Contre La sansure

Opposition guinéenne : une continuité de l’échec stratégique ?

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Jean-Marie Doré, figure emblématique de la politique guinéenne, n’a pas hésité à qualifier l’opposition guinéenne de « la plus bête d’Afrique. » Cette déclaration cinglante, prononcée dans le cadre des luttes internes de la coalition CODEM, une structure ayant tenté de faire vaciller le régime de Lansana Conté, met en lumière les carences stratégiques qui gangrènent l’opposition guinéenne depuis des décennies.

Le manque de coordination, de vision commune, et surtout de transparence au sein des rangs de cette coalition avait permis au général Conté de les manœuvrer avec habileté, installant un système électoral où le vainqueur était connu à l’avance. Le résultat : un régime militaire de 25 ans, marqué par l’immobilisme politique et la stagnation démocratique.

Un écho historique toujours présent

Le 5 septembre 2021 marque une nouvelle ère pour la Guinée avec la prise du pouvoir par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) dirigé par le général Mamadi Doumbouya. Le renversement du régime d’Alpha Condé, lui-même arrivé au pouvoir avec les promesses de changement, a suscité un vent d’espoir dans le pays.

Beaucoup espéraient une transition politique rapide, une refonte des institutions et une véritable ouverture démocratique. Pourtant, un sentiment de déjà-vu semble hanter la scène politique guinéenne. L’opposition actuelle, en dépit de la gravité du contexte, semble reproduire les mêmes erreurs que ses prédécesseurs.

Ce qui frappe dans cette situation, c’est l’incapacité de l’opposition à anticiper les véritables intentions du CNRD. Pensait-on réellement que ces jeunes officiers, formés dans les arcanes militaires, allaient se contenter d’organiser des élections et quitter la scène politique ? Il semble que seule l’opposition politique, engluée dans des calculs à court terme, ait entretenu cette illusion. Cette myopie stratégique a permis au CNRD de conforter sa position, alors même que le pays s’enfonce dans une incertitude politique prolongée.

Un dialogue politique stérile

Les faiblesses de l’opposition guinéenne se manifestent particulièrement dans sa capacité limitée à mener un dialogue politique efficace. Le processus de transition, qui aurait dû offrir une plateforme pour redéfinir les fondations politiques du pays, est devenu un terrain d’affrontements personnels et d’intérêts partisans.

Face à une junte militaire qui sait jouer sur les divisions et les faiblesses de ses adversaires, l’opposition n’a pas réussi à proposer une stratégie unie et cohérente, capable d’imposer une alternative crédible. Le résultat est un enlisement des discussions et une prolongation de la transition sans véritable feuille de route politique.

Il est également préoccupant de constater que cette opposition, tout comme à l’époque de Conté, semble plus préoccupée par les querelles internes que par l’élaboration d’un véritable projet de société. Le manque d’unité et de vision à long terme ne fait que renforcer la position de ceux qui détiennent le pouvoir, prolongeant ainsi un cycle de gouvernance autoritaire qui fragilise davantage les institutions démocratiques.

Quelles leçons tirer ?

Pour la Guinée, le défi reste immense. Le pays a besoin d’une opposition forte, capable de proposer des alternatives claires, crédibles et inclusives. Une opposition qui ne se contente pas de réagir aux événements, mais qui anticipe, influence et construit l’avenir. Les erreurs du passé, notamment l’absence de stratégie et la division, ne doivent plus se reproduire.

Le CNRD, de son côté, doit également être conscient que la transition ne peut s’éterniser sans conséquences graves pour la stabilité du pays. Un retour rapide à un régime démocratique, appuyé par des institutions solides et des élections libres et transparentes, est essentiel pour éviter que la Guinée ne retombe dans les travers de l’instabilité chronique.

La citation de Jean-Marie Doré résonne encore avec force dans le contexte actuel. Si l’opposition ne parvient pas à tirer les leçons du passé, elle risque de prolonger un cycle d’échecs, au détriment de la population guinéenne qui aspire à un véritable changement. Le temps est venu pour une refonte en profondeur de la stratégie politique, afin de permettre à la Guinée de se tourner enfin vers un avenir plus prometteur.

A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.

Elhadj Aziz Bah, USA

*Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.

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