Contre La sansure

POUR ME TRAORÉ, IL MANQUE À LA GUINÉE DES « PERSONNES QUI RÉFLÉCHISSENT SUR LES QUESTIONS DE LA SOCIÉTÉ (…) ET PROPOSENT DES SOLUTIONS ».

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Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier de Guinée, est une des personnalités désignées membre du Conseil de la transition. Une nomination méritée et incontestée, contrairement à celle de nombreuses autres, sélectionnées par le Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, que certains analystes croient avoir été « fait selon des critères dictés par l’entourage ethnostratégiste du CNRD du Colonel Doumbouya ».

Pour l’avocat, « la Guinée regorge de très brillants esprits dans tous les domaines et mais elle semble manquer d’intellectuels en grand nombre. Intellectuels, non pas au sens de ceux qui ont tout simplement eu la chance d’aller à l’école occidentale, sont sortis de prestigieuses institutions de formation et bardés de diplômes, mais celui de personnes qui réfléchissent sur les questions de la société, alertent, sensibilisent, éduquent, conscientisent, prennent position et proposent des solutions. C’est cette dernière catégorie de personnes qui manquent cruellement à notre pays ».

Il indique que « dans la communauté de ce qu’on appelle à tort ou à raison des intellectuels, il y en a qui préfèrent ne pas contrarier ou à contester, à défaut de chercher à plaire à tout prix. D’autres choisissent toujours de scruter la direction du vent pour se positionner conséquemment. D’autres en fin optent pour le silence pour ne pas voir « lyncher » par ceux que leurs opinions pourraient déranger. Pour ceux-ci, le silence est une sorte de bouclier, de rempart contre le courroux de ceux qui ne partageaient pas leurs opinions ou positions sur certaines questions.

Poursuivant, il estime que « ceux qui osent s’exprimer malgré tous les risques, notamment les attaques personnelles dans les médias et sur les réseaux sociaux, ne sont pas nombreux. L’écrivain Tierno Monenembo et l’ancien ministre Kalifa Gassama Diaby font partie de ces rares intellectuels qui prennent le « risque » de s’exprimer ouvertement sur les questions essentielles de la vie de la nation, que leurs positions plaisent ou déplaisent. Ils ne se soucient pas de savoir si leurs prises de position contrarient, dérangent ou créent des controverses ou polémiques ».

Il indique que « même si l’on n’est pas toujours en phase avec eux sur leurs opinions, il faut leur reconnaître cette indépendance d’esprit qui fait défaut chez bon nombre de personnes de leur stature ou de leur rang ».


L’ancien Ministre Kalifa Gassama Diaby.

Pour lui, « qualifier Kalifa Gassama Diaby de » frustré » à cause de sa tribune sur la résurgence des coups d’État militaires et la conduite de la transition en Guinée, révèle tout simplement la pauvreté du débat sur des sujets pourtant fondamentaux. Il est l’un des quelques guinéens qui ne sont mus que par la volonté de servir le pays. Il le fait avec détachement et désintéressement. Dans ce pays, l’on se connaît suffisamment pour savoir qui agit pour obtenir un poste de responsabilité et qui agit dans le cadre de la stricte défense des valeurs et principes ».

Visées exclusionnistes

Me Mohamed Traoré a également estimé que le rajeunissement d’une classe politique n’est pas une mauvaise idée en soi, mais souligne que dans le contexte actuel une telle démarche vise à exclure des leaders politiques et pas des moindres.

Pour prouver que le débat sur la fixation d’une limite d’âge pour se porter candidat à l’élection présidentielle n’est pas un fait nouveau en Guinée, il a rappelé qu’en « 2010, la question s’était déjà posée. L’avant-projet de constitution avait même prévu une disposition indiquant l’âge maximum auquel il était admis d’être candidat à l’élection présidentielle. Au terme de débats passionnés à la limite du pugilat et dans un souci d’apaisement, cette règle avait fini par être abandonnée ». Et d’ajouter à l’endroit des promoteurs d’une telle réforme : « les raisons qui ont prévalu à l’époque ont-elles disparu aujourd’hui ? Il faut y réfléchir ».

Me Traoré indique que « parmi les personnes favorables à cette idée, il y en a qui ont des arguments respectables. Mais, d’autres ont tout simplement des visées exclusionnistes. C’est parmi elles d’ailleurs qu’on trouve aussi les partisans d’une transition à durée indéterminée. Ils pensent que plus la transition est longue, plus l’avenir politique de certains acteurs est incertain ».

Pour de nombreux observateurs, le CNRD cherche à éliminer Cellou Dalein Diallo, leader incontesté du plus grand parti et de la plus grande coalition politique de Guinée ?

Il invite ceux qui soutiennent le plafonnement de l’âge des candidats à retenir que « pour celui qui a soutenu un troisième mandat conduisant possiblement à une présidence à vie, évoquer le renouvellement ou le rajeunissement de la classe politique peut apparaître comme une manœuvre visant des adversaires politiques. Ce qui dessert la pertinente idée de la fixation d’un âge limite pour être candidat à l’élection du Président de la République ».

Hamidou BAH

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