Mon Colonel, choisissez la construction d’immeubles plutôt que l’achat de blindés
Dans un article d’Africa Intelligence (*) il est rapporté que « la société émiratie Streit Group est en passe de finaliser un important contrat visant à fournir aux forces armées guinéennes des centaines de véhicules blindés… d’une valeur potentielle de 150 millions d’euros, qui vise à équiper l’armée et les forces de sécurité guinéennes de véhicules blindés.«
N’est-il pas plus urgent et nécessaire de reconstruire les ghettos de Kaloum, notamment Coronthie, détruite par l’incendie du dépôt d’hydrocarbures, que doter le pays de coûteux véhicules militaires ? N’est-il pas plus nécessaire de doter les préfectures de services médicaux militaires et de travaux publics, ou d’écoles publiques dans les sous-préfectures, que jeter l’argent de la bauxite dans des équipements militaires surfacturés ? N’est-ce pas ce genre de contrat qu’avait signé le régime de M. Alpha Condé et qui a entraîné la fâcheuse opération dans la quelle la Guinée a été obligée de payer quelques millions d’euros pour récupérer une partie de la chancellerie guinéenne ?
Selon Africa Intelligence, « la société émiratie Streit Group, dirigée par le businessman russo-canadien Guerman Goutorov, a proposé à Conakry de lui fournir jusqu’à plus de 500 blindés légers. Ces véhicules sont destinés à augmenter la mobilité de l’armée, des forces spéciales, de la gendarmerie et de la police guinéennes.
L’une des offres comprend 200 blindés de transport de troupes Spartan, 200 véhicules Cougar et un lot de 150 pick-ups Toyota TLC79 et TLC300. À cela s’ajoute une vingtaine de vedettes maritimes d’intervention rapide Triton 850.
‘Spartacus’ et Mohamed Samba Kébé
Africa Intelligence informe que le commandant Mouctar Kaba, alias « Spartacus », et Mohamed Samba Kébé, un officier du génie, chef de la section de déminage au ministère de la défense, sont les deux officiers « ont contribué à introduire en Guinée une société d’intermédiation baptisée Havana. Basée aux Émirats arabes unis, cette firme a été créée début 2023 afin d’effectuer un montage financier discret destiné à garantir la transaction entre Conakry et Abou Dhabi« , et précise que « si le montant de l’opération dépendra de la quantité de matériel livré, le total de 150 millions d’euros négocié ces derniers mois est inférieur aux premières estimations, qui s’élevaient, début 2023, à près de 190 millions d’euros. Face à cette somme importante qu’elles ne sont pas en mesure de débourser, les autorités guinéennes entendent parvenir à une solution de financement mixte basée sur des contreparties minières. »
Dans la capitale guinéenne, nombre de commentateurs se demandent le « pourquoi de cette commande de la part d’un gouvernement de transition qui doit rendre le pouvoir à un gouvernement démocratiquement au plus tard le 1er janvier 2025, dans à peine un an. Les forces vives devraient dénoncer cette transaction et communiquer avec le fournisseur pour l’informer que c’est une commande illégale du fait que ce n’est pas dans le mandat des autorités en place« , selon l’un d’entre eux.
Pour un autre, « 150 voire même 200 millions d’euros c’est un budget qui, bien géré, pourrait être investis dans la reconstruction des bidonvilles de Kaloum, et avec les autres financements de location d’immeubles de bureaux, envisager l’aménagement du quartier administratif et commercial qu’Alpha Condé avait prévu de faire dans la zone de Koloma et Kaporo rail. Et au lieu de tromper les populations déguerpies avec 7 millions, commencer un plan d’aménagement urbain un peu partout dans les quartiers de Kaloum, Dixinn, Matam… Mais nos gouvernants cherchent toujours comment se mettre plein dans leurs poches« .
Sadiba Koulibaly pas d’accord
Est-ce ce contrat qui a fait perdre son poste de Chef d’État major général des Armées de Guinée au général Sadiba Koulibaly ? Le site l’estime et indique à cet effet : « Ces négociations n’ont pas été du goût de tout le haut commandement militaire, à commencer par le général Sadiba Koulibaly. L’officier, jusque-là chef d’état-major général des armées, a été brusquement remercié en mai dernier par Mamadi Doumbouya, au profit du général Ibrahima Sory Bangoura (AI du 19/05/23). La raison officielle de cette mise à l’écart : les interventions publiques du général sans l’aval de sa hiérarchie. Mais en coulisses, on a notamment reproché au militaire ses réticences sur le volet minier du dossier. Il avait émis des réserves sur la surfacturation potentielle du programme, tout en déplorant l’idée de brader les ressources naturelles de la Guinée. »
Toute la journée de ce jeudi, un message attribué au chef d’État major général Ibrahima Sory Bangoura alimente les commentaires.
Mamadou Alpha BAH Collaboration B. O. MAHMOUD