La migration économique participe-t-elle à l’essor de la croissance économique des pays de l’Afrique de l’Ouest ?
L’ampleur du phénomène de la migration, surtout celle irrégulière amène le plus souvent les acteurs à s’interroger sur l’impact de la migration sur l’économie des pays Ouest africains. Mais de plus en plus, les transferts de fonds de la diaspora vers leur pays d’origine surtout en Afrique connaît un grand bon en avant. Ce qui laisse croire que la migration économique participe bien à l’essor de la croissance économique des pays de l’Afrique de l’Ouest.
La migration, à l’instar du reste du monde, profite bien à l’économie africaine. Chaque année, ce sont plusieurs centaines de milliards de francs qui sont transférés vers l’Afrique. En 10 ans (soit entre 2012 et 2022), ces fonds transférés vers le continent noir ont connu un bond de près de 130 milliards de dollars Us (environ 79 365 milliards de F CFA).
Pour preuve, selon des données rendues publiques par les Nations-Unies la contribution des migrants au développement de leur pays d’accueil ou encore à leur pays d’origine est estimée à plus de 500 milliards USD (environ 305. 622 milliards 250 millions de F CFA) de transferts de fonds dont plus de 400 milliards de dollars Us (environ 244.497 milliards 800 millions) effectués en direction des pays en développement en 2012. Selon la Banque mondiale, « les envois de fonds officiellement enregistrés vers les pays à revenu faible et intermédiaire devraient augmenter de 4,2 % pour s’élever à 630 milliards de dollars (384 615 milliards de F CFA) cette année », a révélé la dernière note d’information, sur les migrations et le développement, publiée le 11 mai 2022. Celle-ci signale également que cette hausse fait suite à une reprise presque record de 8,6 % en 2021.
Des éléments chiffrés qui renseignent de l’importance des retombées financières aussi bien dans l’économie mondiale, régionale que nationale. Sur cette même lancée, « les remises migratoires vers l’Afrique subsaharienne ont augmenté de 14,1 % pour atteindre 49 milliards de dollars (29 914 milliards 500 millions de F CFA) en 2021, après une baisse de 8,1 % l’année précédente », ont relevé les Nations Unies.
En Afrique, les chiffres prouvent que les migrants envoient plus que le montant global de l’aide au développement offert aux pays Africains. Dans cette logique d’idées, l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde) qui en est convaincue, renseigne que le montant des transferts de fonds des migrants est équivalent à la somme de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers. Elle reste convaincue que « les transferts des migrants sénégalais représentent une part très importante dans l’économie sénégalaise. »
Ces ressources en transferts de fonds se sont élevés à 2,5 milliards USD (1 529 milliards 250 millions de F CFA) en 2019. Une manne financière qui a été multipliée par 2,7 depuis 2005, indique l’Ocde qui renseigne que le ratio entre les transferts de fonds et le PIB est passé de 7.1 % à 10.5 % entre 2005 et 2019-2020. Ce qui, selon ladite organisation, montre « une augmentation reflétant à la fois la croissance du poids des transferts dans l’économie sénégalaise et la formalisation progressive des transferts ».
Les transferts de fonds de la Diaspora africaines doublés en 15 ans
Pour montrer comment la migration économique contribue à l’essor de la croissance économique des pays de l’Afrique de l’Ouest, il est intéressant de comparer les transferts de fonds des migrants aux autres flux financiers reçus par le Sénégal. En 2019, le montant d’aide publique au développement reçue par le Sénégal était de 1.4 milliard USD (855 milliards 742 millions 300 000 F CFA, tandis que les flux nets d’investissements directs étrangers au Sénégal s’élevaient à un peu moins d’un milliard USD (611 milliards 244 millions 500 000 F CFA). Les transferts de fonds des migrants, qui sont donc équivalents à la somme de l’aide publique au développement et des investissements directs, représentent donc une ressource financière très importante pour l’économie sénégalaise.
Par rapport aux autres pays de l’UEMOA, le Sénégal est le pays où le poids des transferts de fonds dans l’économie est le plus élevé et aussi le seul où le ratio des transferts au PIB dépasse 10 %. Ce ratio est proche de 8 % en Guinée-Bissau, autour de 6 % au Mali et au Togo et nettement plus faible au Burkina Faso, au Niger, au Bénin et en Côte d’Ivoire (moins de 3 % pour tous ces pays). Comparé aux autres pays africains, le ratio entre les transferts de fonds et le PIB au Sénégal est particulièrement élevé, puisque seulement sept pays ont un ratio supérieur.
Au-delà de l’importance des transferts de fonds dans le budget des ménages récipiendaires, la diaspora sénégalaise est également impliquée dans des initiatives de développement local au Sénégal, notamment au travers du Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement (Paisd). Ce programme a été développé depuis 2005 dans le cadre de la coopération bilatérale entre la France et le Sénégal et est élargi depuis 2017 à une coopération à d’autres pays de l’Union européenne. Il a pour objet de promouvoir les initiatives de développement économique et social au Sénégal, à travers la mobilisation des moyens et des compétences des ressortissants sénégalais établis en France, en Italie, en Belgique et en Espagne. Le programme a permis de mobiliser, via les associations de la diaspora, environ 2.8 milliards d’Euros (soit 1 836 milliards 679 millions 600 000 F CFA) pour cofinancer plus de 70 projets de développement local. Selon le comité de pilotage du programme, ces projets ont notamment amélioré l’accès de 210 000 personnes aux services sociaux de base dans les régions d’origine des migrants sénégalais, a indiqué l’Ocde. Celle-ci ajoute que les remises migratoires enregistrent une croissance significative de 7,3 % en 2021
Plus de 1. 500 milliards de F CFA mobilisés par la Diaspora pour cofinancer plus de 70 projets
« Les envois de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire devraient connaître une forte augmentation de 7,3 % et s’élever à 589 milliards de dollars (environ 358 793 milliards 200 millions de F CFA) en 2021. La note d’information de la Banque mondiale sur les migrations et le développement, publiée le 17 novembre 2021, révèle en effet que ce rebond est supérieur aux prévisions antérieures. Il confirme à la robustesse des flux déjà observée en 2020, alors que les remises migratoires n’ont baissé que de 1,7 % en dépit de la grave récession mondiale provoquée par pandémie de la Covid-19. Pour la deuxième année consécutive, les transferts d’argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire (hors Chine) devraient excéder la somme des Investissements directs étrangers (Ide) et de l’Aide publique au développement (APD). Ce constat souligne l’importance de ces flux, qui constituent une véritable bouée de sauvetage en permettant aux ménages de financer des produits essentiels tels que la nourriture, la santé et l’éducation pendant les périodes de difficultés économiques dans les pays d’origine des migrants », souligne la même source.
Pour les institutions internationales comme la Banque mondiale, l’apport positif des migrants dans l’économie de leur pays d’origine ne souffre d’aucune contestation. Michal Rutkowski, le directeur mondial Protection sociale et employé à la Banque mondiale l’atteste. « Les remises migratoires ont largement complété les programmes gouvernementaux de transferts monétaires pour aider les familles souffrant de précarité économique pendant la crise de la Covid-19 », avait-il confié dans un communiqué daté du 17 novembre 2021. Il soutient même que le fait de « faciliter ces envois de fonds pour soulager les budgets des ménages mis à rude épreuve devrait être un élément clé des politiques nationales visant à soutenir un redressement global après la pandémie ».
« La détermination des migrants à venir en aide à leur famille en cas de besoin est à l’origine de la forte progression des remises migratoires, de même que la reprise économique en Europe et aux États-Unis qui a été stimulée par les programmes de relance budgétaire et de soutien à l’emploi », a souligné la Banque mondiale.
Les composantes de la population migrante mondiale
Les tendances régionales ont mis en exergue une certaine résistance de l’Afrique de l’ouest face aux impacts des crises sanitaires et économiques récentes. En effet, selon la Banque mondiale les envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne ont repris de la vigueur en 2021. Ils ont progressé de 6,2 % pour atteindre 45 milliards de dollars (27 395 milliards 624 millions de F Cfa). Au Nigéria, premier bénéficiaire de la région, le rebond est modéré, en partie du fait de l’influence croissante des politiques destinées à canaliser les transferts d’argent par l’intermédiaire du système bancaire. Les pays où le volume des remises migratoires en pourcentage du PIB est conséquent sont la Gambie (33,8 %), le Lesotho (23,5 %), Cabo Verde (15,6 %) et les Comores (12,3 %). En 2022, les envois de fonds devraient augmenter de 5,5 % grâce à la poursuite de la reprise économique en Europe et aux États-Unis, renseigne toujours la banque mondiale.
Relativement à l’apport de la migration dans la croissance économique des pays de l’Afrique de l’Ouest, le Rapport sur la migration en Afrique publié par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en collaboration avec l’Union africaine, le département fédéral américain et la Confédération Suisse, a indiqué que « l’Afrique représente 14 % de la population migrante mondiale, contre, par exemple, 41 % en provenance d’Asie et 24 % d’Europe. Et que l’Afrique de l’Ouest comptait à elle seule 7 398 379 soit 28% des migrants internationaux résident en Afrique en 2019.
Plus de 27 000 milliards de F CFA) envoyés en 2021 vers l’Afrique subsaharienne
Pour ledit rapport, il est nécessaire pour le continent africain de maximiser les transferts financiers des migrants pour le développement. « Dans de nombreux pays africains, les transferts de fonds sont devenus une véritable stratégie de subsistance des ménages, complétant les revenus de nombreux agriculteurs », avait révélé la Bad en 2017. Cela est apparu dans les colonnes de ce rapport. Traditionnellement, les publications sur ce sujet réduisent les transferts de fonds à une utilisation pour la consommation de base et indiquent qu’ils ne peuvent être considérés comme une source de capitaux pour financer le développement dans les pays d’origine des migrants.
Cependant, la réalité est toute autre. Dans les faits, il est estimé que 75 % de l’argent des transferts de fonds reçu est utilisé pour la consommation, y compris la subsistance et le logement. Les 25 % restants offrent d’autres possibilités d’utilisation pour la production socioéconomique. Environ 10 % des transferts envoyés sont utilisés pour la prise en charge de besoins à long terme, tels que l’éducation et la santé, tandis qu’environ 15 % constituent l’épargne et l’investissement immobilier, les petits actifs et d’autres activités génératrices de revenus. Ce dernier chiffre a suscité une attention particulière et a engendré un large éventail d’initiatives en Afrique, souvent à titre pilote, visant à investir ces fonds dans les petites et moyennes entreprises et à encourager l’entrepreneuriat. Les transferts de fonds sont souvent considérés comme étant meilleurs que l’aide étrangère en Afrique, car ils sont utilisés directement dans un objectif précis sans conditions préalables. Bien que les transferts de fonds n’aient pas d’impact direct sur la croissance, ils demeurent plus efficaces que l’aide étrangère et stimulent l’épargne et l’investissement en Afrique subsaharienne. Ceci a pour conséquence une meilleure croissance », conclut ledit document.
Comment contribuer davantage au développement économique ?
Les impacts des investissements de la diaspora sur le développement ont été indexés dans ce rapport sur la migration en Afrique publié par l’OIM. « Les investissements directs et l’entrepreneuriat de la diaspora sont d’autres formes de transferts financiers jouant un rôle prépondérant dans le développement. Ceux-ci favorisent la création d’entreprises, la création d’emplois, la concurrence, l’innovation et la mise en place d’un réseau transnational d’entreprises », a relevé Dakaractu qui a recensé, dans la même lancée de nombreux faits qui, aux yeux de ladite organisation dédiée à la migration, « restent à relever pour faire des transferts de fonds africains un outil de développement plus efficace et plus performant. On peut citer : les lacunes des ménages bénéficiaires en matière de gestion efficace des fonds ; le faible niveau d’inclusion et de connaissances financières des migrants et de leurs familles au pays, l’insuffisance ou l’absence d’infrastructures de paiement dans les pays d’origine et la fragmentation des marchés ».
Il est ressorti des conclusions de la Banque mondiale que « la plupart des individus migrent pour des raisons économiques. Ils vivent et travaillent dans un autre pays, entre autres, pour gagner de l’argent à envoyer au pays afin d’améliorer leur existence, celle de leur famille, de leurs proches et de leur communauté. Pour ce faire, ils envoient des fonds. La migration a donc un impact positif sur les transferts de fonds. Et ces derniers sont sans aucun doute bénéfiques pour le développement. Les transferts de fonds constituent un apport important et croissant de fonds aux individus et aux pays d’Afrique. Ils pourraient contribuer davantage au développement si toutes les conditions étaient réunies.
Dans un rapport de la Banque mondiale intitulé « Africa migration report 2019 », il est souligné, pour le regretter, que les avantages de la migration en Afrique n’ont guère été évoqués ou décrits. Au fil des années, le monde a été amené à croire que la migration africaine est une question d’exode massif suite aux conflits ou aux changements climatiques. Cependant, la migration comporte des avantages pour le continent en particulier et pour le reste du monde en général. Elle stimule la croissance, encourage les initiatives individuelles, permet l’acquisition de compétences et facilite les échanges culturels. De plus, elle renforce la croissance économique et offre des possibilités constructives à une population jeune pleine de vitalité ».
Cet article a été écrit avec le soutien d’Article 19 et l’UNESCO, dans le cadre du projet « Autonomiser les jeunes en Afrique à travers les médias et la communication », financé par l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement (AICS), via le « Fonds Afrique » du Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale (MAECI) ».
In https://www.dakaractu.com/Migration-et-developpement-economique-La-migration-economique-participe-t-elle-a-l-essor-de-la-croissance-economique-des_a219460.html