Présidentielle en Tunisie : trois candidats officiellement retenus, trois autres exclus

Lundi, la commission électorale tunisienne a validé les candidatures de Kaïs Saïed, Zouhair Magzhaoui et Ayach Zammel, autorisées à concourir à l’élection présidentielle prévue le 6 octobre. Elle a exclu définitivement trois autres postulants dont la candidature avait été réintégrée par la justice la semaine dernière.
La liste définitive est désormais connue. L’autorité électorale en Tunisie a validé définitivement lundi 2 septembre trois candidats parmi lesquels le président sortant Kaïs Saïed, et exclu trois autres postulants perçus comme des concurrents sérieux du chef d’État, « verrouillant » en sa faveur le scrutin présidentiel du 6 octobre, selon des experts.
L’instance électorale, Isie, a annoncé une liste de candidats « définitive et non sujette à un quelconque recours » qui inclut, outre Kaïs Saïed, 66 ans, en lice pour un deuxième mandat, Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ancien député de la gauche panarabe, et Ayachi Zammel, 43 ans, un industriel peu connu, chef d’un petit parti libéral.
Le Tribunal administratif « n’a pas communiqué officiellement ses décisions (à l’autorité électorale) dans le délai prévu de 48 heures comme le prévoit la loi », a annoncé le chef de l’Autorité électorale, Isie, Farouk Bouasker, pour justifier l’exclusion de trois autres candidats.
À la surprise générale, la semaine passée, le Tribunal administratif avait décidé la réadmission de trois postulants considérés comme ayant des chances de l’emporter face à Kaïs Saïed : Abdellatif Mekki, un ancien dirigeant du mouvement islamo-conservateur Ennadha, Mondher Zenaïdi, un ancien ministre du régime Ben Ali, et Imed Daïmi, un conseiller de l’ex président Moncef Marzouki, également proche d’Ennahdha.
« Cela renforce l’impression d’élections verrouillées. Saied a un boulevard devant lui. Et la décision de l’Isie prouve qu’il n’y a plus d’État de droit« , a indiqué à l’AFP le politologue Hatem Nafti, pour lequel « les candidats qui pouvaient gêner [Kaïs] Saïed viennent d’être écartés« .
Dérive autoritaire
Pour Isabelle Werenfels, politologue à l’institut allemand SWP, « on peut dire que l’Isie a pratiquement décidé de l’issue du scrutin« . Et « ce qui s’est passé récemment montre que l’administration ou une partie de la justice sous influence du président [Kaïs Saïed] vont faire obstacle aux campagnes de ses deux concurrents« , Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, a indiqué l’experte à l’AFP.
Ayachi Zammel a été interpellé lundi à l’aube pour des soupçons de faux parrainages dans son dossier de candidature, a indiqué un membre de son équipe de campagne. Il a été emmené à un poste de la Garde nationale à Tebourba, à environ 40 km à l’ouest de Tunis.
La trésorière d’Azimoun, le parti d’Ayachi Zammel, Siwar Bargaoui, et membre de son équipe de campagne, avait été interpellée le 19 août pour avoir falsifié des parrainages pour le compte d’Ayachi Zammel. Elle a été relâchée le 29 août en attente d’un procès fixé au 19 septembre, selon le site en ligne Business News.
Kaïs Saïed, élu démocratiquement en 2019, est accusé de dérive autoritaire depuis un coup de force le 25 juillet 2021 lors duquel il s’est octroyé les pleins pouvoirs, avant de réformer la Constitution l’année suivante pour instaurer un régime ultra-présidentialiste.
Ses détracteurs lui reprochent aussi d’avoir mis sous tutelle les institutions de contrepouvoir créées après la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali en 2011 et l’avènement de la démocratie en Tunisie.
Face à Kaïs Saïed, on a « un candidat de l’intérieur du régime (Maghzaoui, qui avait soutenu le processus du 25 juillet) et un autre en prison depuis ce matin », a ajouté le politologue Hatem Nafti.
Pour Isabelle Werenfels, la réadmission inattendue de candidats par le Tribunal administratif reflète des « frictions au sein des élites entre pro et anti-Saïed, ce qui pourrait être positif pour ce qu’il reste de démocratie en Tunisie« . Mais ces tensions pourraient être « problématiques, voire dangereuses car si le président se sent contesté, il pourrait devenir encore plus autoritaire« , selon l’experte.
« Pure formalité »
Samedi, 26 ONG tunisiennes et internationales et près de 200 personnalités parmi lesquelles de nombreux juristes avaient appelé dans une pétition l’Isie à respecter les décisions du Tribunal administratif, en soulignant qu’elles étaient « exécutoires et ne pouvaient être contestées« .
Leur pétition signée notamment par Legal Agenda et la Ligue tunisienne des droits de l’homme exhortait l’Isie à « éviter toute pratique pouvant porter atteinte à la transparence et à l’intégrité du processus électoral« .
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