Contre La sansure

Présidentielle au Sénégal : « la mouvance Sonko » se réorganise autour de Bassirou Diomaye Faye

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Écarté de l’élection présidentielle du 25 février, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, au cœur d’un feuilleton politico-judiciaire depuis plusieurs années, veut malgré tout continuer à faire vivre sa candidature et Bassirou Diomaye Faye, l’un de ses plus proches collaborateurs, pourrait jouer les doublures. Mais la tâche s’annonce ardue pour cet ancien inspecteur des impôts, détenu depuis avril dernier pour « outrage à magistrat » et « diffamation ».

Ils sont sonnés mais ne s’avouent pas vaincus. Les soutiens de l’opposant Ousmane Sonko cherchent une parade après la publication, samedi 20 janvier, par le Conseil constitutionnel du Sénégal, de la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du 25 février, sur laquelle ne figure pas le nom de leur champion.

Sans grande surprise, les Sages ont écarté la candidature du maire de Ziguinchor, en raison de sa condamnation définitive à six mois de prison avec sursis, le 4 janvier, le rendant « inéligible pour cinq ans », dans une affaire l’opposant à Mame Mbaye Niang, le ministre du Tourisme et des Loisirs.

La liste publiée par le Conseil constitutionnel vient clore trois années d’un interminable feuilleton politico-judiciaire et d’un violent bras de fer entre l’État et l’opposant, qui dénonce un complot destiné à l’empêcher de participer au scrutin.

Incarcéré depuis fin juillet pour appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l’État, Ousmane Sonko a également été condamné à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse » en juin mais acquitté d’accusations de viols au sein d’un salon de massage de Dakar.

Après plusieurs mois émaillés de manifestations et d’incidents meurtriers, le Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, dissous le 31 juillet 2023, appelle désormais ses partisans au calme et à se concentrer sur l’élection présidentielle. « Nous demandons une union sacrée de toute l’opposition, de tous ceux qui ont été exclus, la désignation d’un organe indépendant pour organiser les élections, mais le plus important, nous devons voter, Bassirou Diomaye Faye. En étant candidat, c’est Ousmane Sonko qui est candidat« , a réagi auprès de RFI Birame Souleye Diop, vice-président du parti dissous.

Désigné officiellement en novembre comme le plan B de l’ex-Pastef, Bassirou Diomaye Faye, également incarcéré, a, lui, vu sa candidature validée samedi par le Conseil constitutionnel. Cofondateur du Pastef en 2014, cet ancien inspecteur des impôts, issu de l’École nationale d’administration du Sénégal, est considéré comme un très proche d’Ousmane Sonko, partageant le même discours antisystème, teinté de conservatisme religieux. Un mimétisme qui pousse certains de ses détracteurs à le qualifier de « clone ».

La situation inédite d’un « prisonnier-candidat »

À 43 ans, l’ancien syndicaliste apparaît comme le candidat le plus légitime pour prendre la relève. « C’est un compagnon de longue date de Sonko, avec un parcours assez similaire, qui bénéficie non seulement du soutien de la base du parti mais qui a aussi appartenu au plus haut niveau de la structure du Pastef », analyse le politologue Gilles Yabi, fondateur de Wathi, un cercle de réflexion citoyen basé à Dakar. « Il incarne la mouvance Sonko, c’est-à-dire la jeunesse et la volonté de renouvellement de la classe politique. »

Cependant, la candidature du bras droit du maire de Ziguinchor n’est pas sans comporter plusieurs failles. Battu dans sa commune aux élections locales de 2022, « BDF » n’a pas d’assise électorale et semble loin d’atteindre la popularité du charismatique Ousmane Sonko.

Son statut de « prisonnier-candidat » fait également peser des doutes sur sa capacité à mener sa campagne. Bassirou Diomaye Faye est en effet lui aussi en prison depuis avril dernier pour « outrage à magistrat » et « diffamation à l’encontre d’un corps constitué« . Dans un message sur Facebook, il avait critiqué plusieurs magistrats dans le traitement de l’affaire opposant Ousmane Sonko au ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang.

« La loi ne prévoit pas de dispositions pour les candidats dans cette situation. Il risque de faire campagne depuis la prison, à moins que le président de la République n’aménage une situation » exceptionnelle pour lui permettre de sortir momentanément, indique à l’AFP le constitutionnaliste Babacar Guèye.

Cette situation inédite pourrait laisser une chance à d’autres candidatures alternatives. Habib Sy, un ancien du Parti démocratique sénégalais (PDS), fait aussi partie des options crédibles, tout comme Cheikh Tidiane Dièye, ex porte-parole d’Ousmane Sonko lors de la présidentielle de 2019. Ces deux candidatures ont été elles aussi validées samedi soir par le Conseil constitutionnel.

« Désormais, il est attendu que des candidats se désistent en faveur de celui qui aura le soutien d’Ousmane Sonko. C’est lui qui fera le choix ultime et désignera celui qui portera les couleurs de l’ex-Pastef. De mon point de vue, le fait qu’Ousmane Sonko ne soit pas lui-même candidat ne signifie pas que la mouvance Sonko ne sera pas bien représentée et qu’elle ne constituera pas une véritable menace pour le candidat du pouvoir sortant« , estime Gilles Yabi.

Une élection « très ouverte »

Selon les analystes, à moins d’un mois et demi de l’échéance, l’incertitude plane quant à l’issue de cette élection à deux tours. Jamais le Sénégal n’aura connu un scrutin avec autant de prétendants, vingt au total contre cinq retenus en 2019. Autre fait inédit :  le président Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans, et réélu en 2019, a déclaré en juillet qu’il ne se représenterait pas.

Pour lui succéder, le chef de l’État sortant a désigné le Premier ministre Amadou Ba, mais plusieurs poids lourds de la majorité s’opposent à ce choix, dont l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne et l’ex-ministre Aly Ngouille Ndiaye qui figure parmi les 20 candidats retenus.

« C’est une élection qui s’annonce très ouverte. Malgré l’impossibilité pour Ousmane Sonko et pour Karim Wade d’être candidats, on a quand même une offre politique diversifiée. Mais dans ce genre de scrutin, la question des moyens financiers va jouer un rôle, tout comme celui du contrôle de l’espace médiatique, ce qui pourrait plutôt aller dans le sens du candidat et Premier ministre Amadou Ba« , juge Gilles Yabi.

« Reste une inquiétude concernant la fiabilité des listes électorales et l’intégrité du processus électoral lui-même« , poursuit le politologue. « Cela doit être la priorité pour toutes les forces politiques et pour la société civile : s’assurer que le Sénégal aura un processus transparent et que tous ceux qui veulent voter en auront la possibilité. »

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