SERIE D’ENLEVEMENTS AU BURKINA : Les Burkinabè ont de bonnes raisons d’être inquiets
Depuis quelque temps, l’on assiste à une série d’enlèvements et de disparitions forcées au Burkina Faso et ce, alors même que le pays est en pleine transition politique. Certes, le phénomène n’est pas nouveau dans la mesure où des rapts ou kidnappings, on en a enregistré à la pelle dans les zones sous contrôle des groupes armés terroristes qui tuent et massacrent à tour de bras.
Mais l’inquiétude et la psychose commencent à prendre des proportions inquiétantes depuis que des Burkinabè font l’objet d’enlèvements dans les grands centres urbains comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Fada N’Gourma, etc. Les cas sont devenus si légion qu’il serait risqué de vouloir les répertorier exhaustivement au risque d’en oublier. A titre d’exemples, on peut en citer quelques-uns. Moussa Thiombiano dit Django a été enlevé en même temps qu’un leader communautaire à Fada N’Gourma. Cela fait plusieurs mois que les familles sont sans nouvelles des leurs. Peu avant, soit en novembre 2022, Adama Sangaré, l’imam de la mosquée Maadji Ibn Djabal, a été enlevé chez lui à domicile et conduit manu militari vers une destination inconnue. C’était à Bobo-Dioulasso.
Il est de bon ton que les autorités travaillent à rassurer l’opinion en levant certains coins du voile
Les cas les plus récents sont ceux de Abdoul Fatao Zèba, Salif Yaméogo et Issouf Nikièma, kidnappés dans la capitale, Ouagadougou, et le plus souvent en plein jour. Dans certains cas, des témoins racontent avoir vu des hommes en tenue militaire ou dans d’autres tenues, opérer. Ils parlent d’individus cagoulés et armés circulant à bord de pick-up. D’où les interrogations suivantes : ces enlèvements sont-ils l’œuvre des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui, après des enquêtes approfondies, procèdent à la neutralisation de complices des terroristes ? Ou s’agit-il de bandits armés qui cherchent à semer le trouble aux fins de tailler des croupières aux autorités de la transition ?
En tout cas, en l’absence de toute communication officielle, les Burkinabè se demandent, avec juste raison, de quoi demain sera fait. A quoi répond le silence des autorités ? Est-ce parce qu’elles sont dépassées par les événements ? Est-ce parce qu’elles attendent de voir clair pour communiquer ? Ou est-ce parce qu’elles ont des choses à se reprocher ? Ce sont là des questions que les uns et les autres se posent sans réponse. Pourtant, il serait de bon aloi que les autorités, quoi qu’il leur en coûte, éclairent la lanterne de l’opinion nationale et internationale. Il y va de l’image de notre pays qui, on le sait, a déjà pris un sérieux coup depuis maintenant plusieurs années à cause des attaques terroristes qu’il continue d’enregistrer.
Certes, on comprend qu’en matière d’enquête, il est difficile de communiquer sur certains aspects. Mais dans le cas d’espèce, il est de bon ton que les autorités travaillent à rassurer l’opinion en levant certains coins du voile. Si les personnes enlevées l’ont été par les FDS qui les soupçonnent de pactiser avec des forces obscures, il y a lieu de le dire pour que les parents et les proches sachent à quoi s’en tenir.
Les autorités gagneraient à revoir leur copie
Cela pourrait même avoir un effet pédagogique dans la mesure où cela pourrait contribuer à dissuader certains apprentis sorciers tapis dans l’ombre. Il en est de même si les personnes enlevées l’ont été par des bandes armées qui ont fait le choix d’écumer les grandes villes du pays. Car, cela permettrait aux uns et aux autres de prendre les dispositions nécessaires afin de parer à toute éventualité. D’ailleurs, dans ce dernier cas, les autorités, si elles acceptent de communiquer, pourraient même bénéficier de la sympathie et du soutien des populations.
En tout cas, à l’allure où vont les choses et au regard du flou et du mystère qui entourent les enlèvements et disparitions forcées, on a bien peur que des malfaiteurs n’en profitent pour pêcher en eaux troubles ; tant le contexte s’y prête. On touche du bois pour ne pas en arriver là. Car, le Burkina Faso a tellement souffert qu’il faut éviter d’en rajouter. Cela dit, pour éviter les amalgames qui pourraient constituer des facteurs aggravants de notre situation, les autorités, si tant est qu’elles soient derrière ces enlèvements, gagneraient à revoir leur copie.
En effet, s’il y a des compatriotes qui sont en intelligence avec les groupes armés terroristes, il faut procéder à leur arrestation dans les règles de l’art afin que leur soit opposée la rigueur de la loi. Cette démarche a l’avantage d’être transparente, en ce sens qu’elle lève toute équivoque et incompréhension. C’est, du reste, pourquoi il faut saluer la prompte réaction citoyenne des jeunes suite au rapt de l’ex-député maire, Issouf Nikièma. Ils sont dans leurs bons droits de réclamer des comptes et ne sont plus prêts à se laisser conter fleurette. C’est un signe des temps ! Elle semble donc révolue, l’époque où pour un oui ou pour un non, on s’entendait dire : « tu fais, on te fait et il n’y a rien ».
« Le Pays »
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