Contre La sansure

Pourquoi la déclaration du Président Emmanuel Macron fâche en Afrique

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La déclaration d’Emmanuel Macron prononcée à l’occasion de la Conférence annuelle des ambassadeurs français a suscité diverses réactions sur le continent.

Alors qu’il y avait jadis neuf pays africains qui abritaient des bases militaires françaises sur le continent, il n’y en aura plus que deux, le Gabon et Djibouti, dans un futur proche.

En effet, après le départ des forces françaises de Centrafrique, du Mali, du Burkina Faso et du Niger, le Tchad et le Sénégal ont annoncé, en novembre dernier, leur volonté de les faire partir de leur pays.

Ils seront suivis, dans cet élan généralisé de souverainisme, par la Côte d’Ivoire, qui, elle aussi, exprime, le 31 décembre 2024, son souhait de rompre les rangs des soldats français de son territoire.

C’est dans cette atmosphère de « brouillard » politico-diplomatique que le président français, Emmanuel Macron, s’est exprimé pour redorer le blason de la puissance coloniale. Mais qu’a-t-il dit au point de susciter autant de réactions en Afrique ?

Une nouvelle fois, la communication du président français sur un sujet qui lie son pays à l’Afrique a encore fait polémique.

Alors qu’il s’exprimait à l’occasion de la 30e Conférence des ambassadeurs français tenue à Paris les lundi 6 et mardi 7 janvier 2024, Emmanuel Macron réfute l’idée selon laquelle l’armée française a été contrainte de se retirer de plusieurs pays africains.

« On est parti, parce qu’il y a des coups d’État, parce qu’on était là, à la demande d’États souverains. À partir du moment où il y a eu des coups d’État, où les gens ont dit « notre priorité, ce n’est plus la lutte contre le terrorisme« , la France n’y avait plus sa place« , a souligné le chef de l’État français.

« Et ensuite, on a décidé, ça c’est le deuxième volet, de réorganiser notre présence militaire. Et donc, nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme on est très poli, on leur a laissé la primauté de l’annonce« , a précisé Emmanuel Macron.

« Je crois qu’on a oublié de nous dire merci »

Le président français Emmanuel Macron est vu sur un écran alors qu'il prononce son discours télévisé du Nouvel An à la nation depuis le palais de l'Élysée, à Paris, le 31 décembre 2024.
Crédit photo, Getty Images. Les propos du président français ont suscité beaucoup de réactions en Afrique.

 

Une nouvelle fois, la communication du président français sur un sujet qui lie son pays à l’Afrique a encore fait polémique.

Alors qu’il s’exprimait à l’occasion de la 30e Conférence des ambassadeurs français tenue à Paris les lundi 6 et mardi 7 janvier 2024, Emmanuel Macron réfute l’idée selon laquelle l’armée française a été contrainte de se retirer de plusieurs pays africains.

« On est parti, parce qu’il y a des coups d’État, parce qu’on était là, à la demande d’États souverains. À partir du moment où il y a eu des coups d’État, où les gens ont dit « notre priorité, ce n’est plus la lutte contre le terrorisme », la France n’y avait plus sa place« , a souligné le chef de l’État français.

« Et ensuite, on a décidé, ça c’est le deuxième volet, de réorganiser notre présence militaire. Et donc, nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme on est très poli, on leur a laissé la primauté de l’annonce« , a précisé Emmanuel Macron.

« Mais ne vous y trompez pas. Parfois, il a fallu les pousser. Mais, ce n’est pas parce qu’on est poli, correct, et qu’on se réorganise nous-mêmes, qu’il faudrait que ce soit retourné contre nous en disant : ‘ils sont chassés d’Afrique‘ », a-t-il insisté.

« On a choisi de bouger, parce qu’il fallait bouger« , avait expliqué Macron au début de son discours pour rappeler l’engagement de la France en Afrique dans la lutte contre le terrorisme depuis 2013.

« Je crois qu’on a oublié de nous dire « merci ». Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme. Mais je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter. Aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui à la tête d’un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région« , a réitéré le président français.

Ces propos du président Macron ont suscité de vives réactions au Sénégal et au Tchad.

Vives réactions au Sénégal et au Tchad

Ousmane Sonko, le Premier ministre du Sénégal.
Crédit photo, Getty Images. Ousmane Sonko, le Premier ministre du Sénégal.

 

Au Sénégal, la réaction du Premier ministre Ousmane Sonko ne s’est pas fait attendre.

« Le président Emmanuel Macron a affirmé aujourd’hui que le départ annoncé des bases françaises aurait été négocié entre les pays africains qui l’ont décrété et la France. Il poursuit en estimant que c’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti la primeur de l’annonce à ces pays africains. Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée« , a écrit lundi sur sa page Facebook le chef du gouvernement sénégalais.

Selon lui, « aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain« .

« Il déclare, enfin, ‘qu’aucun pays africain ne serait aujourd’hui souverain, si la France ne s’était déployée’. Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté« , a expliqué Ousmane Sonko.

« Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye, avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel« , poursuit-il.

« C’est enfin le lieu de rappeler au président Macron que si les soldats africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut-être aujourd’hui encore, allemande », a précisé Ousmane Sonko.

À N’djaména, le gouvernement tchadien a également réagi à travers un communiqué signé de son ministre des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah.

« Le gouvernement de la République du Tchad exprime sa vive préoccupation suite aux propos tenus récemment par le président de la République française, Emmanuel Macron, qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains« , a-t-il souligné tout en invitant les dirigeants français à « apprendre à respecter le peuple africain et (à) reconnaitre la valeur de ses sacrifices« .

« L’histoire atteste que l’Afrique, y compris le Tchad, a joué un rôle déterminant dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales, un fait que la France n’a jamais véritablement reconnu. Les sacrifices immenses consentis par les soldats africains pour défendre la liberté ont été minimisés, et aucun remerciement digne de ce nom n’a été exprimé« , dit-il.

« En ce qui concerne le Tchad, il convient de souligner que la construction de notre armée n’est pas l’œuvre de la France. Notre armée, forte et résiliente, est le fruit de la bravoure du peuple tchadien et des sacrifices consentis avec des moyens modestes. La France n’a jamais doté l’armée tchadienne de manière significative ni contribué à son développement structurel« , poursuit le chef de la diplomatie tchadienne.

« En 60 ans de présence, marqués par des guerres civiles, rébellions et une instabilité politique prolongée, la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien« , rappelle-t-il.

« Au lieu de s’en prendre à l’Afrique, le président Macron devrait concentrer ses efforts sur la résolution des problèmes qui préoccupent le peuple français« , conseille-t-il.

Abderaman Koulamallah a insisté sur l’aspiration du peuple tchadien « à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome, acquis au prix de sacrifices inestimables » et a invité la France et ses autres partenaires « à intégrer cette aspiration légitime dans leur approche des relations avec l’Afrique« .

Que peut-on comprendre du style de communication « décomplexé » de Macron ?

Le président français Emmanuel Macron regarde un dîner de Noël avec des soldats français préparé par les chefs de la présidence française à la base aérienne 188 "Colonel Massart" à Djibouti, le 20 décembre 2024, dans le cadre d'une visite de deux jours à Djibouti pour célébrer Noël avec les forces françaises déployées dans le pays dans le cadre du Traité de coopération en matière de défense (TCMD).
Crédit photo, Getty Images. Le président français Emmanuel Macron regarde un dîner de Noël avec des soldats français préparé par les chefs de la présidence française à la base aérienne 188 « Colonel Massart » à Djibouti, le 20 décembre 2024.

Interpellé sur la stratégie de communication du président français qui fait polémique, le journaliste Assane Samb, spécialisé dans l’analyse du discours politique, (pense) « que la France est en train de commettre des erreurs graves« .

« Ce n’est pas la première fois, et bien sûr, ça va radicaliser davantage les dirigeants africains« , a fait remarquer l’analyste politique.

« Je pense que Macron est en train de chercher à se rattraper par rapport à des erreurs commises dans les relations entre la France et l’Afrique« .

Selon lui, « il est en train de vouloir se rattraper en fait, véritablement, en essayant quand même de prendre les choses à son avantage« .

« Il parle en réalité à l’opinion française et à l’opinion européenne pour leur faire savoir qu’ils maîtrisent la situation, que ce qui se passe, c’est parce qu’eux [les Français] l’ont voulu. Qu’ils ont toujours la maîtrise des rênes des relations entre l’Afrique et la France ; mais, la réalité est tout autre« , explique Assane Samb qui estime que les Français « ont déjà depuis longtemps perdu les commandes« .

« C’est clair que la France ne maîtrise pas grand-chose dans ces relations. Et c’est ça qui a justement beaucoup dérangé et gêné Macron au point qu’il a fait une sortie aussi maladroite qui, on va également le préciser, aura aussi des conséquences tout aussi négatives dans les relations avec l’Afrique », dit-il, au regard « des réactions en séries notées au Sénégal, au Tchad, mais aussi certainement dans d’autres pays dans les jours à venir« .

Quelles pourraient être les conséquences de la déclaration de Macron sur les relations France-Afrique ?

Le président français Emmanuel Macron accueille des dizaines de dirigeants de pays francophones pour un sommet dont il espère qu'il contribuera à renforcer l'influence de la France dans un monde en proie à des crises, en particulier en Afrique, le 4 octobre 2024.
Crédit photo, Getty Images. Le président français Emmanuel Macron accueille des dizaines de dirigeants de pays francophones pour un sommet dont il espère qu’il contribuera à renforcer l’influence de la France dans un monde en proie à des crises, en particulier en Afrique, le 4 octobre 2024. (Illustration)

 

Assane Samb estime que cette dernière sortie de Macron pourrait avoir des conséquences négatives dans les relations France-Afrique.

« Et c’est clair que ce à quoi on va assister, c’est à une radicalisation et la France va davantage perdre du terrain« , argumente Samb.

« La Russie est là, la Chine, ces pays sont là et sont prêts à coopérer d’une autre manière et d’une façon beaucoup plus flexible avec des moyens beaucoup plus conséquents« , poursuit-il.

Selon l’analyste politique, la France-Afrique s’essouffle.

Toutefois, il souligne qu’il ne pense pas qu’il y aurait une « rupture totale », à l’image de celle opérée par les États de l’AES.

« Je ne pense pas que les autres États vont suivre, notamment ceux de la CEDEAO. Absolument pas. Pour beaucoup de ces États, la France va rester un partenaire stratégique. Il y a beaucoup de liens historiques, culturels à tous les niveaux« , rappelle-t-il.

« Sur le plan économique également, on n’est pas prêt à rompre. La France est une grande puissance économique et technologique. On a besoin de transferts de technologie« , poursuit Assane Samb.

Source: https://www.bbc.com/afrique/articles/cqx85yxjnp8o

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