Simandou bradé : de 120 millions USD à 3 millions USD — une flotte sans ambition pour un projet colossal
Le 2 novembre 2025, au port de Morebaya à Forécariah, les caméras ont immortalisé ce que le pouvoir a voulu présenter comme un moment “historique” : la réception des premiers navires du projet Simandou, sous la bannière de la Compagnie du Transguinéen (CTG).
Mais à y regarder de près, le décor tient plus de la mise en scène que du tournant industriel.
Face à l’ampleur d’un projet estimé à plus de 15 milliards de dollars, censé transformer la Guinée en puissance minière d’envergure mondiale, le navire mis en avant ressemble à une embarcation de service côtier, à mi-chemin entre un bateau de surveillance et un ferry logistique. Loin, très loin, des géants des mers capables de transporter des centaines de milliers de tonnes de minerai de fer vers les marchés internationaux.
Le choc des chiffres avec un contraste saisissant :Un vraquier minéralier standard (bulk carrier) coûte entre 60 et 120 millions USD, selon la taille et la motorisation.Le navire présenté à Morebaya, lui, est estimé à à peine 2 à 3 millions USD, soit quarante fois moins qu’un cargo apte à répondre aux ambitions affichées de Simandou.
Autrement dit, la flotte censée incarner le renouveau industriel guinéen équivaut à un simple bateau de service portuaire. Une vitrine sans envergure pour un projet censé symboliser la souveraineté nationale et la renaissance économique du pays.
Une mise en scène plus qu’un tournant.
Plutôt qu’un jalon stratégique, cette cérémonie ressemble à un coup de communication destiné à meubler le vide d’un projet encore inachevé.
Le corridor ferroviaire est loin d’être opérationnel, les terminaux portuaires sont en chantier, et la chaîne logistique censée relier Simandou à l’Atlantique demeure, pour l’heure, un mirage administratif et financier.
On ne construit pas un rêve industriel avec des images, ni une puissance logistique avec des navires symboliques. L’écart entre le discours et la réalité technique devient le marqueur d’un projet bradé dans l’ambition, sinon dans l’honneur.
Simandou mérite mieux. Il ne devait pas être un simple prétexte à communication politique. Il devait être le fer de lance d’une Guinée souveraine, ambitieuse, connectée au monde par la qualité de ses infrastructures.
Mais à force de réduire les promesses à des cérémonies de façade, on affaiblit la crédibilité du pays et on banalise la valeur du travail collectif qu’exige un tel chantier.
Le peuple guinéen n’attend pas des rubans coupés, mais des rails posés, des ports fonctionnels et des navires dignes d’un projet continental.
Sinon, le rêve de Simandou finira comme ce bateau : joli sur l’eau, mais vide de destination.