espoir perdu. Les élections ne seront organisées que lorsque la conviction sera acquise qu’elles ne mettront pas fin à l’hégémonie militaire mais serviront plutôt à reconduire Goita et sa bande aux affaires en les légitimant par l’onction des urnes. L’espace politique et civique ne s’ouvre pas pour les besoins d’une animation mais pour berner l’opinion publique nationale et internationale dans la mesure où le flou continue d’être volontairement entretenu et le vide profite à la forfaiture.

Bref, dans le nouveau Mali voulu et esquissé par une junte égocentrique, prétendument souverainiste et nationaliste, le pouvoir ne doit plus changer de main ni souffrir d’opposition et de contradicteurs. La liberté est à ce prix, le dialogue est aussi à cette condition. Aux Maliens de l’accepter ou de le refuser.

Samir Moussa

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