Contre La sansure

« L’ambiance d’une carrière de dictateur du colonel semble avoir du plomb dans l’aile… »

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Les indices d’une volonté de confiscation du pouvoir par le glissement du calendrier concerté de la transition ou par la candidature du Colonel Mamadi Doumbouya, sont de plus en plus identifiables pour tout observateur vigilant.

Généralement, l’ambition d’une carrière de dictateur se conjugue toujours avec l’existence d’un fief naturel ou naturalisé à force de manipulation des sentiments régionaux ou communautaires. À observer de près la composition administrative du pouvoir du colonel, notamment le dosage régional des membres de son gouvernement ou de son cabinet, la Haute Guinée semble se tailler une part de lion.

Cependant, ce constat empirique répond davantage, me semble-t-il, à une logique de continuité avec la sociologie de la structure du pouvoir d’Alpha Condé qu’à un quelconque calcul régionaliste, communautaire ou ethnique.

Difficile de dire si Mamadi Doumbouya nourrit une idéologie régionaliste ou communautaire. En tous les cas, si le Colonel est un communautaire, il va s’en dire que c’est un piètre “ethno stratège”.

En effet, comment imaginer que le Colonel puisse planter les échafaudages de son accaparement durable du pouvoir sans qu’elle ne puisse reposer sur l’adhésion idéologique d’au moins une région sur les quatre que compose la Guinée ?

Avec la Basse-Guinée dont il était originaire, feu le Général Lansana Conté avait pu reposer ses élans sur au moins cette région là, dont il avait pu bénéficier du soutien (naturel ou inconditionnel). Le Capitaine Dadis, en plus des adhésions qu’il pouvait avoir dans une certaine opinion nationale, la Forêt, notamment Nzérékoré la capitale régionale, lui était grandement acquise,

Quant à Alpha Condé, l’histoire d’amour avec la Haute Guinée ne s’est jamais démentie. À cela il faudra certainement ajouter les liens du président du RPG avec la Basse-Côte dont on dit que sa mère est originaire.

La logique qui précède voudrait que le Colonel Mamadi Doumbouya soit au moins le chouchou de la deuxième région administrative du pays. Mais il a beau être originaire et natif de Kankan, la Haute Guinée ne s’est pas jetée d’emblée dans ses bras.

Les raisons sont simples et faciles à comprendre, Kankan et toute sa région semble rester largement fidèles au président renversé par Mamadi Doumbouya. En trahissant celui qui est autrement appelé son “bienfaiteur”, leader historique de la Haute Guinée, Mamadi Doumbouya demanderait trop à Kankan de se consoler dans ses bras.

Malgré les tentatives généreuses à l’endroit de la région, notamment la présence du président de la transition et de la quasi-totalité de son gouvernement à Kankan aux festivités de la Mamaya, l’adhésion de la population en général et de la notabilité, en particulier, semble timide, voire méfiante.

Dans ces conditions, il est difficile de croire en l’existence d’un fief homogène pour le pouvoir du CNRD en Guinée. Hormis la cohorte militariste et du système CNRD constitué par les bénéficiaires des largesses du pouvoir et les occupants du palais Mohamed V, le colonel n’est nulle part en région conquise,

Alors à quel saint se vouer, ou plutôt avec quelle communauté composer, si tant est que le jeu communautaire soit une donnée essentielle à la confiscation du pouvoir ?

On pourrait être tenté d’interroger les conseillers du Colonel quant à leur réelles compétences, tant le colonel s’est grillé avec toutes les communautés. Pour caricaturer, le Colonel ne serait pas seulement en froid avec la haute Guinée dont le chouchou, Alpha Conde, a été dépossédé de son pouvoir, et les ressortissants : Mohamed Diané, Amadou Damaro Camara et tant d’autres, subissent une détention somme toute arbitraire ou illégale.

Son rapport avec le Fouta me paraît tout aussi très tiède, notamment en raison de son acharnement injustifié contre Cellou Dalein Diallo, auquel il impose un exil forcé. L’ouverture du procès du massacre du 28 septembre semble, elle aussi, mettre du sable dans l’athieké du Colonel. L’image d’un Dadis malmené devant les caméras du monde, avec un certain Sekouba Konate, successeur du capitaine à la tête de la transition, libre, sur fond d’accusation de complot, pose question,

Last but not the least, on pourrait croire que la pragmatique Basse-Côte composerait plus facilement avec un pouvoir de fait quelque peu volontariste. Rien n’est moins sûr quand on sait que Ibrahima Kassory Fofana subit les affres de l’arbitraire et de l’illégalité judiciaire de la CRIEF depuis plus d’une année.

À la détention humiliante de Kassory, il faut ajouter le sort difficile réservé à Sydia Touré, également contraint à un exil de fait, et la détention de l’ancien ministre Oyé Guilavogui qui, malgré son patronyme, reste un notable de Kindia en Basse-Côte.

L’ambiance d’une carrière de dictateur du colonel semble avoir du plomb dans l’aile tant les ingrédients d’un désamour communautaire sont réunis. Toutefois, soutenir que le jeu communautaire est défavorable au Colonel ne signifie pas nécessairement qu’il ne pourrait se tirer d’affaire à coup d’ethno-stratégie mieux ficelée. Puisque même si les communautés n’adhèrent pas individuellement à l’appel du pied du Colonel, elles sont loin d’avoir les mêmes intérêts.

L’avenir nous dira si la dignité du mandingue, la noblesse du Fouta, le pragmatisme de la Basse-Côte et la fierté de la Forêt demeureront les boucliers imperméables à la nouvelle dictature militaire que concocte le Colonel Mamadi Doumbouya pour la Guinée en ce 21eme siècle.

Par Titi SIDIBÉ

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