Contre La sansure

Sénégal: le gouvernement dissout le parti de l’opposant Ousmane Sonko, 2 morts dans des manifestations (*)

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Le gouvernement sénégalais a annoncé lundi la dissolution du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, moins de deux heures après son inculpation et son placement en détention pour « appels à l’insurrection et complot » contre l’État. Des manifestations contre l’incarcération de l’opposant ont eu lieu dans la journée, à Dakar et Ziguinchor, et au moins deux personnes sont décédées.

« Le parti politique Pastef est dissous par décret », a annoncé le ministre de l’Intérieur Antoine Diome dans un communiqué, justifiant sa décision par ses appels « fréquents » à des « mouvements insurrectionnels » qui ont fait selon lui de nombreux morts en mars 2021 et juin 2023. Ces menaces, poursuit le ministre de l’Intérieur, constituent « un manquement permanent et sérieux aux obligations des partis politiques. »

Le Pastef conteste cette décision. « Cette décision n’obéit à aucune logique démocratique », critique Ousseynou Ly, membre de la cellule de communication du parti.

Cette dissolution du Pastef est « un préjudice grave fait à la démocratie sénégalaise », regrette Mamadou Mbodj, coordinateur de la plateforme F24 dont fait partie la formation politique. Le dernier parti à avoir été dissous dans le pays est le parti africain de l’indépendance, en 1960, rappelle notre correspondante à Dakar, Théa Ollivier.

« Sous les présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, Abdoulaye Wade était un opposant très rigoureux et farouche. S’il a fait de la prison, son parti n’a jamais été dissous », rappelle Aminata Touré, ancienne Première ministre de Macky Sall qui depuis lui a tourné le dos. Après le renoncement du chef de l’État à un troisième mandat, elle ne s’attendait pas à un regain de violence à sept mois de l’élection présidentielle.

Mais pour Pape Mahawa Diouf, porte-parole de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar, la démantèlement du Pastef est nécessaire pour « préserver le modèle démocratique sénégalais » alors que l’Afrique de l’Ouest a été marquée par plusieurs coups d’État, au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et, plus récemment, au Niger.

Pour rappel, ce 31 juillet, Ousmane Sonko a été inculpé par un juge qui a ordonné son placement en détention notamment pour « appels à l’insurrection et complot » contre l’État, a annoncé à un de ses avocats. Au total, ce sont huit chefs d’inculpation en charge contre l’opposant sénégalais et ce, après quatre heures d’un face-à-face avec le doyen des juges que cette décision de mandat de dépôt lui a été notifiée, rapporte notre correspondant à Dakar, Birahim Touré.

Le candidat à la présidentielle de 2024 avait été interpellé vendredi à son domicile. Au retour de la prière, le président du Pastef affirmait avoir arraché le téléphone d’une gendarme qui le filmait sans son accord. « Un vol avec violence », selon les autorités sénégalaises. Dans un post Facebook qui lui est attribué, Ousmane Sonko estime qu’il va s’en remettre à Dieu, car il place en lui toute sa confiance.

Des morts à Ziguinchor

Plusieurs leaders de l’opposition avaient décidé de tenir un point de presse au siège d’un des partis leaders de la coalition Yewwi Askan Wi. Finalement, la gendarmerie a interdit cette manifestation et plusieurs mouvements de protestation ont éclaté en début d’après-midi jusque tard dans la soirée lundi.

À Ziguinchor, au moins deux personnes ont perdu la vie lors d’affrontements. La ville dont Ousmane Sonko est le maire a retrouvé le calme lundi soir après plusieurs heures de manifestation de jeunes qui ont érigé des barricades dans les principales artères de la capitale régionale. Même scène de guérilla dans la banlieue de Dakar avec des barrages et des pneus brûlés pour s’opposer aux forces de l’ordre qui répondent avec des gaz lacrymogènes. Une troisième personne aurait aussi trouvé la mort, à Pikine, et plusieurs autres blessées.

Des échauffourées qui ont poussé les stations d’essence à fermer leur pompe et boutiques pour 72 heures à compter de ce lundi. Elles sont souvent la cible des manifestants en période de tension.

Troisième procédure judiciaire

Ousmane Sonko, 49 ans, voit ainsi s’ouvrir une troisième procédure judiciaire à son encontre, qui risque de compromettre encore davantage sa participation à l’élection présidentielle de février 2024.

L’élu de Ziguinchor, actuellement en grève de la faim, a déjà été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » dans l’affaire qui l’opposait à la masseuse Adji Sarr. La décision de justice avait conduit à des émeutes provoquant entre 16 et 30 morts.

Il avait également été condamné le 8 mai à six mois de prison avec sursis à l’issue d’un procès en appel pour diffamation, une peine largement perçue comme le rendant inéligible pour l’élection. Mais il n’a pas encore épuisé ses recours devant la Cour suprême.

(*) https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230731-senegal-le-gouvernement-annonce-la-dissolution-du-parti-de-l-opposant-ousmane-sonko

Image de la UNE : L’opposant Ousmane Sonko s’adressant à ses partisans lors d’un meeting à Ziguinchor, le 24 mai 2023. AFP – MUHAMADOU BITTAYE

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