« Tous les sondages me donnent vainqueur »- Succès Masra
L’ex employé de la Banque africaine de développement et opposant tchadien rêve plus que jamais du fauteuil présidentiel, après son retour d’exil.
Dimanche 14 mars 2024, jour de démarrage de la campagne en vue de la présidentielle du 6 mai au Tchad, le soleil étend progressivement ses rayons dans la capitale tchadienne, lorsque Succès Masra prend le chemin.
Aussitôt, des foules se forment autour du cortège, tiré par deux voitures blanches, drapées d’une affiche sur laquelle on peut lire « Masra président ».
L’opposant occupe la deuxième, au toit coulissant. Dans un boubou blanc immaculé et coiffé d’un bonnet carré, il a pris place débout, pour s’offrir tout sourire, un bain de foule.
Sous le son assourdissant des motos qui l’accompagnent, il ne cesse d’esquisser des gestes de salutations, se penchant même pour serrer des mains dans la foule qui scande « prési, Prési », le long de son itinéraire.
« Nous avons consacré cette première journée à ce que nous avons appelé le laléko présidentiel, c’est-à-dire à saluer les Tchadiens, dans tout le territoire national. La campagne a été lancée comme ceci dans tout le pays », lance l’opposant.
Le leader des transformateurs se veut déjà plus que confiant, dès l’entame de la campagne électorale « nous sommes majoritaires, je dirais, nous sommes favoris, tous les sondages me donnent vainqueur dès le premier tour», se gargarise-t-il.
Exil forcé
Pourtant il y a encore quelques mois, une candidature de cet homme de 40 ans semblait impossible. Tout remonte au mois d’octobre 2022, lorsque, après avoir boycotté le dialogue organisé par le général Mahamat Idriss Deby Itno, Succès Masra s’oppose au report des élections qui devaient mettre un terme à 18 mois de transition née du décès du président « Maréchal » Idriss Deby au front.
A l’appel du mouvement de la société civile Wakit Tama, et de l’opposant Succès Masra, une manifestation contre le général Deby est organisée dans plusieurs villes du pays, mais la mobilisation va se solder par la mort de 50 personnes selon les autorités, et 300 selon l’opposition et les ONG.
Des rafles organisées dans la foulée, vont également conduire à l’arrestation d’au moins 600 jeunes, qui seront par la suite condamnés pour la plupart à de la prison ferme dans un procès de masse boycotté par les avocats en protestation, avant d’être graciés par Mahamat Déby.
C’est dans ce contexte que Succès Masra est forcé de quitter le pays, pour s’exiler à l’étranger, s’éloignant de son rêve du fauteuil présidentiel, pour lequel il se battait depuis quelques années. Il y passera un an, avant l’entrée en jeu du président congolais Félix Tshisekedi.
D’exilé à premier ministre
Fin octobre 2023, des pourparlers s’engagent à Kinshasa, la capitale de la RDC, ils réunissent trois parties. Le pouvoir central tchadien, et l’opposant Succès Masra, avec au milieu, le président congolais Félix Tshisekedi, facilitateur désigné par la Communauté des Etats de l’Afrique Centrale dans la crise tchadienne.
Ces pourparlers aboutissent à la signature le 31 octobre, d’un « accord de réconciliation nationale pour le retour de ceux qui ont quitté le pays durant les évènements du 20 octobre 2022 ».
L’accord permet à Succès Masra de retourner au Tchad le 3 novembre. L’accord amnistie aussi « tous les responsables civils et militaires impliqués dans ces événements ». Une pilule difficile à avaler pour l’opposition, notamment la coalition Wakit Tama, qui déclare dans un communiqué, qu’il s’agit d’un accord qui « blanchit les auteurs de la répression ».
L’opposant enfourche aussitôt son bâton de pèlerin pour battre campagne pour un vote pour le « OUI » lors du référendum constitutionnel du 17 décembre, pourtant décrié par une grande partie de l’opposition.
Pour lui, l’adoption du projet accélérerait également la fin de la transition. Dans la foulée, il est nommé premier ministre, chef du gouvernement.
Ses débuts en politique
Né le 30 août 1983, Succès Masra a quitté son poste d’économiste principal à la BAD (Banque Africaine de Développement) pour s’engager en politique.
En 2018, il lance son mouvement les transformateurs et s’oppose au pouvoir de Idriss Déby.
Il revendique une idéologie sociale et démocratique, fondée sur la démocratie, l’économie sociale de marché, l’équité, l’humanité et la diversité.
A l’élection présidentielle du 11 avril 2021, il décide de se présenter contre Déby mais sa candidature est rejetée parce que son parti n’était pas légalement constitué, entre autres motifs évoqués.
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