Sabotage des pipelines pétroliers à Conakry par des militaires présumés : La SONAP victime d’un immense préjudice…
Suivant les témoignages de sources diverses, les pipelines pétroliers du Port Autonome de Conakry ont été sabotés dans la nuit du 23 au 24 avril 2023, par « un groupe composé de 5 hommes en uniforme de l’armée guinéenne ».
Après avoir dégradé le pipeline au niveau de l’entrepôt Friguia Mazout de la société russe RusAl, situé tout-près du siège de la Société guinéenne des Pétroles (SGP) « ils ont tenté de remplir deux citernes de 40 000 litres chacune mais la fuite d’une nappe du pétrole et sa remonté vers le port a alerté les services de sécurité qui ont immédiatement procédé à l’arrestation des suspects, y compris des agents de la Société de Sécurité Laguipres Sécurité » note une source administrative.
Pour une autre source technique, « ce sont plutôt des agents de Laguipres Sécurité qui ont percé le tuyau qui passe par la cour de Friguia Mazout, qu’ils sont chargés de sécuriser au bénéfice de la société RusAl. Après avoir rempli une première citerne de 40 000 litres, le pétrole coulait à grande quantité sur les eaux que le détachement de 5 membres des Forces Spéciales auprès de la SGP, s’est rendu compte de l’acte de sabotage et a ainsi procédé à l’interpellation des agents de Laguipres Sécurité des chauffeurs ».
Pour une source proche de Laguipres Sécurité, « ce sont plutôt des militaires des Forces Spéciales qui ont conduit les citernes chargées de produits pétroliers dans la cour de l’entrepôt Friguia Mazout de RusAl. Parce qu’eux-mêmes, par manque d’espace sur le site de la SGP, ont leur base dans cette cour où ils cohabitent avec les agents de Laguipres Sécurité ».
Sur la scène du crime, des sources indiquent la saisie de 2 citernes immatriculées RC-1320-T/RC-2638-T et RC 1319-T/RC 2637. Une première citerne ayant été déjà remplie, c’est au moment de rendre pleine la seconde que « l’odeur du pétrole a incité le commandant Cantona et son adjoint Keïta à vérifier et qui ont immédiatement découvert les malfaiteurs en action. Et ils ont procédé à leur arrestation », rapporte une source impliquée.
L’enquête de lepetitdepute.com n’a pu établir l’appartenance des citernes incriminées, mais une source généralement bien informée indique que « les enquêtes diligentées par les services de sécurités contre les conducteurs de ces citernes (chauffeurs) et les agents suspects (militaires et civiles) détermineront à qui appartiennent ces citernes. Mais en attendant, on a l’impression qu’elles appartiennent à des opérateurs indépendants ».
Pour une source à la SGP, le carburant volé n’étant pas dans les cuves de stockage de la société, « il revient à la SONAP de porter plainte contre x pour des fins d’enquête devant aboutir à des poursuites judiciaires ». En termes clairs « il n’y a pas eu vol dans les dépôts de la SGP » mais qu’il est évident que « la SONAP a été victime de vol à travers les pipelines ».
En plus du contenu de la citerne déjà remplie, une source proche de la SONAP, a estimé le dommage à 40 000 litres. Et à cette source d’accuser « ces agents de Laguipres Sécurité sont des professionnels en matière de vol organisé, parce qu’ils en ont l’habitude ».
Interrogée une source au Ministère de la Défense Nationale a objecté, « il n’y a pas eu de détournement de citernes par les FDS [Forces de Défense et de Sécurité]. De votre côté, avez-vous des preuves de ce que vous avancez ? Pour nous, ce sont des accusations à l’encontre des FDS. Selon les autorités de la défense nationale ».
Aux dernières nouvelles, les citernes et les suspects auraient été transférés au siège de la gendarmerie nationale « sur ordre du Général Balla Samoura », selon une source oculaire. Cependant, toutes nos tentatives d’avoir la version du Général concerné sont restées, comme toujours, vaines.
En attendant que cette affaire soit tirée au clair par les corps habilités, l’on se rappellera que « malgré les succès louables de l’actuelle Direction Générale de la SONAP », en août 2022, sur instructions des Ministres en charge de l’Économie, des Finances et du Plan et celui du Budget, l’Inspection Générale des Finances (IGF) avait procédé à l’audit de la structure des prix des produits pétroliers des exercices 2019, 2020, 2021 et 2022. Les constats et recommandations issus de ces travaux s’articulent autour des points suivants : l’imprécision du cadre juridique du comité paritaire ; la problématique de la réconciliation des paramètres de la structure des prix ; la nécessité de mettre en œuvre provisoirement certaines mesures pour atténuer la crise actuelle et les insuffisances de la nouvelle structure de prix.
En Guinée, l’élaboration mensuelle de la structure des prix des produits pétroliers est encadrée par l’arrêté conjoint numéro 3380 du 24 décembre 2020 relatif aux modalités de détermination des prix des produits pétroliers. Cet arrêté institue à son article 12 le comité paritaire dont la composition et le fonctionnement ne sont pas formalisés.
Aussi, les dispositions de l’article 11 de l’arrêté susvisé prévoient un rapprochement périodique des éléments du panier de la réconciliation de la structure des prix entre l’État et les sociétés pétrolières. De 2006 à date, SONAP n’a pu réaliser la réconciliation qu’avec deux sociétés pétrolières alors que, le pays en compte une vingtaine. La SONAP doit poursuivre et finaliser cette procédure afin de déterminer les avoirs de l’État détenus dans les livres des sociétés pétrolières.
L’inspection a également que de 2019 à mars 2022, le montant facturé des provisions et supplément de provision délocalisation du dépôt se chiffrent à 716,255 Milliards GNF. Sur ce montant, les sociétés pétrolières n’ont pas reversé 222,377 Milliards GNF qu’il convient de recouvrer.
Par ailleurs, pour atténuer l’incidence budgétaire de la subvention des produits pétroliers par l’État, il conviendrait, selon l’inspection, « de suspendre et revoir à la baisse la facturation de certaines lignes de la structure. L’économie ainsi réalisée sera réaffectée sur les droits et taxes de l’État ».
Cette mesure porte sur la provision délocalisation du dépôt, les fonds de réserve et la redevance d’entretien routier. Elle portera également sur le gel des nouvelles lignes introduites dans la structure actuelle « en violation de l’arrêté conjoint précité. Si ces mesures sont mises en œuvre, l’État pourrait bonifier les recettes douanières de l’ordre de 475 GNF par litre soit 64, 484 Milliards GNF par mois.
Également, l’inspection a recommandé qu’«il est utile d’envisager dorénavant que la péréquation transport soit prévue uniquement sur le régime Toute Taxe Comprise (TTC) Réseau. Cela permettra à l’État de récupérer, sous forme de recette, la péréquation transport sur les autres régimes. Cela se chiffrerait à 20, 398 Milliards GNF par mois ».
En outre, la nouvelle structure des prix des produits pétroliers comporte de nombreuses insuffisances. En effet, note l’inspection « le 11 mars 2022 la SONAP a conclu un contrat d’importation de produits pétroliers avec la société SAHARA ENERGY RESOURCE LIMITED avec une marge trader fixée à 53 dollars par tonne, alors que celle du contrat précédent s’élevait à 38 dollars par tonne. Trois semaines plus tard, la SONAP a négocié et signé l’avenant n°1 avec pour objet le rehaussement de la marge trader à 115 dollars par tonne ».
Ce niveau de marge trader est inédit dans les contrats de fourniture des produits pétroliers, dans toute la sous-région. Cela contribue « au renchérissement du prix du litre à la pompe et fait perdre des ressources financières énormes à l’État ». Au même moment, la ligne relative au forfait prélèvement SONAP, désormais dénommée marge SONAP est passée de 20 GNF par litre à 150 GNF par litre. A cet effet, si l’avenant n°1 est résilié et que la marge SONAP est maintenue à 20 GNF par litre, les recettes douanières seront bonifiées d’un montant de 71, 771Milliards GNF par mois.